Ce jour était enfin arrivé. Il était maintenant dix huit heures cinquante cinq et Olivia s'approchait lentement de l'entrée de la forêt interdite. Un peu stressée, elle se demandait ce qui allait se passer par la suite. Deux mois auparavant, elle avait envisagé la possibilité du renvoi à cause d'un acte téméraire qui avait pourtant permis de sauver deux filles inconscientes. Finalement, ses parents avaient simplement reçu du courrier comme quoi elle serait sanctionné et que l'objet de cette punition serait une tâche à accomplir dans la forêt interdite. Vraiment, le professeur Flitwick n'avait pas ménagé ses mots dans son courrier et il avait précisé du début à la fin que ce qu'avaient commis Olivia et un « camarade » était impensable et puéril. Certes, sécher les cours était impardonnable pour un Serdaigle mais en vue des circonstances... ah et puis, mieux valait ne plus y penser. Le mal était fait et il fallait affronter la suite sans reculer. C'était du moins ce qu'elle se disait pour ne pas commencer à trembler de peur. Habituellement connue pour son grand calme, la demoiselle ne comptait pas se laisser avoir par la crainte et l'inquiétude. Bon, elle stressait un peu car la forêt interdite ne lui disait rien qui vaille mais sinon, elle tentait d'être imperturbable.

Respirant à grandes bouffées et surveillant les environs comme pour s'assurer qu'elle ne se ridiculisait devant personne, elle traversa le pont qui reliait le château à l'autre partie des environs. Non loin, la cabane de Hagrid était percevable avec sa douce fumée qui émanait de la cheminée. Le garde-chasse était chez lui, c'était indubitable vu les lumières orangées qui illuminaient ses fenêtres. Olivia trouvait ce personnage sympathique mais pas assez bien pour assurer des cours de Soin aux Créatures magiques. Mais de toute manière, elle avait arrêté ce cours qui lui serait inutile pour la suite de ses études. Et puis, elle n'avait jamais été intéressée par la pratique permanente de ce cours. Olivia était le genre de personnes à préférer la théorie à la pratique donc si elle pouvait éviter les matières ne nécessitant pas de théorie comme la Divination ou bien les Soins aux Créatures magiques, alors elle saisissait cette occasion. Enfin parvenue jusqu'à la grande pente qui se terminait par l'antre de la forêt, elle distingua deux silhouettes qu'elle reconnut grâce à une lanterne que tenait Rusard.

Alors c'était lui qui allait diriger cette sanction ? La demoiselle s'était attendue au professeur Plant, un tout nouveau qui venait d'arriver dans l'équipe professorale du collège. Et puis, il semblait le mieux placé pour ce genre de choses en dehors de Hagrid. Elle n'aimait pas du tout Rusard et l'idée qu'il soit présent ne présageait rien de bon. Néanmoins, elle saurait enfin pourquoi la punition avait été décalée de deux mois. Lorsqu'elle arriva en direction du concierge, elle n'eut de yeux que pour le jeune homme qui se tenait à côté. Olivia lui adressa un mince sourire et se plaça à ses côtés avant de se tourner une nouvelle fois vers le vieux crouton qui les regardait d'un air mauvais. C'était ce genre de regard que la bleue et bronze détestait puisqu'il était plein de mépri et de fourberie. A ce moment-là, elle aurait voulu se réfugier dans les bras de Terry, situé à quelques centimètres d'elle. Elle aurait aussi aimer l'embrasser et pouvoir se fondre dans le bonheur avant de plonger dans cette forêt effrayante. Ils avaient beau l'avoir traversée il y a deux mois de cela, l'endroit restait très apeurant et notre héroïne n'avait guère envie d'y retourner surtout à une heure pareille où l'hiver forçait l'obscurité à s'emparer du ciel.

Le concierge afficha un sourire narquois, dévoilant ses dents jaunes et pointues avant de briser le silence et d'entamer la conversation :

« - Vous voilà enfin arrivés, j'avais pas toute la nuit ! Bref, vous aurez des ingrédients à aller chercher dans la forêt interdite pour le cours de Potions et l'infirmière Pomfresh. Certains ne poussent qu'en janvier donc ils sont en prolifération, pas compliqué de trouver. Quant aux autres, débrouillez-vous ! Hagrid est déjà sorti et il patrouille le secteur donc il vous rejoindra peut-être. Sur ce, passez une bonne soirée. » dit-il sur un ton moqueur.

Il laissa tomber sa lanterne dans les mains d'Olivia, qui crut la faire tomber au sol, et donna une liste d'ingrédients sous forme de parchemin à Terry. Puis il remonta en direction du château.

Olivia laissa les racines d'Asphodèle entre les mains de Terry qui leur trouva un refuge dans sa poche. La question était maintenant de savoir s'il y aurait assez de place pour y mettre tous les ingrédients en évitant de les écraser les uns contre les autres. Peut-être que le sortilège d'Extension indétectable pourrait se révéler être d'une grande aide. Elle leva de nouveau le regard vers son dulciné qui semblait avoir deviné ce qui la tracassait encore, bien qu'elle avait tenté de ne montrer aucune émotion à l'égard de ce petit souci. Evidemment, maintenant qu'ils étaient très proches autant physiquement que mentalement, ils parvenaient mieux à deviner ce que l'autre ressentait. C'était étrange ce genre de capacité qui ne se développait qu'après avoir trouvé l'amour. Néanmoins, cela la touchait de savoir qu'il essayait de lui changer les idées de n'importe quelle façon, même en imaginant une éventuelle liaison entre Pomfresh et Rusard. Elle en riait un peu intérieurement mais avait du mal à esquisser un sourire sur ses lèvres. Ce n'est que lorsqu'il lui ajouta qu'elle n'avait pas à s'en faire qu'elle put se rassurer un peu, en plus d'un câlin si agréable qui lui procurait une chaleur enivrante. La forêt l'avait vraiment rendue presque glacée et en ce moment, il n'y avait rien de mieux pour elle que de serrer celui pour qui elle éprouvait de forts sentiments amoureux. Finalement, elle fut décidée à passer à autres choses et ses humeurs changeantes l'aidaient beaucoup dans cette décision. Le caractère lunatique n'était pas souvent très apprécié par les gens puisqu'il était alors difficile de cerner la personne et pourtant, pour s'échapper d'un coup de blues c'était l'idéal.

« - Tu as raison, c'était stupide de ma part, désolée. »

Juste après avoir prononcé ces mots, son partenaire lui fit remarquer qu'il venait d'apercevoir des plants de Sanguinole, mentionnés dans la liste des ingrédients à trouver. Sortie de ses pensées, Olivia ne put que se laisser entraîner par ce mouvement vers la direction de cette trouvaille végétale. Elle était plutôt surprise de la bonne vision de Terry alors que l'obscurité était reine de ce lieu. Tendant la baguette de l'autre main pour éclairer le sol où elle avançait, elle finit par apercevoir ces fameux plants. Apparemment, il n'y avait aucune présence humaine à proximité puisque le sortilège jeté par le jeune homme ne signala rien de suspect. Cela dit, ils ne pouvaient pas être totalement sûrs sachant que ce sort ne détectait pas les animaux mais seulement les humains. Les deux âmes sœurs finirent par se séparer de quelques mètres, cherchant chacun de leur côté des graines de Sanguinoles.

Se penchant vers le sol, elle l'éclaira de sa lumière bleue et piqua le nombre nécessaire de graines avant de se relever, satisfaite. Terry lui, venait de trouver autre chose d'intéressant bien qu'inexistant dans la liste de Rusard. Revenant rapidement vers elle, il lui montra des crins de licorne qu'il venait de trouver près d'un plant avant d'en faire des bracelets. Attaché à l'un des poignets d'Olivia, il était splendide de par sa couleur argentée qui luisait sous le Lumos de sa baguette. Cela lui rappelait les petits grigris de sa grand-mère qui était voyante et dont elle prétendait qu'ils apportaient du soutien en cas de déprime ou d'hésitation à prendre la bonne décision. L'adolescente était toujours restée sceptique à l'égard de ces bijoux que l'on disait porter bonheur et pourtant, venant de son amoureux, elle avait envie de croire à cet éventuel pouvoir même si sa logique lui dictait que ce n'était qu'une simple superstition. Et puis parfois dans un lieu aussi effrayant que cette forêt interdite, il était rassurant de pouvoir reposer un espoir sur un petit objet que l'on portait sur soi.

« - Si cela peut nous permettre de sortir indemnes de cette forêt, alors je veux bien croire en son pouvoir de chance. » dit-elle avec sourire.

Elle lui tendit ensuite ses propres graines et reprit son sérieux ; l'heure était venue de cueillir de nouveaux ingrédients. Elle demanda à voir la liste en parcourant les différents noms de végétaux. Le mieux était sans doute de chercher les feuilles puis les racines avant de se concentrer sur les Achillées et le Napel. Les achillées étaient des fleurs donc il y avait plus de probabilités d'en trouver dans un lieu où la photosynthèse pouvait mieux se faire. Donc cela devait se trouver dans les alentours de la clairière qui était dégagée et permettait mieux la pénétration des rayons du soleil.Ils y retourneraient sûrement après.

« - Des plants d'ortie, c'est fréquent dans les forêts. On pourrait aller en chercher maintenant ? »

Elle jeta un regard en direction de Terry en attendant sa réponse puis tint sa baguette plus fermement, prête à s'engager dans une nouvelle avancée tout en prenant des précautions. Elle avait perdu la notion du temps mais en tout cas, il faisait vraiment noir et cette noirceur rendait l'ambiance plus glauque. Et puis, la pleine lune n'arrangeait pas les choses. Levant les yeux au ciel, Olivia se demandait si des loups garous étaient sortis de leur tanière ce soir-là. Cette idée était bien effrayante et jamais elle n'aurait eu l'envie de se confronter à l'un d'eux ; c'était certainement pire qu'une Acromentule ou un Niffleur. Frissonant d'effroi, elle reprit inconsciemment la main de son bien aimé.

Olivia entreprit une nouvelle avancée en compagnie de Terry, visiblement d'accord pour aller chercher des orties. Le temps défilait par moments vite et par d'autres moments plus lentement. On ne savait pas quelle heure il était et l'absence de l'horloge de Poudlard frustrait un peu la jeune fille qui avait l'impression qu'il était près de minuit alors qu'il devait sans doute être vingt heures trente ou quarante cinq. L'hiver couvrait le monde du voile sombre de la nuit bien plus tôt qu'en été et cette même obscurité était troublante. Le noir complet était une des peurs les plus fréquentes de l'homme puisque c'était sans doute près d'elle qu'il ne semblait pas pouvoir contrôler la situation et même un clair de lune n'arrangeait pas les choses. La lumière flamboyante de la baguette de Terry illumina des plants d'ortie, tapis derrière un grand chêne. Sous le léger brouillard qui dominait la zone, notre héroïne ne percevait pas tellement le végétal en détails mais elle laissa son partenaire entamer la cueillette avant d'aller l'aider. Il fallait prendre soin d'éviter de se faire piquer par ces orties qui provoquaient bien des désagréments sur la peau. Pour cela, rien de plus simple que quelques lancés de sortilèges pour les retirer de la terre avant de faire en sorte qu'ils aient le volume adéquat pour entrer dans la poche du garçon. Vraiment, Rusard aurait pu leur donner de quoi les mettre à l'abri au lieu de jubiler de sa petite Pomfresh qui était une des causes de tout cela. On aurait dit que tout cela n'était qu'une vengeance pour ce qu'ils avaient fait à l'infirmerie plutôt qu'une réelle correction suite à l'infraction du règlement.

En parcourant une nouvelle zone encore inexplorée, Olivia se souvint que Hagrid devait sécuriser le périmètre... enfin, tout dépend de quel périmètre il était question parce que pour l'instant, le couple avait été libre de leurs mouvements, capables de se rendre dans n'importe quel secteur de la forêt que ce soit à cinquante mètres de la cabane ou bien à quatre kilomètres. Le manque de détails du concierge quant à cette information laissa la frustration s'installer chez la sixième année. Elle se demandait si le garde-chasse n'était pas très loin et si à ce moment même, il était entrain de les chercher pour les accompagner dans leur tâche ou bien il était gentiment parti se réfugier dans sa maison en pensant qu'il ne leur arriverait rien. Tel qu'on connaissait Hagrid, tout était possible puisqu'il n'avait pas exactement la même conception du danger qu'un élève normal. Quand on savait qu'il avait élevé une Acromentule et qu'il avait tenté de s'occuper d'un petit dragon, il valait mieux s'inquiéter. Et puis, si le secteur avait réellement été sécurisé, pourquoi des bruits étranges se faisaient entendre depuis un bout de temps ? Olivia avait préféré les ignorer tout en restant sur ses gardes toutefois, elle conservait cette impression d'être observée par des bêtes sauvages.

Soudain, elle sursauta en laissant échapper un petit cri de stupéfaction. Quelque chose venait de trancher l'air avant de s'écraser dans un bruit sec contre un tronc à proximité. C'était exactement comme un lancé de fléchettes contre une cible et la vitesse du projectile qui créait un mini courant d'air laissait penser que les deux Serdaigle avaient failli y passer. Le cœur battant et dans un mélange de ressentis de peur et d'incompréhension, la demoiselle ne put rester stoïque bien longtemps et elle se laissa entraînée une fois de plus par Terry qui l'obligea à s'abaisser pour se coucher contre le sol. D'autres projectiles avaient été lancé pour les toucher et cette hostilité nouvelle n'était vraiment pas bon signe. Il y avait une différence entre les créatures qui attaquaient à distance et celles plus habiles au corps à corps. Pour des sorciers utilisant la magie grâce à un intermédiaire telle une baguette, il était plus simple de neutraliser une créature qui attaquait directement plutôt que de se confronter à la fois aux projectiles et à la bête. Les deux Lumos toujours allumés lui permit alors d'identifier l'origine de ce tapage nocturne. Evidemment, il n'y avait que les centaures pour pouvoir tirer des flèches dans cette forêt.

Possédant un corps de cheval ainsi qu'un torse, une tête et des bras humains, les centaures étaient dotés d'une intelligence humaine. Ils étaient classés dans la catégorie des animaux à leur demande et non dans celle des êtres. Ils avaient la grande particularité de vouloir être traités avec respect et pour cela, mieux valait se montrer diplômate plutôt qu'insultants. Peut-être que Dolores Ombrage aurait du écouter ce conseil, l'an dernier. En y repensant, Olivia se demanda s'ils allaient vraiment s'en sortir indemnes. Lorsque les flèches cessèrent de fendre l'air, elle releva légèrement la tête vers les nouveaux arrivants qui étaient venus en dizaine.

« - Que font des élèves de Poudlard hors du château ? La forêt est interdite, son appellation est assez claire comme cela, non ?! » tonna un des centaures, en première ligne.

Sa voix exprimait sa fureur et n'importe quel étudiant tremblerait à l'idée de devoir répondre à ce centaure qui ne témoignait aucune compréhension ni de tolérence à première vue. Tenant toujours la main de son amoureux, la jeune fille se résigna à se relever, dégageant au passage les feuilles mortes qui s'étaient collées à son manteau. Elle avait peur et même si elle tentait de le cacher derrière une expression indescriptible du visage, elle était certaine que cela devait se ressentir. Peu de personnes ne ressentiraient pas ne serait-ce que de l'inquiétude. Face à ces hommes-chevaux, le noir et les bruits bizarres lui semblaient très lointains et elle aurait dix fois plus préféré rester près du Niffleur plutôt que d'être ici. Olivia baissa la baguette lentement, voulant signifier qu'elle ne cherchait aucune guerre entre les deux camps. Les centaures se tenaient prêts à lancer leur prochaine flèche de toute façon. Ils n'attendaient qu'un mouvement suspect de la part des adolescents pour passer à l'attaque. C'était autant incroyable qu'effrayant. La Serdaigle ignorait si elle devait laisser parler Terry parler ou bien si elle devait prendre ce rôle elle-même. Néanmoins, le silence commençait à perdurer et elle craignait que leurs agresseurs ne perdent patience. Prenant une voix peu assurée et hésitante, elle répondit :

« - Euh... Nous sommes ici parce que... on a été envoyé ici par Rusard, le concierge de l'école, dans le cadre d'une punition. »

Elle avala difficilement sa salive alors qu'elle sentait ses membres trembler légèrement. Mais, il fallait qu'elle garde son calme sinon, elle se ferait avoir. Les créatures avaient des sens plus affinés que les humains et ils pouvaient donc détecter plus facilement ce que ressentaient les autres. Ce qui était sûr, c'était qu'elle n'avait pas menti donc ils ne risquaient pas de penser qu'elle avait tenté de les leurrer. Peu à l'aise, elle resserra sa main sur celle de Terry, n'osant même pas respirer convenablement.

« - Une punition ?! Bah voyons ! Aucun adulte censé n'aurait eu l'idée d'envoyer des mômes dans les profondeurs de la forêt sans accompagnateurs ! Dites nous plutôt que vous êtes venus pour pique niquer durant la nuit ! » railla un autre centaure.