Une famille, Evelyne n'a jamais réellement su ce que c'était. Ses parents ne représentaient pour elle que des personnes lui fournissant de quoi vivre et cédant aux moindres de ses caprices. Et pourtant, des caprices, elle n'en faisait pas beaucoup. Les seuls étaient pour ses livres. Elle n'a jamais été élevée que par des précepteurs et des gouvernantes. Ses parents, célèbres sorciers chacun dans leur domaine, le premier ministre et la seconde alchimiste de renom, n'étaient jamais là et ne semblaient pas se soucier de leur fille en dehors des nombreuses réceptions où ils la faisaient parader, vantant ses talents de jeune sorcière à qui voulait bien les écouter.
La seule personne de sa famille qu'Evelyne portera toujours dans son coeur fut sa grand mère maternelle. Cette dernière périt d'un accident magique mais la version officielle étant tellement défaillante qu'on comprit rapidement qu'il s'agissait d'une élimination. Un Mangemort d'après les rumeurs. La vieille femme légua sa fortune et ses biens à son unique fille mais légua également un présent à Evelyne. Un collier à la pierre turquoise, derrière lequel on peut lire une inscription latine "Pulcherrimae" signifiant littéralement "A la plus belle". Evelyne le porte depuis en permanence autour de son cou et y tient comme à la prunelle de ses yeux.

Sa seconde famille devint celle des Black. Avec Regulus, bien évidemment. Son fiancé et le seul à n'avoir jamais subi les manipulations de la belle. Evelyne avait été attirée vers lui comme un papillon est attiré par une flamme. Et elle s'y est brûlé les ailes. Lorsque l'homme qu'elle aimait passionnément disparut, sa vie perdit toute saveur. Pendant longtemps elle se demanda si elle ne ferait pas mieux de se tuer pour ne plus souffrir.

Sa fille, Rigel, fut sa rédemption. L'être qui la sauva de la folie profonde et qu'elle aima de toutes ses forces. Si elle n'avait plus goût à la vie, elle devait au moins rester pour sa fille, bien que la voir lui rappelle sans cesse son défunt fiancé. Pas question d'abandonner sa fille comme ses parents avaient pu le faire pour elle, surtout que la pauvre enfant était désormais orpheline de père. Evelyne essaya au mieux de combler le vide que pouvait ressentir Rigel de par cette absence et ne manquait aucune occasion pour lui parler de son père.

Née dans une famille de sorciers au sang pur, aristocrates de génération en génération, Evelyne a toujours baigné dans le luxe et la noblesse. Son nom aux consonances celtes a toujours été réputé car porté par de nombreux sorciers d'exception. On compte parmi eux des ministres de toutes catégories, de brillants écrivains, des chercheurs, alchimistes de renom et autre inventeurs à succès. Les parents d'Evelyne ne faisaient pas exception à la règle. Ils étaient tous deux de puissants sorciers, la mère, alchimiste et le père ministre haut placé. Du fait de leur métier prenant, du monde dans lequel ils évoluaient, ils n'ont jamais porté une grande attention à leur unique fille. Elle devait se plier aux règles de la famille et pour le reste, ils s'en contrefichaient.

Ce petit amalgame donna naissance à une personnalité fourbe et manipulatrice, puisque c'est ainsi qu'il était de coutume. Bien avant son entrée à Poudlard, Evelyne était déjà initiée à la magie, elle avait engrangé des connaissances qui lui conférèrent un avantage certain dans la prestigieuse école de sorcellerie. Et une habitude qu'elle ne perdit jamais, aussi, - il est fort peu probable qu'un seul des livres de la bibliothèque de Poudlard renferme encore des secrets pour elle à l'heure actuelle. Certains portent même sans doute, si l'on cherche bien, des annotations dans une écriture fine et délicate, marque qu'elle a laissé sur de nombreux ouvrages lors de sa scolarité pour apporter précision, remarques qu'elle jugeait utile d'inscrire à tel ou tel endroit pour faciliter son travail.
Si elle était une élève appliquée et studieuse, elle n'en restait pas moins détestée de tous, que ce soit des autres maisons à cause de son simple statut de Serpentard et son origine noble, mais également de ses propres camarades vert et argent, puisqu'elle affichait toujours un comportement ambigüe. De plus, elle jouait toujours la comédie, se faisant plus maniérée que nécessaire, miss je sais tout en cours, bien vue auprès des professeurs mais discrète en dehors des cours. Bref, elle se retrouva bien vite isolée de tout contact, n'attirant que la méfiance et la jalousie de tout côté.

Mais elle avait ses idées, ses souffrances, qu'elle interdisait à tous de voir, se cachant sous son masque de perfection étrange. Très touchée par le manque d'affection de ses parents, elle redoutait chaque vacances où elle devait revenir chez elle. Ses parents la faisait parader dans de nombreuses soirées, l'utilisant comme un trophée à leur réussite jusque dans la transmission de leur gêne. Elle était une poupée entre leurs mains dont les fils étaient trop solides pour être coupés. Bien sûr, en dehors de ses sorties, ils la laissaient faire ce qu'elle voulait mais toujours seule. Eux n'avaient pas le temps, peut-être pas l'envie non plus. Et pourtant, ils l'aimaient leur fille, mais ils ne lui montraient pas comme il aurait fallu, pour lui assurer un équilibre sain. Ils ne se rendaient pas compte du mal qu'ils faisaient puisqu'Evelyne ne disait rien, supportant en silence, sans chercher à se rebeller.

A cette époque, la rumeur circulait qu'un mage noir, qui se faisait appeler Lord Voldemort, possédait une grande puissance et commençait à répandre la terreur en Angleterre. Aussitôt, la gamine se prit d'admiration pour cet homme qu'elle ne connaissait pas, l'idolâtrant, imaginant ce qu'il pouvait être, comment il pouvait être. Bref, elle se décida bien vite à trouver un moyen d'attirer son attention, si elle le pouvait. Dans un journal, pour marquer sa résolution, elle avait même inscris ses quelques mots:



Pendant à peu près trois années -de la deuxième année à la cinquième-, elle s'efforça donc de créer des incidents plus ou moins graves dans l'enceinte de l'école. Des agressions suspectes sur des élèves, des vols de produits dangereux, avec à chaque fois des modes opératoires différents, mais toujours une seule signature, deux V, incrustés magiquement sur le dos des mains des victimes et une rose bleue qui avait certains effets lorsqu'on la touchait. On ne sut jamais qu'elle était l'instigatrice de toutes ses gènes, après tout, elle était préfet et elle avait des connaissances bien assez développées pour savoir comment masquer ses crimes. Être fille d'alchimiste avait parfois du bon, surtout quand on connaissait les mots de passes permettant d'accéder aux dossiers de recherches...
Cependant, ce fut suffisant pour permettre qu'on la remarque, comme elle l'avait souhaité. Pendant les vacances d'été entre la cinquième et la sixième année, un mangemort était venu pour la recruter. Elle mit un certain temps à prendre sa décision mais déclara finalement avec audace, qu'elle était prête à servir le seigneur des ténèbres mais qu'elle refusait de porter la marque avant la fin de ses études. C'était chose risquée, mais elle savait parfaitement qu'on gardait un oeil sur elle à Poudlard et qu'y porter la marque serait gâcher toutes ses chances de finir son apprentissage là-bas. C'est grâce à cette argumentation qu'elle obtint ce qu'elle voulut, de justesse après quelques frayeurs.

Dès la rentrée suivante, les méfaits cessèrent et Poudlard retrouva un semblant de calme alors qu'Evelyne et Regulus, tous deux Serpentard, semblaient se rapprocher. Ils se connaissaient depuis leur première année à l'école, étant de la même promotion, mais ils n'avaient jamais montré un quelconque intérêt l'un envers l'autre avant plusieurs années. Ils échangeaient quelques mots, par politesse mais cela n'allait guère plus loin. Aussi, lorsqu'on les vit s'afficher ensemble, se voir régulièrement, échanger des regards qui en disaient longs sur leurs sentiments respectifs, la rumeur se répandit rapidement. Après tout, c'était un Black, un sang pur et d'une lignée des plus connues. Le voir s'enticher de la fille à la plus mauvaise réputation de tout Poudlard, c'était quand même un scoop. A l'époque.

La vérité sur tout cela? Regulus avait simplement été le seul à réussir à franchir les nombreuses barrières qui menaient jusqu'à la véritable personnalité d'Evelyne. A l'abri des regards indiscrets et loin de l'école, ils avaient en fait eu de nombreuses occasions de se croiser, discuter, et finalement arriver à se comprendre. Beaucoup crurent ensuite qu'il ne s'agissait que d'une amourette d'adolescents mais même après Poudlard, ils restèrent ensemble. Non seulement ils restèrent ensemble mais ils projetaient même de se marier. Un mariage d'amour... Un des rares mariages entre sang pur qui s'aimaient. C'était quand même... une nouvelle occasion d'attirer l'attention et de faire parler des Black ainsi que de la discrète famille Alyse, qui encourageait Evelyne dans cette voie, puisqu'automatiquement, le prestige retombait également sur eux.

A côté de cela, Evelyne avait comme convenu reçu la marque des ténèbres à sa sortie de Poudlard. Son charisme et le nom de son fiancé lui taillèrent une bonne place parmi les mangemorts et elle se faisait une joie de pouvoir prouver à tous qu'elle aussi, était capable de faire quelque chose de sa vie, sans avoir besoin de l'aide de qui que ce soit. Sa revanche personnelle prise, elle ne vit aucun inconvénient à faire passer cela pour une adhésion aux idées sur la pureté du sang que défendait Voldemort. On l'envoyait le plus souvent sur des affaires d'espionnages ou en reconnaissance avant de lancer des opérations puisqu'elle se révélait être une fine stratège, discrète et redoutable, à l'effigie du serpent qu'elle avait sur la peau.

Cependant, elle tomba très rapidement enceinte. Cet évènement imprévu si tôt mais qui emplit de joie les futurs parents l'obligea pourtant à cesser ses activités pour un certain temps. Son fiancé mettait un point d'honneur à ne pas la laisser continuer ses missions avec un enfant en route, pour éviter les accidents. Evelyne fut réticente à l'idée de quitter le poste qu'elle occupait, elle n'avait jamais pris de risques démesurés auparavant et il le savait bien alors pourquoi vouloir l'éloigner ainsi? Elle ne dit rien mais elle garda en tête que Regulus lui cachait quelque chose. Ayant pourtant une confiance aveugle en lui, elle ne chercha pas à en savoir plus. Il souhaita également choisir le nom de leur enfant rapidement, ce qui rajouta au trouble de sa fiancée. Elle parvint à se convaincre qu'il ne s'agissait là que d'une fantaisie de la part du jeune homme et lui accorda ce petit plaisir sans problème. C'est ainsi que sa fille se retrouva avec les mêmes initiales que son père, R.A.B.

Evelyne ne comprit que trop tôt la raison de cet empressement et de cet éloignement presque forcé de Voldemort. Un jour, il disparut, et ne revint jamais, la laissant seule avec son fantôme. Seule avec le souvenir de sa voix qui lui murmure doucement à l'oreille. A deux doigts de sombrer dans la folie la plus profonde, la jeune fille ne dut son salut qu'à l'enfant qu'elle attendait. Elle ne pouvait pas l'abandonner, déjà orpheline d'un père, elle n'avait pas le droit de la priver de sa mère. Toujours meurtrie par son enfance de solitude, Evelyne s'était juré de ne pas priver son enfant de pilier sur lequel s'appuyer dès qu'elle en aurait besoin. Elle devait être forte et vivante pour sa fille, si elle ne le faisait plus pour elle. Et puis, il n'aurait sans doute pas voulu la voir mourir à petit à feu à cause de lui...

Mais sa peine n'était pas arrivée à la fin car le seigneur des ténèbres vint à disparaître subitement et ses fidèles se virent bien vite arrêtés les uns après les autres et envoyés en allé simple à Askaban. Jamais on ne l'envoya, elle. Et la chance n'y était pour rien. Regulus avait tout fait pour la mettre en sécurité, elle et son enfant. C'était pour cela qu'il avait tant insisté pour l'éloigner de ses activités, n'ayant qu'un contact très lointain avec Voldemort, elle était au final très peu impliquée dans les derniers évènements tragiques. Elle avait un enfant à charge, sans époux pour s'occuper d'elle. Et puis... Evelyne savait parfaitement comment agissaient les détraqueurs. Jamais elle n'aurait toléré qu'on lui ôte ses souvenirs heureux, car ils étaient tous liés à son fiancé disparu. Usant de toute sa force de persuasion et de son indéniable talent pour la manipulation, elle échappa à la prison. Surveillée de près malgré tout, elle était libre de ses mouvements et c'était le principal. Elle aurait tout loisir de faire payer à ces imprudent la simple pensée de lui faire oublier Regulus avec leurs foutus détraqueurs.

En attendant de se défaire de sa surveillance, elle se tint tranquille et occupa tout son temps à élever sa fille. Elle s'évertua à lui donner le goût de la lecture et du savoir, lui imposant certaines choses à savoir, en prévision de ses études à Poudlard. Elle sut maintenir un certain équilibre dans son foyer entre le passé, le présent et le futur. Durant tout ce temps, elle se convainquit que son fiancé n'était pas mort, qu'il était simplement disparu et qu'il reviendrait quand il le pourrait. S'accrochant à cet espoir, elle se jura de le retrouver dès qu'on en lui donnerait l'opportunité.

Lorsque Rigel entra à Poudlard, elle lui remit une lettre que son père avait laissé en partant. Ce geste et voir à nouveau l'écriture de son fiancé fut ce qui scella à jamais son coeur et sa résolution: elle retrouverait Regulus. Elle se rappela alors ce qu'elle avait écris, des années auparavant dans son journal et se répéta mentalement cette phrase "Dans l'ombre ou la lumière, je suis prête à tout pour atteindre mon but.", c'était encore plus vrai que cela ne l'avait jamais été. De plus, la rumeur circula bien vite dans l'ombre que Voldemort tentait de revenir. Alors ce serait dans l'ombre qu'elle agirait. Elle connaissait après tout ce milieu par coeur et n'aurait aucun mal à retrouver la place qu'elle avait déjà eu.

Affichant maintenant une loyauté sans borne au noir seigneur, elle fait son possible pour se placer en marionnette aveugle. Ce masque, elle le connaît mieux que quiconque et l'accepte sans problème. Pour retrouver l'homme qu'elle aime, elle occulte sans regret peur et fierté de son regard. Serpent plus que jamais, aussi fiable qu'un coup de vent, dieu seul sait ce qui adviendra si jamais elle découvre la vérité sur la mort de Regulus...

La journée s'annonçait d'une monotonie rare. La jeune femme était dans la cuisine de grand manoir, elle se préparait une tasse de thé sous le regard médusé et appeuré d'un elfe de maison. Si on le surprenait là, à regarder sa maîtresse faire les corvées qui lui étaient destinés, il ne donnait pas cher de sa peau. Mais Evelyne était trop préoccupée pour se rendre compte de quoi que ce soit, alors l'état de son elfe de maison ne l'inquiétait nullement. Il ne l'inquiétait de toute manière jamais. Elle ne traitait pas mal ses serviteurs, loin de là, elle se montrait même plutôt bon maître, mais elle leur servait toujours la même indifférence et le même détachement. Elle était là sans être là, une ombre planant dans les pièces, comme un fantôme qui ne se souciait pas des vivants.

Sa tasse de thé en main, la jeune femme retourna s'installer dans son antre, une bibliothèque étroite et richement garnie, aux livres peu communs. On trouvait un peu de tout mais surtout des ouvrages sur les runes et des traités qui tentaient de percer les mystères de la magie. Il s'agissait pour la plupart d'ouvrages uniques ou rares, écrits à différentes époques. Ainsi, cette petite pièce devait être la mieux protégée de tout le manoir. Evelyne avait passé des mois et des mois à la barder de toutes les protections magiques qu'elle connaissait. Et elle en connaissait beaucoup. Vraiment beaucoup. A tel point qu'elle était désormais la seule à pouvoir mettre un pied dans le petit cabinet sans risquer de déclencher un véritable branlebas de combat dans le manoir.

Un léger sourire filtra sur les lèvres de la blonde lorsqu'elle repensa au jour où Rigel, étant petite, avait essayé de s'infiltrer en douce pour lui emprunter quelques volumes. Elle avait eu tellement peur lorsque les alarmes s'étaient déclenchées, toutes ensembles, qu'elle n'avait plus jamais essayé de s'introduire dans la bibliothèque. Elle passait toujours par l'intermédiaire de sa mère pour consulter un des ouvrages s'y trouvant. Amusant. Evelyne était d'ailleurs étonnée que sa fille n'ait jamais essayé de déjouer les différents pièges qu'elle avait posé autour de la pièce. A moins qu'elle n'ait déjà réussi et qu'elle garde le secret? C'était bien dans le genre de Rigel d'agir ainsi. Evelyne s'imagina alors le visage rayonnant de sa fille posant la main sur un bouquin et l'emmenant dans sa chambre avec un air de conspiratrice.

Elle but une gorgée de thé.

Aujourd'hui, elle n'était pas là pour poursuivre ses recherches. Elle avait quelque chose d'autre de plus urgent à faire. Elle parcourut les étagères du regard et lança un accio particulier sur l'un des livres. Il n'y avait rien d'inscrit sur la couverture mais elle savait qu'elle avait pris le bon. Elle prenait toujours le bon. Elle s'installa confortablement à son bureau et tira un carnet d'un des tiroirs, enchantant une plume pour qu'elle rédige ce qu'elle trouverait important de relever dans l'ouvrage.

Occlumentie.

Elle avait découvert ce don depuis bien longtemps mais souhaitait aujourd'hui vérifier qu'elle en avait la plus parfaite maîtrise. Ses raisons? Etre mangemort n'en était-elle pas une suffisante? Elle cachait tellement de choses au fond de son coeur qu'elle refusait que quiconque puisse y avoir accès. Et si elle pouvait même berner son Maître, elle en serait heureuse. Jusque là, elle ne lui avait jamais donné aucune raison de se méfier d'elle, suivant ses ordres à la lettre, ne le décevant jamais. Elle faisait sans doute partie de ses plus fidèles serviteurs et il ne s'y trompait pas. Mais il la savait aussi intelligente et elle n'avait pas envie d'être prise de court. Elle devait rester seule maître de sa vie. Quoi qu'il arrive.

Cette promesse, elle l'avait faite depuis bien longtemps. Depuis qu'elle avait découvert et travaillé ce don. Cela remontait à sa deuxième année à Poudlard. Elle avait voulu fermer son esprit à ses parents pour une raison quelconque. Alors, elle avait été fouillé une nuit dans la réserve de l'école et était tombée sur un ouvrage qui expliquait comment entraîner son esprit à l'Occlumentie pour peu qu'on est ce don en soi. Evelyne fut agréablement surprise de voir qu'elle faisait des progrès rapides sur ce domaine. Rapide pour quelqu'un qui apprenait seul. Il lui fallut de longs mois avant de parvenir à bloquer totalement son esprit à toute intrusion. Elle en avait été extrêmement satisfaite et n'avait jamais cessé depuis ce jour d'entraîner son esprit à rester hermétique à toute intrusion. Un don particulièrement utile pour une jeune fille dont l'esprit vif et torturé ne rêvait que de connaître le maître des ténèbres.

Un sourire illumina le sourire d'Evelyne. Un sourire froid et cruel.

Plus elle feuilletait ce livre, plus elle prenait conscience de son niveau. Il était bon. Effroyablement bon. Elle jubilait. Seule dans sa bibliothèque, emplie d'une douce folie, elle se sentit soudainement très puissante, invulnérable. Elle en était convaincu: personne ne pourrait plus jamais entrer en elle. Son esprit avait rejoint son coeur à l'état de prison de glace infranchissable.

Elle se laissa aller dans son fauteuil et but une autre gorgée de thé. Il était maintenant presque froid. Mince, depuis combien de temps était-elle assise ici? Elle regarda l'horloge et constata que cela plus de trois heures qu'elle était restée penchée sur l'ouvrage. Elle ferma les yeux quelques instants et joua avec son médaillon. Elle le maîtriserait lui aussi. Percerait ses mystères. Ca aussi, elle en était certaine. Ce médaillon, légué par sa grand mère n'était pas qu'un simple bijou. Le tout était de découvrir à quoi il servait et pourquoi elle le avait donné à elle, et pas à sa fille. Seulement, elle ne s'en préoccuperait pas aujourd'hui. D'ailleurs, elle n'avait pas encore reçu le livre qui devait l'aider à comprendre cette médaille.

Pour l'heure, Evelyne vérifia mentalement qu'elle n'avait rien à faire aujourd'hui. Puis, sans prendre le temps de faire une pause pour déjeuner, elle dénicha un nouvel ouvrage, poussiéreux celui-ci, dans sa bibliothèque. Il était plus épais que le précédent et sur la couverture en cuir sombre était gravé un oeil. L'oeil qui voit tout. Ou quelque chose comme cela. Il s'agissait là du signe indiquant que le livre traitait de Légilimentie et sans doute de voyance.

Légilimencie.

C'était cela son véritable but de la journée. En apprendre plus sur cet art inverse de celui qu'elle maîtrisait déjà. Elle sentait qu'elle aurait besoin de mettre toutes les chances de son côté pour un avenir plus ou moins proche. Elle le sentait comme elle avait toujours tout senti. Bonheur comme malheur, son intuition ne l'avait jamais trahie. Jamais. Jusque dans les pires épreuves, elle s'était toujours révélée d'une justesse délicieuse. Et maintenant, elle lui dictait que quelque chose allait bientôt se produire et qu'il fallait qu'elle accroisse davantage son champs de manipulation. Elle devait rester marionnettiste et actionner avec précaution les fils du plus de pantins possibles. Sur son grand échiquier, elle serait la folle qui battrait le roi. Et rien ne devrait l'arrêter.

Au final, peut-être ressemblait-elle vraiment à son fiancé disparu.

Quoi qu'il en fut, elle chassa toutes pensées parasites de son esprit et se concentra sur le livre qui allait lui révéler, du moins elle l'espérait, quelques ficelles pour devenir Légilimens.

Evelyne veilla tard le soir, enfermée dans son cabinet.

Les serviteurs du manoir s'inquiétèrent de ne pas la voir sortir, ni se nourrir. Ils redoutèrent le pire, affolés, lorsqu'elle sortit de la petite pièce à l'aube du lendemain matin, les traits tirés par la fatigue et l'estomac noué par la faim. On lui servit immédiatement un copieux repas puis elle alla se coucher.

Son sourire de vipère n'avait pas quitté ses lèvres lorsqu'elle s'endormit.