Le bref Février c'était envolé depuis quelques jours seulement, emportant avec lui le vent froid de l'Hiver, faisant fondre la neige pour ne laisser qu'une pluie fine qui s’abattait en cadence contre les vitres du petit appartement du Chemin de Traverse. Allongée seule sur le canapé rapiécé, son pull retroussé sur ses hanches, Sofia caressait lentement son ventre, formant de doux cercles sur la peau pâle et rebondie. Sous ses doigts, en de rares occasions, on lui répondait d'un petit coup venant de l'intérieur. Depuis plusieurs semaines, le bébé avait commencé à bouger Tout doucement, si bien qu'elle avait cru rêver la première fois, mais c'était bel et bien son fils qui commençait à remuer des pieds et des bras, heurtant parfois sa mère qui en ressentait tout de suite les effets. Aucune sensation n'égalait celle-ci. Sentir la vie se faire en elle. Un tout petit être humain, mélange parfait de l'homme qu'elle aimait et d'elle-même croître au creux de son ventre. Exister, se développer et filer à toute vitesse vers la taille d'un magnifique petit bébé qu'elle mettrait au monde. Elle portait une nouvelle vie, elle l'avait créé de toute pièce à partir de rien de plus que de l'amour et bientôt le fruit mûr à point viendrait agrandir la famille improvisée.

C'était un sentiment étrange, créer. Mettre au monde. Faire exister. C'était une responsabilité immense qui incomberait bientôt à la jeune femme de 34 ans. Quand Liam, c'était le prénom qu'ils avaient choisi Severus et elle pour nommer l'enfant, se mettait à bouger ainsi, tout doucement, elle se sentait pleine et entière. Devenir mère était réellement le but ultime de la femme. Elle était épanouie et heureuse. Simplement parce qu'elle était en train de créer une nouvelle vie. Et puis, elle pensait, allongée seule sur son canapé, à ce que ce serait d'apporter cette nouvelle vie dans ce monde. Aucun doute pour elle que le monde devrait lui en être redevable car c'était un trésor qu'elle lui offrirait, la plus belle créature qu'il soit.

Mais cette journée n'était pas vouée à voir s’épanouir une future mère. La veille, elle sortait tout juste d'un long bain brûlant quand un fort pressentiment l'avait pris. Depuis quelques semaines, elle parvenait à sentir les choses avant qu'elles ne tournent mal. Son instinct s'approfondissait peu à peu, alors qu'elle se préparait à recevoir un être vulnérable qu'il lui faudrait protéger contre le monde entier. Un hibou l'attendait dans la chambre. Il était quelconque, aucune trace ne pouvait renseigner sur l'identité de l'expéditeur. L'oiseau avait observé la femme enceinte un moment sans pousser un ululement avant qu'elle ne s'approche de lui, hésitante. A la patte gauche, il portait un parchemin au grain très fin, objet de qualité. Il portait simplement son nom pour tout destinataire, tracé à l'encre verte. Son coeur avait manqué plusieurs battements mais elle s'était vite reprise, détachant le parchemin et l'ouvrant pour découvrir de la même écriture deux simples ligne. « Demain. 10h ». Elle n'avait pas le moindre doute sur l’expéditeur de cette lettre, sur ce que cela signifiait. Et surtout pas d'autres choix que d'obéir.

Attrapant sa baguette de Charme posée sur la commode, elle avait brûlé la lettre sans plus attendre. Effacer toutes les traces, Severus n'avait pas besoin de savoir pour cet entretient où il insisterait pour l'accompagner et c'était à elle seule que s'adressait l'invitation. Elle n'avait d'autres choix et s'estimait déjà bien heureuse d'avoir eu la chance d'échapper à la mort quand le Lord avait appris pour sa grosse, le 23 Décembre dernier. Et qu'il ne l'oblige plus à participer aux missions et attaques en tout genre. Elle avait eu une sorte de répit qui impliquait simplement qu'elle se présent aux réunions et qu'elle ne fasse pas d'émule. Une chance inouïe qu'elle savait reconnaître et apprécier, se montrant d'autant plus docile et obéissante depuis.

La nuit avait été longue pour Sofia. Elle se demandait pour quelle raison le Seigneur des Ténèbres pouvait bien désirer sa présence auprès de lui. Bien qu'elle en avait une petite idée car après tout il devait lui aussi se poser des tas de questions sur sa plus effacée servante qui avait osé venir le voir un soir pour demander à quitter ses rangs du haut de ses dix-huit ans et qui tout à coup se révélait au bras de son plus fidèle serviteur, enceinte jusqu'au cou. Vraiment de quoi être intrigué et elle savait depuis le début qu'il finirait par se pencher sur la question. Alors pourquoi n'avait-elle rien dit à Severus pour la convocation ? Aucune idée. Mais elle voulait affronter cela seule, comme elle l'avait toujours fait. De toute façon, elle s'en sortait de mieux en mieux en occlumencie et Severus l'avait beaucoup aidé pour cela aussi. Alors techniquement qu'aurait-elle à craindre ?

Au matin, elle était retournée à Londres par le réseau de Cheminette pour travailler, comme elle le faisait chaque jour, quittant l'enceinte protectrice de Poudlard pour le confort exposé de Fleury et Bott. Mais elle avait vite laisser le contrôle des opérations à Jeremy et s'était réfugiée dans son appartement un peu plus haut le long de l'avenue sorcière. Et depuis, elle était assise là et pensait à son bébé, son tout petit bébé qui grandissait lentement au creux de son ventre. Comment pouvait-elle faire une telle chose à un être innocent, sans défense ? Lui faire voir des jours tristes et sombres, le laisser grandir au milieu d'une guerre où il serait en danger plus que n'importe quel autre avec deux parents comme ceux qu'il aurait. Elle se sentait affreusement coupable mais il était déjà beaucoup trop tard et elle avait de toute façon déjà envisagé toutes les possibilités possibles et inimaginables pour se sortir de cette situation, pour ne pas l'obliger à vivre cela. Elle n'avait plus le choix. Sa seule inquiétude maintenant était que le Seigneur des Ténèbres s'en prenne à l'enfant. Qu'il découvre tout et qu'il décide de la faire chanter, de lui priver de sa raison de vivre pour la punir, qu'il les tue l'un et l'autre.

C'est sur ces pensées qu'elle se décida enfin à quitter son appartement pour se rendre au lieu de rendez-vous, le Manoir des Berver, dans la banlieue de Londres, l'endroit que le Maitre avait choisi depuis la libération des prisonniers de la prison d'Azkaban en Novembre dernier, attaque à laquelle Sofia avait participé et s'était montrée fort brillante, faisant taire du moins pour un temps les doutes du Maitre sur sa fidélité. Sofia n'avait jamais vraiment compris pourquoi il avait décidé de déménager du Manoir des Malefoy pour s'installer chez ce Mangemort quelconque mais d'après Severus, c'était une chance incroyable pour les Malefoy, une sorte de marque de confiance, de seconde chance qui leur était accordé. Sofia n'en avait cure, la demeure était plus proche et beaucoup moins effrayante que le Manoir de la plus riche famille, du moins c'est ce qu'elle pensa lorsqu'elle arriva dans l'enceinte et qu'elle traversa l'immense jardin pour rejoindre la maison. Elle fut accueillit à peine un pied posé sur la première marche du perron par une sorcière qu'elle ne connaissait que de vue mais qu'elle savait être la femme de James Berver, le propriétaire des lieux. Les deux femmes ne se saluèrent que très brièvement, très conventionnellement et Sofia fut conduite à travers des couloirs richement décorés vers un salon.

Tous les rideaux avaient été tirés dans la pièce, la rendant froide et sombre bien qu'un feu brûlât dans l'âtre de l'immense cheminée de marbre occupant le pan d'un mur, surmonté d'un portrait d'un quelconque ancêtre de la famille. Près d'une fenêtre, au fond de la pièce, un grand fauteuil était tournée, sans doute là que s'installait le Maître lorsqu'il recevait ses disciples. A peine eut-elle fait un pas dans la pièce qu'on ferma la porte derrière elle. Prise au piège. Instinctivement, sa main gauche se crispa sur son ventre rond. Elle n'avait même pas besoin de le voir pour s'avoir qu'Il était là, installé dans son fauteuil, lui tournant le dos. Son aura glaçait l'atmosphère sans même qu'il n'ait besoin de faire un geste, de dire un mot. Elle avança encore à pas lent, retardant le moment où elle devrait l'affronter enfin, où il se retournerait pour lui faire face et la toiser de ses prunelles rougeoyantes. A chaque pas, son stress augmentait. Il fallait qu'elle se concentre. Elle s'arrêta à une distance respectable et ferma les yeux, serrant au plus fort ses prunelles pour ériger une solide muraille autour de son esprit tourmenté. Penser au mur, au mur et à rien d'autre. Ne pas penser à l'Ordre, ne pas penser à Liam, ne pas penser à sa trahison. Le mur. Juste le mur. Dans le silence pressant, la voix inquiète de la jeune femme résonna. Elle parla bien moins calmement qu'elle ne l'avait espéré, sa voix tremblant légèrement. Elle baissa le regard et s'inclina.

« Maître. »