C’était un lundi matin comme tous les autres. Tout du moins, en apparence, il semblait l’être. Comme tous les lundis matin, la petite Lumière avait eu grand mal à se sortir des draps soyeux de son lit. Comme tous les lundis matins, elle avait poussé deux ou trois filles dans la salle de bain afin de se faire une place plus rapidement. Si la demoiselle voulait profiter du petit déjeuner avant d’aller en cours, il fallait bien jouer des coudes. Elle se glissa sous la douche. L’eau glissant chaudement sur sa peau lui fit le plus grand bien avant de se vêtir de l’uniforme de Serpentard. Elle s’arrêta un instant devant le miroir. Cravate nouée, jupe aux plis impeccable. L’image qui se reflétait devant elle lui convenait parfaitement. Elle remit d’un geste de la main ses cheveux en place et se dirigea vers la sortie des lieux pour se rendre dans la grande salle commune.

Longue semaine en perspective, la Lumière des lieux pensait déjà au week-end suivant. En cours, elle se sentait oppressée. Les professeurs passaient leur temps à les terrifier avec ce qui était en train d’advenir. Etaient-ils idiots au point de croire qu’ils ne se rendaient compte de rien ?

Lux traversa les cachots d’un pas rapide et arriva sans encombre aux portes de la grande salle qu’elle passa tranquillement. Elle affichait cet air sûr d’elle et fier. Elle aimait ce qu’elle était et aimait d’autant plus le montrer. Elle adressa quelques sourires aux têtes connues telles que celles de Daphné ou Théodore. S’installant là où restait de la place, elle se servit un chocolat chaud et se saisit d’un croissant qu’elle commença à dépiauter en petits morceaux afin de les manger. Déjeuner seule ne la dérangeait pas outre mesure. Elle aimait les réveils en douceur et calme… Mais sa sérénité allait être de courte durée et pas seulement à cause des hiboux qui venaient de pénétrer dans la salle. Une chouette vient délicatement flotter dans les airs devant elle. Flocon de son prénom -que voulez-vous, nous ne sommes pas très imaginatif à six ans- se tenait devant elle, une lettre dans les pattes. Lux s’en saisit avant de donner des petites caresses à son volatile de compagnie. Elle déroula le parchemin et le parcouru d’un air distrait reconnaissant l’écriture de sa mère qui répondait à sa dernière missive. Cependant, le visage de Lux devint soudainement livide. Sa bouche s’ouvrit légèrement de stupeur. Elle resta un instant à fixer les derniers mots de sa mère puis son regard se dirigea vers Théodore qui était un peu plus loin. Ce dernier était tranquillement en train de lire la gazette. Etait-il au courant ? Ses yeux se perdirent à nouveaux sur le parchemin. Pendant quelques secondes, elle ne fit que des aller-retours entre l’intéressé et le bout de papier. Bout de papier qu’elle lâcha tandis que son sang commençait à bouillir de rage. Bien sûr qu’il devait être au courant cet idiot ! Et puis pourquoi sa mère au bout de tout ce temps ne lui révélait qu’à présent ?

Elle se leva dans un mouvement furieux. Sa chaise racla le sol avec virulence ce qui lui valut quelques regards en coin. Son regard à elle ne fixait que Théodore Warren Nott. Elle se dirigea vers lui parchemin à la main et se glissa entre les deux personnes qui étaient en face de lui. D’un geste vif, elle lui arracha la gazette des sorciers des mains.

« Tu étais au courant espèce traite ! Avoue ! »

Elle sentit son regard d’incompréhension et d’agacement la fixer. Elle lui jeta alors la lettre de sa mère à la figure.

Ma tendre enfant,

Je suis bien heureuse que tout aille bien pour toi aux vues des temps qui courent. Quoi qu’il advienne tu viens d’une famille respectable dont le sang a été purifié depuis plusieurs décennies à présent. Tu n’as rien à craindre selon moi. D’ailleurs, il est temps pour toi d’apprendre la grande nouvelle. Tout cela nous l’avions envisagé il y a plusieurs années avec le père de ton ami, Théodore. A présent, je me réjouis de cette décision qui de nos jours, ne fera que renforcer ta sécurité dans ce monde en pleine guerre. Jamais on ne pourra te reprocher d’être sang pur. Bien au contraire, cela sera un atout. Quelle magnificence que cette liaison entre toi et Théodore Nott. Car, ma chérie, oui… Tu es officiellement fiancée à ce jeune homme. Quel grand nom ce joint à notre famille ! Bientôt nous pourrons célébrer votre union… En attendant, je te laisse fêter cela dignement. Rend notre famille fière de toi, ma Lumière.

Monica Silvestri

Le regard de Lux fixait intéssement les reactions de Nott. En effet, à l’instant présent, il était redevenu simplement un nom de famille aux yeux de Lux.

« Arrête de prendre cet air étonné cela m’agace encore plus ! »

lacha-t-elle sèchement au visage du Serpentard.

Lux le fixa d’un regard noir, du moins autant que pouvaient l’être des yeux bleus. Elle lui lançait des avada avec les yeux. Même s’il n’était pas le responsable de cette union, il était là et c’était seulement à lui qu’elle pouvait s’en prendre. Lux lui lança un regard éloquent tandis qu’il lui demanda d’un regard ce qu’elle voulait avec son parchemin. Il était en train de découvrir le parchemin et tout comme elle auparavant, elle voyait qu’il lisait en travers le début de la lettre pour tomber sur ce qui était le clou du spectacle. Au moment où le Serpentard ouvrit la bouche de stupéfaction, elle s’amusa ironiquement à lancer un

« Tataam… »

Il remua alors la tête signe d’une incompréhension totale. Ce pouvait-il qu’il ne soit réellement pas au courant. Un instant Lux tenta de respirer tranquillement afin de reprendre son calme. C’est alors qu’il ferma les yeux, sa façon de prendre sur lui. Bien vite il récupéra ce masque d’impassibilité qu’il lui était si courant de porte. Par Merlin ! On venait de lui annoncer qu’il était fiancé contre son gré et il faisait comme si rien ne le touchait ! Elle avait de lui en foutre une pour le faire réagir. Monsieur prit alors tranquillement un peu d’eau avant de se lever pour lui faire face.

Je n'ai pas eu vent de ce détail. Je ne pense pas que ta mère mente, donc c'est qu'il doit en être ainsi.

Lux lui jeta un regard noir tandis que sa main se fermait de manière crispée.

« Détails ?! »

s’écria-t-elle en russe. Lorsqu’elle était en colère il n’était pas rare qu’elle s’exclame dans sa langue maternelle. Elle n’avait jamais vraiment su pourquoi, peut-être à force d’avoir entendu ses parents se disputer uniquement dans cette langue… Elle soutenait son regard tandis qu’il lui avait dit ces quelques paroles.

Cependant, je ferais mon possible pour confirmer la nouvelle.

La Lumière plissa les yeux. Il sentait l’ironie à plein nez. Son regard se perdit vers Daphné qui évidement n’avait rien compris à la conversation puisqu’ils n’avaient parlé qu’à mi-mots. Voilà qu’il s’asseyait de nouveau comme si tout cela était normal. Elle attrapa la lettre qu’il tenait encore dans les mains et c’est avec un air courroucé qu’elle allait lui tourner et sortir de la grande salle. L’envie de manger lui était complètement passée bizarrement… Mais aux paroles qui suivirent, c’est dans un geste non contrôlé qu’elle attrapa le verre de Daphné pour le jeter à la figure de Théodore.

« Enfoiré ! Espèce d’abruti ! »

se mit-elle à crier au milieu de la grande salle. Le silence venait de s’installer et les regards fusèrent en leur direction. Elle chiffonna la lettre et lui jeta dessus.

« Tu trouves ça drôle ? »

reprit-elle en anglais. Il n’allait quand même pas lui faire croire que cette nouvelle lui plaisait ? Qu’il était satisfait de n’être qu’un pion dans les mains de leurs parents ?

« Tu n’en as vraiment rien à faire ? De n’être qu’un jouet dans les mains de nos parents ? N’être qu’un descendant au sang pur permettant d’engendrer une lignée parfaite ? Quand est-ce que tu montreras ne serait-ce qu’un peu de sentiments ?»

Son coeur battait si vite. Elle avait toujours redouté que sa mère ne joue à ça. À la marieuse. Et visiblement, elle avait réussi son coup il y a bien longtemps ! ‘Quel grand nom ce joint à notre famille ! Bientôt nous pourrons célébrer votre union… En attendant, je te laisse fêter cela dignement.’ Fêter ça dignement ! Par Merlin, il fallait qu’elle se trouve une bouteille et quelqu’un avec qui la boire. Il fallait qu’elle fasse la fête pour oublier. Elle avait toujours vécu dans une cage dorée mais la porte lui avait toujours été ouverte. Ce matin, cette lettre odieuse venait de la refermer la grille. La réaction fataliste de Théodore ne faisait que la rendre folle. Elle ne supportait plus d’obéir au doigt et à l’œil. Elle n’était pas faite pour ça ! Sa fierté l’empêchait de pleurer, surtout face à toute l’école, mais à l’intérieur c’était un combat virulent qu’elle menait. Ne jamais montrer ses faiblesses, voilà un enseignement de sang pur qu’elle avait appris. ‘Rend notre famille fière de toi, ma Lumière.’ Lux n’avait pas vraiment le même sens de la famille, du moins, pas la même définition…

Le jus de citrouille était peut-être en trop ? Mais qu’est-ce qu’il pouvait l’énerver à rester autant impassible ! Il venait d’apprendre qu’on le fiançait comme ça, sans aucune raison, autre le fait qu’ils feraient à eux deux de supers petits marmots au sang pur. Ils n’avaient rien choisi. On leur imposait les choses. Ils n’étaient que des petits soldats de plombs qu’on déplaçait sans qu’ils n’aient rien à dire. Quelque part, elle pouvait s’estimer heureuse. C’était lui qui avait été choisi. Au moins, ce n’était pas un vieil elfe tout fripé ou encore quelqu’un qu’elle n’appréciait pas. Enfin, pourquoi trouver des compensations ? Jamais elle n’accepterait une telle situation. Une voix sinueuse vint lui glisser qu’elle n’avait pas le choix. Pourquoi cette voix ressemblait drôlement à celle de sa mère ?

Soudainement, il se redressa après s’être épongé dans tous les sens. Il fallait avouer qu’il n’avait pas fier allure et elle aurait presque rit si elle n’était pas dans une telle colère. Sa main qui tenait encore un mouchoir tremblait. Elle sentait la colère monter en lui et ce n’était pas vraiment bon signe pour la blonde. Il était peut-être temps de lui tourner le dos et de sortir de là… Mais la raison de Lux, bien que plus réactive que sa fierté mal placée ne prit pas le dessus. La Lumière resta planté devant lui le regard toujours aussi sombre. Elle vit alors le bras du jeune homme s’élancer vers son visage. Par instinct elle ferma les yeux mais ne bougea pas pour autant. En une fraction de seconde, elle se dit qu’elle l’avait presque mérité. Presque, seulement. Après tout, il l’avait cherché avec ses petites piques et surtout avec son madame Nott…

Les yeux fermés, elle ne sentit pas la claque pour autant. Elle ouvrit les yeux alors qu’il venait d’attraper délicatement son visage entre ses doigts. La douce caresse de son pouce sur la joue de Lux, la laissa sans réaction apparente. Seuls ses yeux s’étaient glissés dans ceux de Théodore. Il approcha doucement son visage du sien, comme pour resserrer ce lien entre leurs regards. Un silence lourd sembla alors peser. Était-ce l’imagination de Lux ? Pourtant la Serpentard avait bel et bien l’impression que le silence était tombé sur la pièce. Plusieurs regards les fixaient d’une manière curieuse. Surtout face au geste de Théo. Tout le monde avait cru sur le moment que la blonde se serait pris une claque magistrale. Alors ce geste, dénotant une marque d’affection, les avaient (et elle la première) tous surpris. Les doigts du jeune homme filèrent tandis que la Serpentard se reculait doucement le regard plus assagit que quelques minutes auparavant.

Les chuchotements reprirent alors, il était certain que ceux qui avaient assistés à la scène de près était déjà en train de donner leur point de vue sur la situation des deux jeunes gens. Il fallait avouer que même la Lumière était encore sous le choc. Sous le choc de la nouvelle, sous le choc de son geste impulsif vis-à-vis de Théo mais surtout… sous le choc de cette démonstration plus qu’inattendue. Peut-être l’avait-elle piqué au vif. Enfin, ceci était presque certain vu les bornes qu’elle avait dépassées…

Tandis que Théodore reprenait la discussion, tout le monde sembla enfin se détourner d’eux. Que de potins pour bien commencer la semaine, n’est-ce pas ?

« Cela me convient Théo. Je te dis donc à très bientôt. »

Elle avait appuyé sa dernière phrase. Il fallait réellement qu’ils parlent. Pas devant toute la grande salle. Seulement eux. Elle lui lança un signe de tête poli et se détourna. Elle rejeta ses cheveux en arrière et passa fièrement entre les tables qui continuaient d’épiloguer sur la scène qui venait de se jouer devant leurs yeux. De sa démarche chaloupée, elle quitta la pièce. Les doubles portes passées, elle se relâcha soufflant un bon coup. Si elle voulait donner le change devant ses camarades, intérieurement cela n’allait pas du tout. Elle déambula dans les couloirs encore déserts puisque les élèves petit déjeunaient encore. S’appuyant contre un mur dans un couloir désert, la Lumière ferma un instant les yeux. C’était un mauvais rêve.

‘Fermez les yeux et dites-vous que c’est un mauvais rêve. Je fais toujours comme ça.’