Daphné ouvrit les yeux, laissant apparaître le ciel d'encre parsemé d'étoiles et la Lune ronde et blanche qui éclairait le paysage, lui donnant un petit air inquiétant. Elle aimait particulièrement la nuit, quand tout était calme et que le paysage changeait complètement, quand personne ne venait troubler sa tranquillité. La journée avait été belle aujourd'hui, le Soleil avait accompagné les élèves de Poudlard pour ce qui serait certainement la dernière belle journée de la saison. Et la soirée avait été aussi douce, seulement troublée par une petite brise qui faisait onduler l'eau du lac.

Daphné avait donc attendu patiemment dans la Salle Commune des Serpentards que le couvre-feu soit dépassé de quelques minutes, s'assurant ainsi que tous les élèves auraient, en théorie, rejoins leurs dortoirs, et sortit du château pour se rendre directement au lac.
C'était son secret, son seul moment de tranquillité totale. Lors des belles soirées, elle venait jusque là et se glissait dans l'eau sombre pour nager un peu. On disait aux premiers années que le lac était habité par un horrible calmar géant pour leur faire peur. Mais Daphné savait par expérience que ce calmar n'avait rien d'horrible ou en tout cas il ne l'avait jamais ennuyé.

Ce soir là comme beaucoup d'autres, elle avait donc rejoint le lac pour nager un peu. Elle avait regardé autour d'elle, sa baguette allumée devant elle mais n'avait vu personne. Elle avait donc fait glisser sa jupe sur le sol et sa chemise avait bientôt rejoint le vêtement, la laissant en sous-vêtements de dentelle noire dehors. Sa baguette était cachée sous les deux vêtements, pour que personne ne la voit et n'ait l'idée de la lui voler pendant qu'elle regardait ailleurs. Puis elle s'était approchée du bord et se laissée glisser lentement dans l'eau. Elle était froide au début, très froide. Mais elle n'avait pas jouer les difficiles et après quelles brasses, la température était devenue plus agréable. Elle avait nagée longtemps, jusqu'à être totalement épuisée puis s'était allongée sur le dos, position dans laquelle elle se trouvait encore à présent.

Avec ses oreilles entièrement plongées dans l'eau, elle n'entendait plus que les battements de son cœur et les rares mouvements de l'eau. C'est ce qu'elle aimait le plus, ce silence, tous ces sons assourdis, comme si elle était à des années lumières du monde réel. Elle referma les yeux et pencha la tête en arrière, insufflant un mouvement à tout son corps pour plonger dans l'eau la tête la première. Elle toucha le sol avec ses deux mains, prenant une poignée de sable qu'elle laissa s'échapper doucement puis revient à la surface pour respirer. Elle soupçonnait l'heure tardive, il était temps de rentrer pour dormir, après tout, elle était épuisée de sa nage. Elle replongea et rejoignit le bord en nageant.

Ses deux mains se posèrent sur le sol et elle prit appuie dessus pour sortir, se retrouvant à genoux sur l'herbe, les deux mains à plats. Avant même qu'elle ait le temps de faire un geste, elle aperçut sur le sol quelques centimètres devant elle deux chaussures en cuir noir, parfaitement cirées et qui semblaient d'assez bonne qualité. Son cœur manqua un battement et elle releva la tête lentement, voyant au passage tous les détails de la tenue de la personne qui venait de la surprendre.

Il portait l'uniforme réglementaire de Poudlard : un pantalon gris et une chemise blanche. C'était donc un garçon. Mais Daphné ne pensa pas tout de suite à avoir honte et à rougir de la tenue dans laquelle elle se trouvait. Elle continua de lever la tête, cherchant le visage du garçon, toujours à genoux devant lui. Les yeux bleus-gris, le teint pâle et les cheveux blonds presque blancs ne laissaient aucun doute sur son identité : Drago Malefoy.
Le premier réflexe de Daphné fut de se sentir soulagée. Elle exprima ce soulagement par un soupire et se redressa, se mettant à genoux, ses mains quittant le sol. Ce n'était que Drago, pas un élève d'une autre maison qui pourrait la dénoncer, ni un professeur ou une créature ou pire, Rusard ou Miss Teigne. Au moins, elle n'aurait pas de retenue ce soir. Drago avait beau être préfet, ils étaient censés être amis avant tout et il n'était pas du genre à donner des retenues aux autres Serpentards, surtout pas à ceux qui lui étaient proche.

« Oh Drago, c'est toi, j'ai eu peur ! »

Une brise caressa son épaule, ce qui commença tout d'abord par la surprendre. Normalement, elle n'aurait pas du sentir le vent sur sa peau, elle devait porter une chemise... Son soulagement et son plaisir de voir Drago lui avait fait oublier un petit détail, pas vraiment important : elle étant en sous-vêtements. Cela aurait pu être pire, bien sûr, elle aurait pu porter ses horribles sous-vêtements en coton blanc. Le rouge lui monta aux joues et elle chercha des yeux ses vêtements et sa baguette. Quelques pas derrière Drago, sous l'arbre où elle les avait laissé, hors de portée. Et sa baguette bien planquée en dessous, là où elle ne pouvait pas s'en servir pour attirer ses affaires à elle. Parfait. Elle reporta son attention sur son camarade qui n'avait pas bougé et la regardait toujours. Ses yeux bleus perçant... Elle croisa ses bras sur sa poitrine, dans le vain espoir de cacher sa nudité. Puis elle se releva, rouge comme une pivoine et murmura :

« Je...hum... il fait froid... »

Ce n'était pas très brillant mais elle ne savait pas quoi faire de plus et semblait incapable de bouger, se contentant de rester là les bras autour de ses épaules recouvrant une petite partie de son corps, debout devant le jeune homme.

- Que peut bien encore trafiquer ce gros lourdaud a cette heure si ? Je me demande vraiment ce que peux faire un hybride dans cette école !


- Oh Drago, c'est toi, j'ai eu peur !


- Je...hum... il fait froid...

- Ce n'est pas prudent de se balader seul la nuit, encore moins de se baigner dans ce lac qui grouille de créature répugnante, rhabille toi, tu va attrapais froid si tu reste dans cette tenue.

Pour être tout à fait honnête, malgré sa baignade et le vent qui commençait à se lever doucement, Daphné était assez loin d'avoir froid, en ce moment. Drago se retourna et attrapa ses vêtements sous le regard inquiet de la jeune fille. Il les lui tendit en lui assurant que ce n'était pas très prudent de se baigner dans ce lac qui grouillait soi-disant de créatures répugnantes. Depuis qu'elle le faisait, c'est-à-dire trois bonnes années maintenant, Daphné n'avait jamais eu de problème avec les créatures du lac alors elle ne leur trouvait rien de répugnant. Mais avant de faire part de ceci à Drago, elle tendit la main pour récupérer ses affaires.

Ses doigts fins frôlèrent inévitablement la main du blond et une décharge électrique parcourut le bras de Daphné remontant jusqu'à son épaule avant de se perdre dans un frisson le long de sa colonne vertébrale. Ce contact, aussi léger soit-il, la ramena une semaine en arrière quand, à bord du Poudlard Express, il avait posé ses mains sur elle pour la première fois. Ses joues rougirent imperceptiblement et elle se dépêcha de prendre sa jupe et de l'enfiler pour avoir une bonne raison de baisser le visage. Puis elle enfila sa chemise qu'elle tenta de boutonner le plus rapidement possible, ce qui n'était pas simple au vu des tremblements de ses doigts. Elle se racla la gorge discrètement et tenta de parler pour reprendre son calme. Elle ne s'était pas vraiment attendue à rencontrer Drago Malefoy ce soir précisément et c'était un peu...déboussolant pour elle, surtout dans la tenue dans laquelle elle se trouvait encore deux minutes plus tôt.

« Tu sais...les créatures de ce lac ne sont pas si dangereuses. Ça doit bien faire... trois ans que...que je me baigne régulièrement pendant la nuit et elles ne m'ont jamais attaqué. »

A bien y repenser, ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire mais c'était déjà bien puisque sa voix était à peine vacillante. Elle ne pouvait pas se tenir sous son regard gris et réfléchir en même temps, il fallait choisir et dans le cas présent, son choix était vite fait. Pour une fois qu'ils se retrouvaient vraiment seuls... Elle tenta de prendre une inspiration le plus discrètement possible et après s'être mordu la lèvre en signe de gêne, elle releva les yeux vers Drago, son regard vert trouvant instantanément sa place contre l'acier de ses yeux.

« Et toi, qu'est-ce que tu viens faire par ici ? Demanda-t-elle timidement. »

A sa connaissance, même s'il était Préfet, il n'était pas tenu de faire une ronde dans le parc, c'était bien trop dangereux et le garde-chasse de l'école était là pour ça. En attendant la réponse, Daphné ne bougea pas d'un millimètre, faisant tous son possible pour ne pas s'approcher du garçon. Son cœur battait si fort et si vite contre sa poitrine qu'elle ne doutait pas qu'en faisant un pas de plus, il l'entendrait. Pourtant, elle ne parvenait pas a détacher ses yeux des siens et encore moins a trouver quelque chose a dire, même pas une chose totalement stupide qui détendrait l'atmosphère. Ils étaient seuls, complètement seuls. Et quelque chose d'étrange se passait pour Daphné, totalement hypnotisée par ce regard, qui devait faire son possible pour ne pas s'approcher et faire quelque chose de totalement stupide qui la démangeait en ce moment, comme l'embrasser, par exemple. Et pourtant si Daphné voulait tenter quoique se soit dans l'espoir de se rapprocher de lui, le moment était parfait. Alors pourquoi ne parvenait-elle pas a ouvrir la bouche ? Pourquoi fallait-il qu'elle se contente de le regarder comme ça, avec ses yeux brillants, sans doute de la belle couleur de l'herbe en été, comme ils l'étaient chaque fois qu'elle le regardait lui et uniquement lui. Elle espéra d'ailleurs en cet instant qu'il n'ait jamais remarqué ce détails auparavant, même si cela aurait été vraiment flatteur, c'était aussi l'un des moyens les plus simples de savoir exactement ce qu'elle ressentait. Et à moins qu'un miracle ait lieu et qu'il ressente la même chose à son égard, ou quoique ce soit s'en approchant, elle n'avait pas vraiment intérêt à se déclarer. Elle ne pourrait pas le croiser chaque jour en supportant l'humiliation d'un refus. Faire comme ci personne ne savait rien était bien mieux. Une moue triste tordit ses lèvres. Un miracle... que n'aurait-elle pas donné pour un miracle de ce genre...

- Peut-être, mais fait attention aux Strangulots, il sont d'une férocité avec les sorciers, et puis les Selkies se méfie des sorciers dorénavant depuis que Le Seigneur des Ténèbres est de retour, les nouvelles vont vite, les êtres de l'eau sont au courant de cette rumeur dorénavant. J'aimerais pas que tu soit attaquée...

- Si tu crois que je vais m'amuser a faire des rondes interminables dans l'école, j'ai juste fait un tour dans l'enceinte et j'ai décider de sortir, quand tu est seul dans les couloirs sa n'a rien de drôle. Et puis sa me détend de sortir prendre l'air avant d'aller me coucher, il faut dire que avec notre salle commune dans les cachots on ne risque pas de profiter de l'air frais de l'extérieur.

Drago s'assit ensuite dans l'herbe fraîche, la lune était ronde et brillante dans le ciel, pas un nuage, les étoiles illuminées le ciel et le rendait magnifiques à regarder. De ses yeux gris il regarda Daphné et l'invita a s'asseoir a ses côtés, puis il lui dit d'un ton qui manquait de son naturel air supérieur.

- Dit Daphné, as-tu déjà ressentie des choses pour une personnes sans savoir si cette personne ressent la même chose a ton égard ? Depuis quelques jours j'aimerais être plus proche de cette personnes, mais je ne sais pas si sa marchera...

Le visage de Daphné s'illumina d'un faible sourire quand Drago lui répondit de se méfier tout de même des créatures du lac, en particulier avec le retour de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. La jeune fille n'eut même pas le temps de s'offusquer qu'il parle si facilement de Lui, alors qu'ils étaient dehors, et que n'importe qui pouvait les entendre. Non, la seule chose qui retint son attention à cette déclaration fut ses derniers mots. « J'aimerais pas que tu sois attaquée... » Cela pouvait dire des tas de choses, Daphné en avait conscience. Mais en même temps, ce n'était pas le moment idéal pour réfléchir calmement. Elle savait, une petite voix dans sa tête lui murmurait doucement que tout ceci pouvait ne signifier rien d'autre que de l'amitié de la part du jeune homme. Oui, ils étaient amis depuis très longtemps et même s'il n'était pas du genre à faire grand cas des personnes qui l'entouraient, rien ne l'empêchait de tenir quand même à ses amis. Mais... Elle voulait voir quelque chose de plus dans cette déclaration, quelques chose de plus grand, de plus important. Elle voulait y voir une preuve qu'il tenait à elle en particulier, qu'il n'aurait pas dit ça à quelqu'un d'autre. Et cette partie d'elle criait bien plus fort, aussi fort que son cœur battait en ce moment même.

Elle eut beaucoup de mal à reprendre son calme et a se concentrer sur la suite de ses paroles. Heureusement qu'une brise fraiche courrait parfois sur son visage brûlant, cela lui remettait les idées en place quelques secondes, juste le temps de cligner des yeux ou de regarder ailleurs, avant qu'elle ne recroise son regard. Il lui expliqua ce qu'il faisait là et Daphné trouva que son ton était inhabituel. Il ne lui parlait pas comme il le faisait le reste du temps, avec cet air supérieur qu'elle n'aimait pas, qui ne lui allait pas si bien que ça, il ne la regardait pas de haut,... Et il répondait sincèrement, du moins à ce qui lui semblait. En général, il aurait simplement dit que ça ne la regardait pas ou aurait ignorer la question. Elle sourit de nouveau à sa dernière remarque. C'est vrai que question air frais, la salle commune des Serpentard n'était pas gâtée. Mais cette pièce restait la préférée de Daphné malgré tout, elle aimait l'atmosphère feutrée de l'endroit et cette proximité avec l'eau, être immergée totalement dans le lac...

Le blond s'installa par terre et l'invita à en faire de même, ce qu'elle fit sans se faire prier. Des moments comme celui-ci, ils n'en partageraient certainement pas beaucoup, autant en profiter. Elle resta un moment à regarder le ciel, légèrement penchée en arrière. Il n'y avait rien de plus beau aux yeux de la jeune fille que cet immense tache d'encre parsemé d'étoiles. Et au milieu, la Lune, pleine, ronde, qui lui souriait avec bienveillance. Les battements du cœur de Daphné se calmèrent peu à peu malgré la présence de Drago à côté d'elle. Elle était bien, à cet instant précis, a observer la Lune aux côtés de cette personne en particulier. Pourtant, ce moment de répit fut bref.

Elle était assise depuis quelques secondes à peine quand Drago reprit la parole et une nouvelle fois, ses mots firent perdre toute contenance à la brune. Elle tourna les yeux vers lui et se redressa avant de se concentrer de toutes ses forces pour ne pas laisser apparaître ses sentiments sur son visage. Et chaque mot qu'il prononçait, calmement, avec un naturel inconnu chez lui, faisait perdre ses esprits à la jeune fille. Il...Il ne pouvait pas seulement se confier à elle sur ce sujet. Pas s'il ne parlait pas d'elle, pitié. Elle devenait de plus en plus pâle mais la lueur blanche de la Lune ne devait pas le laisser voir, heureusement. Et elle écoutait, sans rien dire, attendant qu'il ait terminé. Et priant pour qu'il parle d'elle et pas de quelqu'un d'autre. Il y avait une chance pour que ce soit elle, en plus. Ils s'étaient pas mal rapprochés, ces temps-ci, tout le monde le disait... Ce n'était pas impossible. C'est pourquoi Daphné enfonça ses doigts dans l'herbe comme si elle souhaitait s'y accrocher de toutes ses forces et inspira profondément avant de répondre. Si elle avait la moindre chance de parvenir à quelque chose avec lui, c'était le moment ou jamais. Soit il finissait par lui faire comprendre que c'était elle, soit il lui lançait un nom et elle en devenait dingue. Mais dans tout les cas, il fallait qu'elle en sache plus. Elle répondit elle aussi en toute sincérité, s'arrangeant juste pour taire le nom de l'élu. Mais ses yeux verts plongés dans les siens, cette lueur qui brillait en eux pendant qu'elle le regardait et qu'elle lui parlait, étaient des aveux bien assez clairs.

« ...Oui. Oui, je sais exactement ce que c'est. Ça fait pas mal de temps que je... enfin, je crois que je suis amoureuse de quelqu'un mais... Il n'a pas vraiment l'air de s'intéresser à moi... Du moins pas jusque récemment. »

Elle attendit une seconde, cherchant ses mots, cherchant comment faire passer subtilement ce qu'elle voulait dire pour en avoir le cœur net et reprit.

« Je crois que...que la meilleure chose à faire c'est d'être honnête, tout simplement. Il n'y a aucune autre manière de savoir dans notre maison, tout n'est qu'apparence. Et puis, franchement, qui te repousserais, toi ? Qui que soit cette fille, je suis certaine qu'elle sera ravie de le savoir...Tu es...tu es le garçon dont toutes les filles rêves. Tu peux avoir n'importe qui. »

En tout cas, Daphné, elle, aurait été ravie. Elle aurait donné à peu près n'importe quoi pour qu'il lui dise que c'était bien elle qu'il aimait. Qu'elle n'avait pas rêver ces derniers jours. Quand il reprendrait la parole, quand il lui donnerait ce nom, la chute serait brutale pour Daphné mais qu'importe..Maintenant, il n'y avait plus qu'à attendre, attendre qu'il lui dise qu'il irait dès demain se déclarer à telle ou telle fille ou... Daphné n'osa même pas continuer de suivre le fil de ses pensées. Elle se contenta d'en rester là et de regarder Drago dans les yeux. Le silence s'installait mais leurs yeux ne semblaient plus vouloir se lâcher. Et le cœur de la brune reprenait sa course folle dans sa poitrine, pulsant de plus en plus vite.