Merlin que du taf !

Quand j'étais allée chez le sorcier qui gérer la location de c'te bicoque, j'étais loin de m'attendre à un tel délabrement. Si j'avais eu quelqu'un pour m'aider un peu plus dans cette aventure, ça ne me serait jamais arrivé.

Depuis que j'avais annoncé à mes parents mon intention ne pas retourner à Poudlard en septembre, je m'étais retrouvée seule. Ma mère était prête à m'aider, à condition de revenir dans le monde moldu. Elle ne supportait toujours pas ma condition de sorcière. Elle considérait même que les menaces qu'évoquaient sans cesse mon père pour la sécurité du monde n'étaient encore que les élucubrations de son ex pour la terroriser et la faire revenir vers lui... La pauvre, elle n'avait toujours pas compris que 'Pa et Maryon, c'était du sérieux, même 12 ans après. Bref, devant mon refus elle me claqua la porte au nez et me dit qu'elle me donnait pas quinze jours avant de revenir l'implorer de l'aider.

'Pa de son côté a eu à peu près la même réaction. Sauf que lui il parle à ses parents et qu'il leur a interdit de m'aider C'est ça un père auror en colère, ça pense à tout. Il avait d'jà prévu que j'irai vers eux... No comment. Donc, j'y suis allée quand même. Eux aussi ont essayé de me raisonner, de me dire que j'avais tort, gnagnagna et gnagnagna. Parfois j'ai l'impression que personne me comprend vraiment. J'ai eu la chance de découvrir ma voie à seize ans! C'est une chance! Et personne comprend...

Enfin, avant de partir Jack m'a filé quelques gallions quand même et me souhaita bonne chance. J'le kiffe trop. Tout bas il m'a dit qu'il ne m'aiderait dans aucune démarche sauf si j'arrivais à me trouver un appart ou une boutique. C'était d'jà ça.

Et là, m'y voilà.

Je suis passée par une agence miteuse, je me suis fiée à des photos et j'ai pas voulu visiter avant. Me voilà donc avec des clés, et une boutique sur le Chemin de Traverse. Une pièce au rez-de-chaussée, une pièce à l'étage, et une cour commune de quelques mètres carrés avec Fleury et Botts. Jack s'était gentiment porté cation et j'avais avancé trois mois de loyer.

De l'extérieur ça craignait grave. Des planches partout qui semblaient là depuis des années. Je sentais mes convictions vaciller. Les photos que j'avais vues devait dater de l'ancien proprio, donc d'au moins deux siècles... J'osais même pas imaginer ce qu'il y avait derrière. En plus c'était soit-disant un meublé.

Je me sentais seule et abattue. Je devais être devant ce taudis depuis au moins dix minutes. Ce n'était pas très compliqué d'y entrer avec un peu de magie. Mais j'avais peur. J'aurais bien aimé avoir quelqu'un à mes côtés. Mes parents n'auraient pas été de trop, même ma mère. Je laissais tomber mon sac au sol. Une main se glissa distraitement sous mon bonnet. J'voulais me tirer. Qu'est-ce qui m'en empêchait à part un bout de fierté et un rêve qui me collait au cœur? Je sentis mon visage grimacer pour empêcher quelques larmes de couler.

« Bonjour, est-ce que je peux vous renseigner, Mademoiselle ? »

Cette intervention presque divine me fit sursauter. En me tournant j'aperçus une femme splendide qui me souriait. En d'autres temps ça m'aurait donné des idées. Là, son sourire bienveillant servit juste à me faire chaud au cœur. J'étais pas toute seule devant ce désastre annoncé. Elle je la connaissais à peine de vue. C'était la gérante de la librairie d'à côté. Je lui achetais mes bouquins à l'époque de Poudlard. Une personne qui paraissait glaciale au premier abord, enfin quand on est môme parce que là, son sourire contrastait avec les rares images que j'avais d'elle.

- Salut. Renseigner, non. En fait, je suis la nouvelle locataire des lieux. Je suppose qu'on est voisine de taf.

Je sortis ma baguette en essayant de paraître un peu moins abattue. Quelques sorts me permirent de faire sauter ces satanées planches. Les clés firent ouvrir la porte.

- Je m'appelle Tuppence Beresford. Tupp' en fait. Je vous aurais bien faite entrer mais... J'sais pas comment c'est dedans...

Elle était vraiment jolie la voisine. Il y avait quelque chose qui irradiait d'elle mais j'aurais pas pu dire quoi. Cette nana était belle, tout simplement. Indéniable. Elle avait la classe mais quelque chose en plus. Impossible de savoir quoi. Ses yeux? Sa bouche charnue? C'est frustrant de sentir qu'on passe à côté de quelque chose. Mais bon, c'était comme ça.

- Ben ça roule alors. Merci en tous cas.

D'un geste exagéré je lui fis signe d'entrer à ma suite. Ouais, vu l'état de la baraque de l'extérieur, il y avait fort à parier que l'intérieur allait pas être très clean. La suite ne me donna pas tort. Une pièce nous accueillit, pleine de poussière. D'un coup de baguette je fis ouvrir les volets. Une table, quatre chaises, un évier, un escalier, une cheminée. Tout semblait pourri et vermoulu. Je n'arrivais pas à me voir là et seule en plus!

Pour la première fois je me projetais en avant dans le temps, et je n'arrivais pas à le faire ici. Jamais je n'avais vécu seule auparavant. La solitude ne m'avait jamais bien habillée. Tout en étant excentrique, j'étais quand même toujours entourée. Ma famille, mes parents, mes grands-parents, mes demi-frères (même ma belle-mère )... tout n'était qu'éclats de voix qui résonnaient entre les murs. En fermant les yeux je pouvais encore les entendre. L'amour aussi rebondissait, tout comme les idées, les discussions, tout... Là, tout était vide. Seul le silence emplissait ce lieu austère.

- Hmmmm vous êtes sûre que vous voulez me suivre hein? Parce que là j'ai presque honte...

J'avais honte. Cette femme qui semblait s'être posée dans la vie était là, dans ce taudis. Ouais, y avait pas d'autre mot pour décrire cet endroit. Une place sordide qui n'avait pas vu la lumière du jour depuis des lustres, prête à accueillir le futur deuil de mes ambitions. L'endroit parfait pour venir enterrer une carrière avortée et se dire: "Retourne à Poudlard!" ou bien entendre son père ricaner: "Je te l'avais dit."

Je crois que j'avais dû me décomposer. Je ne me voyais même pas monter à l'étage. C'était un repoussoir.

Mes yeux se relevèrent et firent toute la gymnastique nécessaire pour éviter le regard de Miss Hassan. C'est alors que je me rendis compte que l'ancien proprio ou ses descendants - allez savoir- n'avait même pas laissé les étagères au mur. Le gars c'était un apothicaire et il ne restait plus aucune trace de son ancienne activité. Je venais de louer une maison sans âme.

Il n'y avait rien à ajouter. Impossible de savoir comment faire pour installer mon matériel, pour imaginer un atelier. Jack aurait sans doute perdu de l'argent avec la caution, et moi mes dernières grosses économies. Il ne me restait quasiment plus rien. J'étais vraiment une incapable. Cet endroit en était la preuve. Il me symbolisait tout entière. La tête pleine de poussière.

Je me laissai tomber sur une marche d'escalier et celle-ci rompit. Certainement pas à cause de mon poids. Un morceau de bois se ficha dans ma hanche gauche. Je ne pus même pas pousser un cri. J'aurais voulu m'enfoncer dans le plancher et disparaître à jamais.

Elle y réussit. Au milieu de ce fourbi elle avait réussi à me faire sourire, ce qui relevait d'une performance inouïe. Me voilà invitée à m'asseoir à ma propre table, sur une de mes chaises, par ma nouvelle voisine. C'te fille elle est d'une bonne humeur à toute épreuve apparemment. C'est rassurant. Infiniment rassurant.

Les personnes comme ça sont tellement rares de nos jours où le bonheur semble fuir tout un chacun. Miss Hassan rayonnait. C'était lié à quoi son bonheur à elle? Une réussite scolaire? Professionnelle? Amoureuse? Le fait de pouvoir s'appuyer sur quelqu'un qui a envie de la rendre heureuse? Un peu de tout ensemble sans doute. Elle n'avait pas dans le regard ce spleen qui vous fait sentir ridiculement inutile et honteux quand on est à côté sans clé pour comprendre ce qui ne va pas ou trop peu pour oser faire quelque chose de peur de se faire rejeter. Il me semblait être parvenu au fin fond de ce qu'il est possible d'appeler tristesse. Et j'allais finir par décourager cette bonne volonté que la vie avait bien voulu placer sur ma porte d'entrée.

Je n'avais rien. Même pas la moindre idée des sorts à réaliser pour donner un coup de neuf à l'endroit, ou même pour ranger et nettoyer. A la limite avec quelques produits modus j'aurais pu faire quelque chose, mais là... Je ne pouvais même pas demander à ma grand-mère, elle me dirait non car totalement en accord avec mon père.

- Ben en fait, c'est un lieu un peu conceptuel que je voulais ouvrir. En sachant très bien que l'épithète "conceptuel" n'était pas très en vogue dans la communauté sorcière. Je suis artiste. Peintre surtout, enfin, dessinatrice. J'ai voulu ouvrir un atelier liant à la fois l'art moldu et l'art sorcier. De fait, je ferai des portraits mouvants, non mouvants, ou hybrides. L'art n'a pas de frontières et doit être transcommunautaire. Je pense que ce sera l'objet de tout mon travail d'estomper ces frontières. Le problème c'est que je vais mettre du temps avant de vraiment travailler pour moi. Si je n'ai pas de commandes ou si je ne donne pas de cours, je mettrai vite la clé sous ce qu'il reste de cette porte.

En prononçant ces paroles j'eus l'impression que mon projet avait quand même du sens, au-delà de toutes les difficultés matérielles qui se dressaient devant moi. Mais il y en avait une principale qu'il serait difficile de franchir. Je n'avais pas de place pour exposer. Dans le milieu sorcier il n'y avait pas de galeries de peintures. Ce serait un frein au développement de mon activité. Le processus de création ne craignait rien, mais un artiste sans audience n'est rien. Je ne pourrais certainement pas exposer dans un lieu moldu... J'avais pensé à beaucoup de choses, mais pas à ça.

- Vous pourriez éventuellement m'aider en m'apprenant quelques sorts pour essayer de rendre l'endroit habitable?

Devant cette femme qui ne devait pas manquer d'être cultivée, j'avais honte de dire que j'avais quitté Poudlard et qu'en plus, la nature ne m'avait pas dotée de talents magiques reconnus. Déjà qu'elle devait me prendre pour une dingue d'avoir choisi cet endroit pour vivre et travailler, je n'allais pas me tirer un avada dans le pied en lui faisant cette confession...

Un mince sourire étira mes lèvres. Ce devait être le premier depuis que je l'avais rencontrée. C'était la première fois que je me trouvais confrontée à une question concernant mon âge. Je m'y attendais bien sûr. Non, je ne voulais pas faire ma confession... Pourtant...

Cependant, je ne savais pas comment pouvait être pris le fait de se lancer dans un projet comme le mien à mon âge. Je n'en avais pas honte de mes dix-sept ans. C'est juste que je pensais depuis pas mal de temps qu'on n'était jamais pris au sérieux à dix-sept ans. Tout l'ordonnancement de la société était fondé sur le passage des buses et des aspics. Si vous ne les avez pas vous vous placez hors du moule. Pour des personnes comme les jumeaux, qui ont beaucoup de talent et d'imagination en termes de farces et attrapes, ne pas avoir ses aspics est un avantage, je dirais même un passage obligé. Pour quelqu'un comme moi non. Et en plus dans le monde sorcier, il n'existe pas de diplôme sanctionnant des études ou des capacités artistiques... C'était ça ma honte en fait.

Je ne savais pas trop comment répondre. Ma volonté de changer de sujet ou de noyer le sujet s'effaçait aussi vite qu'elle était venue. Je n'étais pas une adepte du mensonge... Je ne pensais pas que mes origines mixtes soient un problème pour elle. Même si 'Pa m'avait répété maintes fois que je devais me méfier des gens et faire attention à ce que je dis. Mais je n'y arrivais que très rarement. En plus cette femme m'apparaissait très sympathique. Je ne voyais pas pourquoi je devrais me méfier. Comme si un terrible mangemort pouvait se cacher derrière une si jolie personne. Par ce oui, plus ça allait, plus elle m'apparaissait comme extrêmement belle...

- Ben... ma mère est moldue. A la maison il n'y a qu'éponges et produits ménagers... Mais en fait, si je les connais pas c'est parce que je n'étais ni douée ni attentive à Poudlard, et surtout parce que j'en suis partie avant la rentrée. J'ai dix-sept ans.

Je devais craindre un max à côté d'elle... Mais cette femme attirait à elle la vérité.

- Je suis donc partie avant d'en apprendre certains. Je sais ça doit craindre un max pour vous qui êtes dans les bouquins tout le temps. En plus j'étais à Gryffondor avant. Je n'ai jamais trop compris pourquoi d'ailleurs. Sans doute l'histoire familiale.

J'allais vite voir ce qu'elle serait sa réaction... Mais depuis que les mots avaient franchi ma bouche, une sorte de poids avait disparu de mes épaules. Je me sentais pleinement moi, Tuppence Beresford, maîtresse de sa vie et de ses choix. Et si c'était vraiment ça la vie d'adulte? Regarder devant. Faire ses propres choix en les assumant?

Ouais, OK... c'est vrai que j'aurais pas cru qu'elle poserait la question cash, comme ça. Elle aurait pas pu s'en douter que ses parents la soutenaient pas? Bah non, apparemment, elle ne s'en doutait pas.

Un ange passe dans la boutique. Elle me regarde comme ça, presque avec des yeux d'innocence. A en juger par son ventre, elle ne l'était pas tant que ça innocente. Un joli ventre tendu pointait vers moi. J'avais pas intérêt à la faire monter cet escalier vermoulu. Un énorme soupir me trahit pendant que mon regard s'attardait sur son ventre.

- Peut-être que vous travaillerez aussi quand le vôtre prendra une décision qui vous contrariera... Mes parents ne me soutiennent pas. Ils pensent que je ramperai vers eux en même pas une semaine. Surtout mon père. Il se fait du mouron avec son taf de malade... Même si sur le fond il a raison. ça craint en ce moment dehors. Il se fait du souci à cause de toutes ces attaques de mangemort.

Un sourire se dessine sur mon visage. Je l'aime mon père. Évidemment. Et pour moi c'est le meilleur papa du monde. Mais il craint de ne pas me faire confiance. Je veux pas le décevoir. Je ne veux pas abandonner mes illusions non plus. J'avais tout à prouver.

Je souris une nouvelle fois à Miss Hassan. Elle était belle, et là rien que pour moi. Pour m'aider. A part mon grand-père, personne n'avais cherché à m'aider dans mon entreprise. Ce n'était pas d'être enceinte qui la rendait belle. Elle incarnait la beauté de manière parfaite. Il y avait de la grâce dans ses yeux, dans ses gestes, un port altier qui lui donnait plus de noblesse qu'à tous les sangs-purs réunis. Un instinct naturel qui la rendait irrésistible. Cette femme, bien que plus âgée que moi, je la désirai. Je me rendis compte que je la désirais depuis le moment où nous nous étions rencontrées. Et pourtant je la savais inaccessible.

Certaines personnes avaient de la chance. Je n'avais pas l'impression d'en être. Un pourtant devait être l'élu pour elle. Est-ce que moi aussi un jour je serais l'élue d'une femme comme elle? Je n'avais jamais pris mon homosexualité comme un handicap et je ne la considérerai jamais telle quelle. Mais de ma vie je n'avais jamais vue une femme de cette classe en pincer pour une autre...

Je m'égarais dans mes pensées. Cela faisait un petit moment que j'avais arrêté de lui parler et que je la fixais avec cette intensité. Il fallait que je me ressaisisse et vite pour ne pas la faire fuir.

- A part ça, c'est quoi que vous attendez? Un p'tit mec ou une p'tite nana? Vu votre état je vais peut-être éviter de vous faire monter la-haut.

En un clin d’œil je disparus. Les marches craquèrent une par une. heureusement que j'étais légère. Arrivée près du pallier je fus irrémédiablement retenue. Ma jambe droite passa à travers une marche. Mon corps bascula en arrière pendant que le bois déchira ma peau. Je m'étais enfoncée jusqu'à la cuisse. Un cri retentit dans la boutique. C'était moi qui l'avais poussé mais je n'en avais pas la sensation. Je semblais totalement étrangère à mon propre coup. La douleur me projetais hors de moi. Bientôt mes yeux se fermèrent. Noir. Je perdis connaissance.

Le soupir de Tuppence se répercuta dans le silence de la boutique, tandis que Sofia se mordait la lèvre, se sentant tout à coup un peu idiote. Bien entendu, elle avait fait exprès de poser la question de manière détourner, jouant les innocentes qui n'ont rien compris alors qu'elle se doutait parfaitement de la réalité. Pourtant, la jeune fille ne semblait pas ravie de voir Sofia prendre des pinces avec elle et de demander de manière détournée. Cela se sentit dans sa réponse, même si elle n'avait pas un ton particulièrement agressif, sa remarque jeta un froid, du moins pour Sofia.

Ses préoccupations principales en ce moment portaient sur le fait de savoir si oui ou non elle serait une bonne mère pour son fils. Et bien entendu, elle voulait croire que oui, que jamais elle ne ferait rien qui pourrait faire du mal à son enfant. Après tout, elle en avait déjà bien assez fait en le mettant au monde dans un contexte aussi désastreux, alors qu'elle n'était même pas certaine de survivre jusqu'à l'accouchement. Elle n'avait franchement pas envie que la brune lui rappelle qu'elle risquait elle aussi de devenir une mauvaise mère, pour des choses aussi futiles -du moins actuellement- que de soutenir son enfant dans ses projets. Elle avait déjà du mal à croire qu'il atteindrait un jour l'âge de 17 ans...

Grâce à cette chère Tuppence, Sofia commençait à paniquer totalement, comme cela lui arrivait souvent en ce moment, alors que la date de la confrontation avec le Seigneur des Ténèbres approchait à grand pas. Pourtant, elle tenta de garder un air neutre et de se concentrer sur les paroles de la jeune fille. Il n'était pas question d'elle pour le moment mais seulement de Tuppence et de ses craintes quant à son avenir qui était tout aussi incertain que celui des autres. D'autant plus qu'elle, même si son père semblait plus s'inquiéter pour elle et vouloir lui donner une leçon qu'autre chose, elle était seule, finalement. Personne n'était là pour elle aujourd'hui alors que c'était l'un des moments les plus importants de sa vie. Prise dans les méandres de ses propres soucis, Sofia en oubliait souvent que tout le monde vivait dans le même monde qu'elle et que même si sa situation était largement plus délicate que celle des autres, ils n'en souffraient pas moins.

Sentant la culpabilité la prendre, elle adressa un sourire à Tuppence avant de poser sa main sur la sienne un court moment, lui transmettant ainsi sa compassion. Elle chercha un mot gentil à lui dire, une manière de lui montrer que tout n'était pas aussi noir que cela semblait l'être.

« Être parent n'est pas de tout repos, ils doivent simplement penser agir pour ton bien, même s'ils s'y prennent assez mal à tes yeux. »

Elle avait décidé de reprendre le tutoiement maintenant qu'elle savait que la jeune fille était aussi jeune. Après tout, c'était bien normal, non ? Et puis ainsi, elle lui montrait une certaine affection, même si elles ne se connaissaient pas, elle lui laissait entendre qu'elle souhaitait créer une certaine familiarité. C'était une bonne façon de la rassurer aussi, sans doute, lui montrant qu'elle n'était pas si seule que ça. Cependant, depuis quelques minutes maintenant plus un mot n'avait été échangé, Tuppence se contentait d'observer Sofia avec un regard un peu étrange, qui hypnotisait bizarrement la libraire. Cela commençait à devenir vraiment gênant quand la plus jeune reprit enfin la parole, lui demandant si elle attendait un garçon ou une fille avant d'ajouter que sachant qu'elle était enceinte il vaudrait mieux éviter de la faire monter à l'étage. Honnêtement, vu l'état du truc, même sans être enceinte ce n'était pas conseillé de s'y aventurer. Alors que Tuppence s'était levée, Sofia répondit à sa question.

« C'est un garçon... »

Elle observa la jeune fille qui la contournait pour s'approcher des escaliers et, évitant la marche déjà cassée de tout à l'heure, osa s'aventurer sur les escaliers. Elle était presque arrivée lorsqu'un craquement sourd se fit entendre. Sofia bondit sur ses pieds, brandissant sa baguette qu'elle pointa sur Tuppence. Les marches s'étaient écroulées, emportant la jeune fille dans leur chute. Elle se retrouva enfoncée jusqu'à la cuisse dans la marche sur laquelle elle avait posé le pied, tandis que son corps basculait en arrière, ne tombant pas encore retenu par la jambe. Sofia se précipita jusqu'à elle et, à l'aide de quelques sorts, elle libéra Tuppence et la fit atterrir doucement sur le sol. Elle semblait pas mal amochée et hélas la Mangemort ne s'y connaissait pas assez bien en sorts de soins pour risquer de la remettre sur pied elle-même.

Se concentrant du mieux qu'elle le put, Sofia transplanna jusqu'à Sainte Mangouste avec la jeune fille. Elles arrivèrent directement dans le hall réservé aux urgences et deux minutes plus tard, des médicomages se précipitaient vers elles pour s'occuper de Tuppence. Une infirmière pris Sofia par le bras et l'emmena vers le comptoir tandis qu'un médicomage faisait asseoir la jeune fille sur un fauteuil pour l'ausculter. L'infirmière demanda à Sofia si elle allait bien et la pria de lui expliquer ce qui s'était passé, ce qu'elle fit, regardant toujours derrière elle vers la jeune fille pour s'assurer qu'elle allait bien. Décidément son local était un véritable danger ! Il était hors de question qu'elle la laisse y retourner seule sans avoir en réserve quelques sorts pour stabiliser les choses.

- Miss... Miss !
- Apportez-moi ma baguette! Elle a perdu beaucoup de sang.

Il y avait des voix autour de moi. Des voix qui parlaient, des voix qui criaient, qui s'inquiétaient. Tout semblait s'agiter. La vie était là qui semblait me rappeler à elle. Parmi les personnes qui s'affairaient ici, je ne reconnus pas la voix de Sofia. Il y avait une femme et au moins deux hommes. Peu à peu la douleur s'éveilla, et ce bien avant mes yeux. Elle était intense, brûlante. Je repris toutes mes sensations. Mon corps reprit conscience de lui-même. Jamais je n'avais ressenti pareille chose. Mon corps semblait résister à l'envie de partir de mon âme pour échapper à cette douleur extrême.

- Vulnera semento... Vulnera semento...

Cette formule dansait dans les airs pendant une chaleur bienveillante enveloppait ma cuisse. La douleur s'éloignait progressivement et mes yeux s'ouvrirent dans le flou. Les formes s'enchevêtraient jusqu'à laisser apparaître deux visages et non pas trois comme je le pensais. L'image s'affina. D'après les écussons brodés sur les uniformes des médicomages, je n'eus pas de mal à comprendre où j'étais: une baguette croisée avec un os. Sainte-Mangouste.

On me glissa une petite fiole dans la bouche. Un liquide âpre l'envahit, que j'eus beaucoup de mal à déglutir, ce qui m'arracha une grimace.

- Qui m'a emmenée là? Où est ma voisine?
- La jeune femme qui vous a emmenée attend de pouvoir vous voir dans une salle à côté. Comment vous sentez-vous?
- ça va, ça va. Mais elle a transplanné pour venir?
- Sans doute, pourquoi?
- S'pèce de troll! Elle est enceinte! Vérifiez si le bébé va bien!

Après quelques minutes de discussion à peu près courtoise, le médicomage réussit à me convaincre que le transplannage n'était pas dangereux pour la santé d'une femme enceinte. Il me demanda même comment à mon âge je ne savais pas une chose pareille... Ben ouais, figurez-vous que je ne savais pas des choses basiques pour le commun des sorciers. c'était ça aussi d'être de sang mêlé... et là... j'en vins à me poser une question inévitable: qu'est-ce qu'impliquait la remarque que cet homme venait de me faire quant à mes origines? Pour la première fois je me rendis compte de la réalité de la situation critique que me décrivait papa. Pour la véritable première fois je me rendis compte que le tragique accident qu'avaient subis les trois héros de mon ancienne maison pourrait coûter cher à notre monde...

- Votre plaie est cicatrisée mais cela reste très fragile. Vous prendrez cette potion deux fois par jour en mangeant, c'est un reconstituant musculaire. Et pendant quinze jours vous marcherez avec des béquilles. Il n'y a pas d'autre solution. Je n'appellerai pas vos parents car vous êtes majeure, mais je vous conseille de le faire. Les prochains jours ne seront pas très évidents pour vous.

Merci mon gars, tu m'as bien donné le moral... Il me laissa là en me disant qu'il allait prévenir Sofia. Je n'avais plus qu'à attendre. Plantée là dans mon fauteuil, je me sentais abandonnée. Jamais je ne m'arriverais à m'en sortir... Il me fallait de l'aide! J'en étais pleinement consciente et cette conscience se manifesta par un torrent de larmes qui dévala le long de mes joues.

- Non, je n'ai pas mal... enfin, pas trop. dis-je entre deux sanglots. Mais je ne peux pas appeler mes parents. Tu comprends, si je le fais c'est un aveu de faiblesse! Et le médicomage... Il m'a dit... Ma voix commençait à trembler. Il m'a dit que je devais prendre une potion pour la reconstitution des muscles et que je devrais appeler mes parents parce que ce serait dur les prochains jours. Je peux pas leur demander! Et comment je vais faire chez moi? Je peux même pas monter à l'étage sans manquer de me tuer...

Et là, Sofia Hassan est officiellement devenue ma meilleure amie malgré le fait que je ne la connaisse que depuis quelques heures. je sais que ce sentiment n'est pas forcément réciproque mais bon, c'est normal. Elle proposa de me laisser habiter chez elles pendant le temps de ma convalescence. Comme ça! Elle me connaissait à peine et elle me proposait ça... C'était une vraie fée.

Bon, vous imaginez bien que si j'avais su de suite que c'était la meuf de Snape... l'image de la fée ne se serait pas imposée tout de suite. Si j'avais su de suite, ou plutôt non, imaginé, qu'ils avaient pu faire des cochonneries sur le canapé où j'allais dormir... Déjà l'idée de Snape avec une femme c'était pas possible, mais alors là, avec cette créature! ça dépassait toutes mes capacités intellectuelles. La première fois qu'elle me parla de Snape suivit instantanément mon installation chez elle. Je crois que j'avais pas encore franchi le pas de sa porte qu'elle me parla de son "compagnon". C'était étrange d'ailleurs parce que dans l'appartement il y avait les photos d'un autre mec. Un type un peu zarb' avec un certain charme, mal rasé, la bouche en cul de poule, cheveux longs, le genre de rebelle de façade sortant tout droit de chez ses bourges de papa et maman. Je l'imaginais pas avec un mec comme ça.

C'est là qu'elle me dit que je devais connaître le père de son enfant. Moi je lui répondis bien gentiment que je ne connaissais pas ce monsieur. Et là... elle me dit que ce n'était pas lui. Lui c'était son ancien qui était mort... Blanc. Je savais pas quoi dire mais je pouvais imaginer facilement qu'elle avait pas tarder à retrouver quelqu'un. Et là... quand elle m'a dit que je ne comprenais pas son sous-entendu et que le père de son enfant c'était Snape... "Ct'une blague?" que j'lui ai dit.

Elle m'a dit que non et terminé. Y avait une gêne à ce moment là.

J'ai passé presque trois semaines dans cet appart'. J'ai croisé Snape deux fois. Quand j'y repense, j'aurais pu faire un scoop énorme à la Gazette ou dans le journal secret de Poudlard. Mais j'suis pas comme ça. En fait moi, je suis quelqu'un de loyal en amitié. Jamais j'aurais dit quelque chose sur ça. Quand elle me l'a demandé ça m'a fait sourire et je me suis contentée d'acquiescer. Snape lui, il était... différent avec elle. Il m'avait toujours salué poliment, et s'il ne m'avait jamais fait la causette, il n'avait jamais été désagréable et il avait une lueur spéciale dans le regard.

Il y avait une alchimie entre eux qui m'avait mise mal à l'aise quand j'étais en leur présence. Aufinal j'ai été bien contente de rentrer 'chez moi'. J'avais peur de commencer à bien déranger. A la fin de mon séjour j'avais assez de forces et de motivation pour retaper mon appart/atelier en me reposant convenablement le soir. Le premier dessin que je fis fut un carton d'invitation pour Sofia et Snape.

Sofia se fit une joie de venir et de découvrir mon antre. J'étais fière et plus déterminée à réussir que jamais. C'était grâce à elle si j'en étais là, et je saurais bien le lui rendre un jour.