« Là où cette vie s’éteindra, l’espoir en moi renaîtra. »
* 22 février 1997 *
Les jambes repliées devant moi, les coudes posés sur mes genoux, mon visage demeurait enfoui dans mes mains tremblantes. Ma respiration était saccadée, irrégulière, et douloureuse. Chaque mouvement de mon thorax me donnait la sensation qu’une centaine de couteaux entaillaient ma chair, plongeant au plus profond de mes entrailles. Plus que quelques semaines et ce serait la fin. Tout était passé beaucoup trop vite, et aucune solution ne s’était encore présentée à moi. J’avais tout essayé, absolument tout, mais chacune de mes tentatives s’était avérée être vaine, et la méfiance de Dumbledore redoublait jour après jour, le rendant d’autant plus inaccessible. Comment allais-je pouvoir venir à bout de cet homme ? Je me demandais même si une solution pouvait encore subsister, mes sempiternelles remises en question m’ôtant le peu de confiance en moi qu’il me restait encore. Seul ce besoin de me battre me poussait encore à aller de l’avant, à chercher le seul moyen qui existait pour en venir à bout de tous mes maux qui résidaient en la personne d’Albus Dumbledore. Pourtant, à cet instant même, je baissais les bras. Entouré par une centaine de nouveaux ouvrages sur la magie noire, aucun ne m’avait aidé à venir à bout de ma mission. Certes j’avais essayé bien des choses, mais aucune ne s’était montrée fructueuse, et je ne pouvais pas non plus me permettre d’essayer tout et n’importe quoi. Il fallait faire preuve d’intelligence, de ruse et de patience si je voulais pouvoir avoir une chance de l’atteindre. Trop d’attaques répétées et/ou grossièrement effectuées ne feraient que me précipiter dans la gueule du loup-garou, et je ne pouvais absolument pas me permettre le moindre faux-pas. Ma vie et celle de mes proches étaient en entre mes mains, j’en avais plus conscience que jamais...
Un bâillement s’échappa de mes lèvres, alors que je menais ma main devant ma bouche avant de saisir ma montre à gousset qui logeait dans l’une des poches de ma veste de costume noir. 3h27... Et depuis combien de temps étais-je là déjà ? Je n’en avais pas la moindre idée. Une chose était sûre en tout cas, je n’avais même pas eu le temps de passer par la Grande Salle ne serait-ce que pour me nourrir un minimum avant de venir directement ici. En bref, cela devait bien faire huit heures que je me tenais dans la Salle sur Demande, seul endroit où je pouvais encore être tranquille, assis à même le sol, entouré de manuels, grimoires et autres ouvrages tandis que je réfléchissais tant et plus pour trouver un moyen de venir à bout de cette histoire. Il fallait quelque chose de discret et de puissant, de simple mais également de suffisamment sophistiqué pour ne pas que le vieux s’aperçoit de la moindre supercherie. N’importe quel objet nouveau ou inconnu serait le fruit d’une analyse approfondie à présent, j’en avais conscience, de même que je ne pouvais pas me faire convoquer dans son bureau pour lui lancer ce fameux sortilège impardonnable et m’enfuir après. Non seulement je serai en très mauvaise posture face aux professeurs et à l’ensemble de l’école, mais qui plus est je ne pourrais pas accomplir le reste de ma mission si je venais à me faire prendre la main dans le sac. Et affronter directement ce vieux fou qui était malgré tout le sorcier le plus puissant de ce monde ces dernières années, effrayant le Lord Noir lui-même, relèverait plus de la folie et de l’inconscience qu’autre chose. Et je n’étais heureusement pas aussi stupide que le Potter pour me jeter dans les bras de mes ennemis.
Seulement que pouvais-je faire ? J’étais épuisé, et à présent que j’avais fait toutes les recherches possibles et inimaginables pour trouver un moyen de le tuer, une seule réponse s’était imposée dans mon esprit : il n’y avait rien que je puisse faire. Pourtant je refusais d’accepter cette vérité qui, à mes yeux bornés et aveuglés par le désespoir, n’en était pas une. Il y avait forcément un moyen, d’une manière ou d’une autre... Il
devait y en avoir un.
Lâchant un long et profond soupir, je relevai la tête avant de balayer la vaste pièce du regard. Cà et là des objets s’entassaient à foison jusqu’à ne plus en voir la fin. Cette pièce m’avait été d’une aide précieuse, c’était indubitable. Sans elle, je n’aurai pas pu mettre la main sur la jumelle de cette fameuse Armoire à Disparaître que j’avais à nouveau recouverte d’un grand drap de tissu pour la protéger. Tellement d’heures, de jour et de mois passés à tenter de la réparer, et j’y étais parvenu... J’avais trouvé moi-même la faille de Poudlard, alors que Dumbledore lui-même n’avait pas pensé à cette ouverture. Alors oui, j’avais toutes les capacités pour trouver d’autres solutions encore, pourtant je n’en voyais aucune. Il aurait fallu un miracle, il n’y avait plus que cela sur lequel je pouvais compter...
Je me redressai, époussetant mes affaires à l’aide de ma main avant de la glisser dans ma poche, passant la seconde dans mes cheveux blonds dont quelques mèches rebelles retombaient sur mon visage blême. Continuant de promener mon regard absent sur la pièce, j’entrepris de faire quelques pas, sentant des fourmillements engourdir mes jambes à force d’être demeuré trop longtemps assis. Je passais devant des objets tous plus étranges les uns que les autres, d’une vieille cage contenant une sorte de balle argentée parsemée de piques, à des ouvrages entourés de larges chaînes qui les maintenaient solidement fermés. Que pouvaient-ils contenir, je n’en avais pas la moindre idée, et mon instinct me dictait que vouloir le découvrir serait une très mauvaise idée. Je passais donc mon chemin, continuant d’avancer rêveusement entres les allées que les monticules d’objets traçaient, avant qu’un en particulier n'attire mon attention. Arrivé face à un haut miroir presque aussi haut que la pièce, je fronçai légèrement les sourcils, intrigué, avant de m’approcher de lui. Des écritures gothiques étaient gravées à même le bois qui le bordait, finement sculpté, alors que je lus dans un murmure à voix haute ce qui s’avérait être le nom de cet objet.
« Miroir du Riséd... Riséd elrue ocnot edsi amega siv notsap ert nomen ej . » Poursuivis-je, tordant légèrement la nuque pour lire ce qui était inscrit à la suite.
Qu’est-ce que cela signifiait, je n’en avais pas la moindre idée... Mais soudain, quelque chose dans mon reflet attira mon regard. Cette boîte en bois... Que faisait-elle dans ma main ? Pourtant, et à moins d’être devenu fou, je ne tenais rien dans celle-ci, ce que mon reflet, lui, semblait contredire. Une autre chose étrange était ce sourire en coin, mêlé de fierté et d’un air sombre, inquiétant...
mon sourire. C’était à n’y rien comprendre. Ce reflet était à la fois tellement identique mais aussi tellement différent de ce que j’étais en ce moment-même que j’avais presque la sensation qu’une autre personne se tenait devant moi. Néanmoins, je ne pus retenir une exclamation de surprise lorsque j’aperçu mon père se tenir derrière moi, posant sa main sur mon épaule dans un sourire aussi doux qu’empreint d’une immense fierté, ma mère à ses côtés. Un sourire comme il ne m’en avait encore jamais témoigné en seize ans... Ce miroir avait nécessairement une signification, mais quelle était-elle ? Me montrait-il l’avenir ? Peut-être bien, mais dans ce cas il semblerait que nous soyons encore en vie, et donc que j’aurai visiblement trouvé une solution pour que cela s’avère être possible. Seulement quelle solution ? Et quel était ce coffret en bois que je tenais dans les mains ? Fronçant légèrement les sourcils, j’analysai les fines gravures sculptées dans le bois, dessinant des symboles pour le moins étranges entourant ce qui semblait être une sorte d’inscription qu’il m’était impossible de déchiffrer, n’en connaissant pas la langue. Et pourtant je connaissais ce coffret qui avait longtemps éveillé un intérêt tout particulier en moi. Maintes et maintes fois j’avais rencontré la légende de cette boîte qui renfermerait soi-disant un puissant sortilège, aspirant l’âme de ceux qui osent l’ouvrir alors condamnés à errer jusqu’à la fin des temps en tant qu’entités immatérielles.
La Boîte des Damnés. Et la dernière fois que j’avais vu une telle boîte, c’était... chez Barjow et Beurk.
Mon cœur prit soudainement un rythme soutenu, alors qu’une évidence s’imposait à mes yeux. Ce Miroir semblait m’avoir montré la solution, m’offrant alors la possibilité de trouver l’issue parfaite pour pouvoir enfin accéder à mon plus grand désir. Je devais retrouver cette boîte, et pour cela il n’y aurait qu’une seule chose à faire : monter dans cette Armoire précisément reliée à ce magasin de l’Allée des Embrumes où je pourrai trouver le coffret, et enfin venir à bout de Dumbledore... Une seule question subsistait : le vieux n’était pas un imbécile, il saurait dès le premier coup d’œil reconnaître l’objet. A moins que...
Je me dirigeai aussitôt vers les ouvrages de magie noire que j’avais feuilleté de longues heures plus tôt, les ouvrant avec précipitation alors qu’il me semblait avoir trouvé le dernier chaînon manquant pour que ma réussite soit absolue. Si Dumbledore n’ouvrirait pas le coffret en tout état de conscience, il me faudrait le forcer à le faire. Et si jeter un Impérium s’avérait être risqué au moment de notre confrontation, il faudrait donc qu’il soit lui-même obligé de l’ouvrir. Et pour cela, il y avait bien une solution... que je trouvais enfin à cette page.
Accius mortalis, le sortilège d’attraction mortelle. A l’instant-même où son regard se posera sur l’objet, il sera forcé de l’approcher, et ressentira le besoin inexplicable et inextricable de l’ouvrir. Et à ce moment-là...
Oui, c’était tout simplement une idée parfaite, il n’y avait pas d’autre mot. Seulement encore fallait-il que je puisse récupérer l’objet, et à une heure pareille rien ne serait plus difficile. Le coffret était également suffisamment dangereux pour que je l’emmène sans la moindre précaution, et en étant tout aussi épuisé qu’en ce moment-même. Non, je devrais agir au moment qui serait le plus opportun, autrement dit demain soir, une fois que les élèves ont regagnés leurs dortoirs et Dumbledore ses appartements, tout en ayant eu auparavant le temps d’aller acheter mon précieux coffret.
Sentant alors l’adrénaline et l’angoisse monter en moi, j’arrachai la formule d’envoûtement destinée à la boîte et la rangeai soigneusement dans la poche de mon costume, quittant ensuite en toute discrétion la Salle pour rejoindre les cachots.
Le sommeil vint à son tour pour le moins difficilement, mais cette fois c’était d’avantage la faute à cette peur mélangée à de l’excitation d’avoir enfin trouvé la solution qui me manquait. Toutefois, celui-ci fini par m’emporter avec lui, jusqu’à ce qu’une nouvelle journée ne débute à nouveau. Journée qui, ce que nul ne savait encore, changerait définitivement dans le meilleur des cas - et si tout se passait bien comme prévu – l’avenir du monde des sorciers. Il fallait à tout prix que je réussisse, c’était absolument crucial...
* 23 février 1997 *
S’il était difficile de le dissimuler, je tentais tout de même de maîtriser tant bien que mal mon angoisse de plus en plus grandissante. Les cloches sonnèrent les 21 heures dans le château, tel le son lugubre du glas qui annonçait la venue de la Mort. Et aujourd’hui, ce serai moi qui la laisserai franchir cette frontière qu’aucune protection aussi puissante soit-elle ne saurait repousser. Fermant les yeux, je quittais du regard le coffret de bois qui reposait devant moi, posé à même le sol. Me concentrant sur ma respiration, j’essayais de retrouver un rythme calme et soutenable, tentant par la même occasion de calmer mon cœur qui battait douloureusement et dangereusement la chamade. Mais il était hors de question de reculer, et cette idée ne m’était pas même venue à l’esprit. J’avais entendu ce que Blaise m’avait dit quant au camp que je devais choisir, mais d’un point de vue extérieur tout semblait si simple... Il n’était pas à ma place, tout comme nul ne l’était. Moi seul réalisais ô combien je n’avais pas d’autre choix que d’agir de la sorte. J’avais déjà choisi mon camp, il était trop tard pour reculer, et ce même avec la meilleure volonté du monde. Et je devais le faire pour notre survie, quoiqu’il m’en coûte, quand bien même il fallait en passer par là pour ce faire...
J’ouvrai lentement les paupières, prenant la pièce de tissu que j’avais emportée avec moi pour la poser sur le coffret que je recouvrai par mesure de précaution. Je sortis ma baguette de ma poche et la pointa sur la boîte, répétant trois fois :
« Eius præsidium non evadere... »Un soupir sortit de mes lèvres. Tout était enfin prêt, à présent il ne me restait plus qu’à déposer le coffret dans le bureau de Dumbledore et laisser le destin et le hasard abattre la dernière et ultime carte qui signerait la fin.
Sa fin.
Protégé pour ne pas que mon sortilège ne se retourne contre moi, je glissai avec précaution le coffret de bois dans mon sac que je passais sur mon épaule, sortant des toilettes condamnés du troisième étage dans la discrétion la plus absolue. Par chance, aucun élève n’était pour le moment présent dans les couloirs. Me dirigeant vers les escaliers, je pris la direction du septième étage, n’ayant pour seule crainte que les battements effrénés de mon cœur ne donnent l’alerte de ma présence tant il cognait contre les parois de mon torse et dans mes oreilles. Puis enfin j’y arrivai. Jetant un dernier coup d’œil dans les couloirs pourtant déserts, je m’avançai auprès de la statue d’une Gargouille qui trônait devant le passage qui me mènerait à son bureau.
« Ballongommes du Bullard » Murmurai-je toutefois suffisamment distinctement pour que le passage s’ouvre grâce au mot de passe que j’avais réussi à connaître par le biais d’un Serpentard de troisième année qui avait été convoqué dans le bureau du professeur.
A mon plus grand soulagement, la statue pivota, me laissant pénétrer dans le petit couloir sombre qui rejoignait son bureau. Par simple mesure de précaution, je frappai à la porte, préparant une excuse quelconque pour prétendre venir le voir s’il était encore à son bureau. Mais rien, aucun bruit ne se fit entendre. Les mains légèrement moites, j’ouvrai lentement la porte, levant le regard vers les portraits des anciens directeurs de Poudlard, profondément endormis.
Avançant en toute sécurité dans la pièce, je fis glisser mon sac sur mon épaule et l’ouvris pour en saisir le coffret que je pris soin de déposer sur son bureau, retirant le morceau de tissu qui le recouvrait avant de reculer de quelques pas, me mordillant nerveusement la lèvre inférieure tandis que je rangeai le drap dans mon sac. Tout était en place, il ne me restait plus qu’à partir à présent, retourner dans la Salle Commune de ma maison et attendre...
Dans quelques minutes, tout au plus quelques heures, mes inquiétudes auront disparues. Dans quelques instants encore indéfinis mais pourtant certains Poudlard revêtira le voile noir du deuil.
Dans quelques temps à présent à portés de main, Dumbledore sera mort...