"Une erreur est si vite arrivée
que jamais les regrets s'effacent,
ne laissant que les pires traces
d'un amour gâché, non partagé."

"Il était impromptu. Pourtant depuis un moment il couvait. Depuis que j'avais pris sa main dans la mienne au creux de ce théâtre. Aux aguets, murmurant sans doute autant de choses à elle qu'à moi, il susurrait à l'envie, ne promettait que douceur et frissons. Pourtant, au fond de moi je ne ressentais que la peur.

C'est toujours cette angoisse que l'on ressent quand c'est le moment. L'assurance n'existe que dans les rêves pour les personnes comme moi. On ne peut la regarder que de loin, promise et dévouée à ceux qui cumulent pourtant déjà d'autres atouts, et on ne la tutoie qu'en approchant ces personnes là. Mais chez eux, elle n'est qu'arrogance et prétention. Curieux, que ce soit moi qui dise ça. Je peux avoir ces défauts. Je ne pense pas qu'ils soient pour autant ma personne tout entière. Une part sans doute. Mais pas dans le sens d'une assurance amoureuse.

Un baiser. J'aurais donné beaucoup de choses pour ce baiser tant il m'attendait.

Je l'avais pourtant imaginé tant de fois qu'il en était presque chorégraphié. Si j'avais dû le mettre en scène je l'aurais situé dans un jardin. Un jardin extraordinaire, rempli d'allées en terre battue camouflées de buissons touffus, d'endroits aérés exotiques, de ruines d'un autre âge, et d'arbres au cimes déchirant le ciel. La pluie tomberait révélant les odeurs dissimulées de la nature trop savamment orchestrée.

Nous nous serions abrités de ces larmes célestes dans ces ruines. Une sorte de labyrinthe sentimental au voûtes de pierres et couloirs moyenâgeux providentiels. Elle marcherait devant, maîtresse du temps et de l'espace. Je ne serais que son serviteur et suivant, déambulant bien obéissant dans ce dédale. Mais avant de sortir je l'aurais retenue.

Elle aurait mis des secondes interminables à se retourner pour me torturer d'un sourire. Nous aurions laissé passer un temps. Et puis pour une fois j'aurais pris l'initiative. Un baiser de rien du tout, furtif. Un frôlement, une esquisse, une promesse de découverte. Un baiser pour invitation. Un baiser d'approbation.

Au bout d'une allée bordée d'arbres biscornus, il y aurait une petite place circulaire aux bancs en pierre froide. Nous nous y serions sentis à notre aise devant les regards des passants mal pensants, tout en imaginant quelle pourrait être la suite..."

"Il s'agit d'un corps oblong.

Marcher à côté le laisse supposer. Le voir déshabillé sous le sien enchante. Il est l'horizon d'une ivresse sans fin, d'une confusion des sens, des caresses et des fluides.

C'est d'abord une peau diaphane et tellement fine! Sofia est à fleur de peau, prête à exploser sous les questions et les tourments de son existence. Est-ce que cette peau peut l'en empêcher? Si elle ne le peut, peut-être le ferais-je. Elle est toujours tendue ou en attente, inquiète ou énigmatique, prête à accueillir des tonnes d'amour dans ses bras. Comment peut-on prétendre la connaître quand on passe à côté de ça? Elle n'attend que ça Sofia, de l'amour, de la considération.

Une vie où elle existe.

Malgré tout, c'est toujours difficile de savoir l'activité qui règne dans sa tête tant elle se dissimule. Alors il n'y a qu'un moyen de la lui faire perdre. Pour cela il faut prendre le temps de découvrir les gestes et les endroits provoquant les réactions les plus satisfaisantes.

Les baisers sont une étape grisante. Ils humidifient mes lèvres pour partir à la rencontre de son cou et de son souffle. Mordiller ses lobes serait appréciable sans ses maudites boucles. Encore un artifice féminin... Heureusement pour moi, derrière son oreille, au ras de son implantation capillaire se trouve un endroit anodin. Rien de particulier. Il ouvre cependant sur une ligne tirant vers sa clavicule. Une ligne à parcourir pour réveiller sa magie. Le feu de Sofia brûle sous les baisers traçant son cou. C'est une constante. La variation de pression de sussions et des contacts fait rapidement augmenter son pouls. Je le sens sur ma langue lorsqu'elle effleure sa carotide. Les battements de son cœur s'accélèrent et son corps tout entier commence à se tendre.

Ses réactions me font chavirer, tout comme la douceur de sa peau comparable à un fruit défendu. Une tentation. Je me perds vite dans ses volumes, en savoure chaque aspérité en cueillant ses râles. Ses yeux sont fermés et son cœur poursuit sa chamade. Les secondes filent au gré de ses soupirs. Chacun d'entre eux est une invitation, voire même une supplique. La voir jouir ainsi, yeux clos devient devient une obsession. Elle s'insinue en moi jusqu'à faire disparaître mes propres envies. Son plaisir seul m'importe et il m'emporte. Jamais je n'aurais pu croire à de telles inepties. Pourtant c'est vrai. On abandonne son propre désir à l'autre.

J'aime sa façon de respirer, haletante, de me regarder puis de fermer les paupières, les pulsations de son cœur, son odeur, et plus que tout, la manière qu'elle a de se mordre la lèvre inférieure quand elle est au plus près... ça me rend fou. Mais qu'est-ce que la folie quand elle porte un prénom?"

" Elle veut que je lui écrive un poème. Je ne sais pas quand, comment ou pourquoi cette idée lui est venue. J'ai beau lui dire que je ne suis pas ce genre de personne, qui si j'ai un minimum de culture, la poésie m'a échappé, elle ne me croît pas. Et moi, comme un idiot, je lui ai dit oui.

Que puis-je écrire? La seule poésie que je connaisse, c'est celles des petits riens du quotidien qui rendent la journée supportable. Alors quoi? Je n'ai pas de ça en ce moment. Il y a quelques temps, j'ai réussi à poser des mots, mes mots, sur ce que je ressens pour elle. Sur ce qu'est mon rapport à notre histoire, tout ce que je peux vivre et faire pour nous. Mais ça ne fait pas de la poésie. ça fait juste mal, assez pour que ce soit mon sang qui coule et couche ces mots sur mon papier.

Je l'aime.

Je l'aime.

A quoi je l'ai su? Au vide qui m'entoure. Quand elle n'est pas là, tout n'est que vacuité. Le temps, l'espace, moi. Quand je la vois, elle m'entoure de mots, de rires, de petits riens qui font toute le différence. Je suis enveloppé d'une douce chaleur qui me protège de tout, qui me donne confiance et m'enorgueillit. Dès qu'elle part, je ressens immédiatement un manque qui grandit inexorablement jusqu'à me retourner le cerveau. C'était pareil avant avec Lily. J'avais cette même sensation. Sauf que Lily, je ne l'ai jamais touchée ou même embrassée. Avec Sofia j'ai tout, sauf l'exclusivité. Avec moi elle a tout, sauf l'exclusivité.

Je suis prêt à tout pour elle, pour sa vie, pour l'aider et la protéger. Perdre des plumes? A-t-on jamais vu un oiseau tomber parce qu'il a perdu trois plumes? Elle vaut le coup. Elle le mérite. Elle a besoin qu'on la mérite aussi, même si elle n'en a pas conscience. Des défauts elle en a, mais pas ceux dont on la persuade qu'elle est faite. Il faut qu'elle passe ça pour vivre, tout simplement vivre. Je la vois. Je la sens brûler d'un feu dont elle ne soupçonne pas l'existence. Elle a en elle une rage de vivre même si elle veut se convaincre du contraire. Les autres elle n'en a pas besoin pas ceux qui l'enfoncent. Il faudrait qu'elle les laisse tomber pour s'envoler.

Hurler. Crier. Gueuler. Vociférer. Tempêter. S'époumoner.
Toutes ces émotions se mélangent et tourbillonnent en un puissant courant. Je me sens pousser des ailes. Avant de la revoir, je me persuade de le lui confesser, de laisser partir ce flot pour la toucher. Je me persuade que de toute façon, elle doit bien le savoir. Plus ça va, plus c'est une nécessité de le lui dire. C'est obligatoire. C'est vital. Les mots vont fuser, exploser en l'air et provoquer le plus beau feu d'artifice qui soit! J'en suis persuadé. J'en tremble. Enfin je me trouve chanceux dans la vie.
Et quand le moment me paraît propice...

S'exprimer. Dire. Parler. Chuchoter. Murmurer. Souffler.
J'ai mal. Quand elle me dit ça j'ai mal. Je veux me convaincre du contraire, mais j'ai l'impression d'avoir été frappé de plein fouet. Pourquoi? C'est vrai, sincère. Je ne dis pas ça à tout bout de champ, je n'ai pas cette réputation. Alors je ravale mon amour comme je peux. C'est difficile. Les mots eux cherchent toujours à s'échapper et fuir pour me soulager de ce qui est devenu un poids. Elle vient de me marcher sur le cœur avec une facilité déconcertante.

J'ai mal.

J'ai mal.

Se taire.
J'accepte. Je veux me battre pour elle. Je veux prouver que j'ai raison. Remballer ma fierté, mon amour et attendre. Je saurai bien à un moment ou à un autre, quitte à perdre. Mais au moins je saurai. Je saurai plusieurs choses: si je vais continuer à payer mon erreur passée ou si je vais enfin pourvoir vivre.

Je ne peux pas lui écrire ce poème. Comment exprimer en vers, en pieds et en rimes ordonnés la confusion des émotions qui coulent en moi sans en devenir pathétique d'efforts inutiles?"

"Si elle ne le veut pas c'est à cause de lui, et pas d'elle comme elle peut le croire.

Quoi que je fasse, quoi que je dise, il est toujours là. Dans un coin de sa tête, dans un coin de son salon, dans un coin de sa chambre. Il est là. Je ne sais pas si le pire est qu'il soit dans sa tête ou en photo. A moins que ce soit qu'elle l'aime encore? Parmi les saintes reliques (du moins ce que j'ai pu voir et comprendre) il y a son masque, quelques objets, et ses photos. Ses putains de photos! Je ne veux pas les voir. Je n'aurais jamais dû les voir. On dirait qu'elles me narguent. Il est là avec son air arrogant et supérieur par rapport à elle. Je le hais. La pire c'est celle où ils s'embrassent. Je l'ai aperçue du coin de l’œil sans le vouloir. Et puis à chaque fois, je savais qu'elle était là cette photo. J'aimerais être à sa place! J'aimerais le virer du décors, le jeter par la fenêtre, le sortir du cadre, du champ. Avada... J'ai l'impression qu'il me donne un grand coup de couteau dans le ventre à chaque fois que je le vois ou que je comprends quelque chose de plus. Mais je ne dis rien. Je peux endurer. De toute façon, je n'ai pas le choix. Il est hors de question qu'une ombre gagne.

Il n'était pas digne d'elle, et elle, elle s'accroche! Mais pourquoi? J'enrage.

Donne-moi une raison valable, un véritable argument pour m'en convaincre. Sofia!

Qu'est-ce qui fait qu'il mérite cet acharnement de ta part? Je pense qu'il représente une certaine stabilité pour toi et que tu as peur de perdre ça au milieu de cette vie qui tangue. Mais est-ce que ça vaut le coup de perdre sa vie pour de la stabilité? Je ne suis peut-être pas le candidat idéal pour postuler, mais si je le dis, c'est que je pense que tu vas t'enfoncer avec cet acharnement. Et ce n'est pas pour obtenir un meilleur rôle dans ta vie que je dis ça. Je suis déjà suffisamment étonné que tu puisses m'accepter à ce point.

Je sais, je m'emporte. Il n'y avait que Saint-Potter qui me mettait dans ces états là avant. Lui seul pouvait me faire perdre mon calme. Mais j'ai mal. Je le hais lui autant que je t'aime Sofia...

J'ai déjà parlé d'exclusivité. Je sais que je ne suis pas blanc moi non plus. Elle est toujours là aussi, et à la meilleure place de ma bibliothèque en plus. Je sais qu'elle est dans la même situation que moi et qu'elle peut se trouver nez à nez avec elle. Je n'ai rien à rajouter, je sais. Je ne lui en parle jamais. Elle n'est que là, qu'une seule photo. Il y a certainement beaucoup de mauvaise foi de mon côté. Mais ça lié au fait que je ne peux pas lui dire que je tiens à elle, ça fait beaucoup. Quand je suis avec elle il y a toujours une part de lui qui nous suit et qui se moque de moi.

Il est là son fantôme, il lui parle, il l'emprisonne, tout comme les autres fantômes de son existence.

Me battre contre une ombre, je peux le faire. Me battre contre un prénom, je ne suis pas sûr, surtout lorsqu'il est associé à des photos. Elle l'a bien compris ça. C'est bien. Elle ne m'en parle plus directement. Quand elle le fait, c'est parce que je le lui ai demandé. Je lui ai parlé de Lily quand elle l'a voulu. Je ne lui ai rien caché du tout. Je ne peux lui cacher quoi que ce soit, même mon meilleur ami... Albus... Et il ne l'a pas faite fuir.

Enfin...

Heureusement pour moi, il y a l'ardoise magique. Au milieu de tout ça c'est ma satisfaction. Ma petite victoire. La seule qui me soit autorisée. Puisque je ne peux pas lui dire les choses, je les lui écris... dessus. Dans le noir de la chambre, à l'abri de sa présence pesante à lui, j'écris sur son corps ce qu'elle ne veut pas que je lui dise. Elle l'accepte. D'un doigt assuré, je trace les lettres de mon cœur. En écriture liée, capitale, en gras, en souligné, en italique, en anglais, en français, en espagnol, en tout ce que je peux... je dis. Moi qui d'habitude pèse toujours ce que je dis... Je peux me laisser aller dans le noir, parce qu'en lui l'ombre est dissoute. A quand le prénom?"

"Je me suis souvent interrogé sur le temps. La perception que l'on en a. Le temps. Insupportable dans un sens ou dans l'autre. Plus prompt qu'un amant filant ou réveil ou plus long qu'un jour sans pain, il est sans cesse maudit. Je ne connais pas une personne satisfaite de son cours. On le blâme, on l'étrille, on l'égratigne. L'insatisfaction met tout le monde d'accord cependant les causes de cette insatisfaction sont diverses. Toutes sont valables, mais aucune n'est juste. Car en fait de régularité, il n'y a pas meilleur métronome que lui.

Les jours seront toujours des jours, les heures des heures et leur conversion sera toujours la même... Avec exactitude. Avec ponctualité.

A se demander si Chronos n'était pas un peu Suisse! Voilà que je pense à elle! Ce n'est pas possible. J'ai l'impression de ne jamais avoir été dans cet état. Il faut dire que je n'ai jamais eu de vraie relation et encore moins à distance. Même si Londres et Poudlard ne sont pas loin en termes de magie, l'utilisation de la cheminée à outrance est risquée. Alors, le moindre détail me la fait sauter au cœur et j'exècre le temps qui m'éloigne d'elle. Oui je suis le premier. En journée les cours m'occupent. J'ai besoin d'un minimum de concentration alors huit heures défilent à peu près correctement. Du moins je n'y fais pas attention. Mais le soir... Rentrer seul est un vrai supplice, surtout quand je la sais seule, entourée de son fantôme. Oui j'ai la haine chevillée au corps. La jalousie aussi.

Une semaine.

Elle aussi a tous les droits en la matière. J'ai tous les torts aussi. Mais on s'en sortira à deux. Il y a des pas qui sont franchis et qui me donnent espoir. Pour une fois j'ai envie de croire, qu'on me laisse ça au moins à défaut de la facilité.
Je me raccroche à ce que je peux parce que je l'ai dans la peau, dans la tête, partout. J'espère avoir une petite place en ce sens pour elle. Le temps en arrive à me faire douter...

Une semaine à attendre...

Une semaine à patienter à ne lui parler que par feu interposé. A ne pas la sentir, ne pas la toucher, ne pas la serrer contre moi quand elle ne va pas bien. A imaginer... le pire alors que dans une lettre elle m'a laissé entendre qu'elle me disait... "Je crois que le moment idéal c'était maintenant..." Et moi j'étais là, comme un idiot, à me dire "Courage Severus, une semaine..." Enfin, cinq jours et quelques heures. Elle y était enfin prête, et dans mon esprit d'amoureux ridicule je me disais: "Qu'est-ce qui me dit qu'elle n'aura pas changé d'avis et qu'elle ne me dira rien quand je la reverrai?"... Et l'angoisse me saisit.

Enfin.

Quand je la vois arriver les doutes s'effacent honteusement. Son seul sourire me fait comprendre que je vais regretter que les secondes passent aussi vite pendant les deux jours qui nous sont alloués. Elle est toute pour moi, je veux tout lui consacrer mais ne pas l'effrayer. S'il le faut je me contenterai d'être juste là, à ses côtés. Je cultive la patience. Je cultive mon amour. Je l'attends... Ne dit-on pas que tout vient à point à qui sait attendre? Quitte à en pleurer après, je ne veux pas baisser les bras. Alors je relativise le temps et essaie d'en donner une nouvelle lecture: celle qu'il est à la mesure de mon attente. Et si elle ne compte pas mon temps, moi j'ai envie de lui donner l'éternité en guise de preuve d'amour car je suis déterminé."