23 Février 1997 - 22h30

Justin n'attendit pas très longuement, planté là dans le petit escalier de marbre, qui effectuait le lien entre la Salle Commune des Poufsouffles et les Dortoirs des élèves de la maison de la loyauté. Il avait longuement peiné à refouler ses larmes, qui entravaient partiellement son champ de vision. Enfin, lorsuqu'il y fut parvenu, il extirpa une pièce relativement grosse de sa poche, sur laquelle un cocotier était gravé. Il l'effleura à peine avec l'extrémité fine de sa baguette que celle-ci sifflait faiblement, devenant légèrement rouge, abandonnant son froid métallique. En cette soirée morose, il avait besoin de voir son beau métis, histoire qu'il oublie légèrement le climat éminemment triste et macabre dans lequel il avait été plongé, sans même qu'il s'en rende compte. Enfin, une fois qu'il s'assura que le message ait bien été envoyé à Blaise, quelques dizaines de mètres de là, il rangea à nouveau le dispositif dans sa poche, et se leva.

En réalité, il s'agissait d'une pièce jamaïcaine, base de la monnaie du pays natal de Blaise. Ce dernier la lui avait offerte, alors qu'il songeait à un moyen discret de se prévenir quand l'un avait besoin de l'autre. Aussi, Justin avait pensé à emprunter l'idée ingénieuse de Hermione, qu'elle avait instaurée dans le cadre de l'A.D. Un petit coup sur un Gallion, et tous les membres de l'organisation secrète d'élèves étaient informés de la date et de l'heure de la réunion future, en même pas cinq secondes. Devant le succès fulgurant de ce dispositif, Justin avait décidé de le révolutionner sur les pièce exotiques, comme moyen de prévention d'une rencontre proche, et surtout importante.

Justin traversa la masse compacte d'élèves avec une difficulté immense, zigzaguant entre les reniflements impétueux, les toussotements caverneux ou encore les sanglots qu'on étouffait, une main posée devant le visage déchiré par l'annonce d'une nouvelle triste et regrettée. Il arriva enfin devant le passage, dans lequel il s'introduisit sans qu'aucun élève ne le remarque. D'un côté, ils étaient déjà bien occupés à se consoler, chuchotant les paroles habituelles et clichées d'un deuil douloureux, qu'on ne pourrait oublier.

Justin se trouva enfin dans le couloir désert. Ici, tout semblait calme, presque immuable. Ce long corridor, bien qu'il fut alors bondé quelques dizaines de minutes auparavant, ne semblait pas être affecté par la disparition de Gowan. C'était comme si la rumeur s'était arrêtée à la limite de la pièce allongée, sans qu'elle ne l'infecte. Dans le silence religieux qui pesait encore plus que celui qu'il avait pu traverser dans la Salle Commune, Justin massait ses tempes douloureuses, bouleversées par autant d'émotion.

Puis, sans réellement comprendre pourquoi ni comment, il éclata en sanglot, s'effondrant sur le sol froid et poussiéreux, laissant ses sanglots se répéter en un écho fuyant dans le labyrinthe immense et confus de Poudlard. Des larmes, au goût salé, coulaient sur ses joues légèrement rondes, laissant derrière elles leur trace humide et brillante. Toussant, tremblant, recroquevillé à même le sol, Justin cherchait vainement à retrouver sa respiration, contractant intensivement son diaphragme, comme s'il étouffait sous la pression obsessionnelle d'une force surnaturelle, invisible et impérieuse.

Ainsi absorbé par le malaise qui déchirait tout son corps, Justin ne remarqua pas le bruit de pas qui s'approchait de lui ...