Le poignet commençait à lui faire mal. La plume n'est pas le meilleur accessoire d'écriture existant sur cette terre, pourtant, il la serrait comme jamais. Il avait fait une découverte essentielle pour sa potion dans l'après-midi, et il fallait absolument consigner tout cela par écrit, noter les process, les protocoles et propriétés magiques de ce nouvel ingrédient. Il misait énormément sur cette potion en matière de survie. Albus le poussait énormément dans ses recherches, tout comme Sofia. Sofia...

Sa tête commençait à le faire souffrir. Il restait trop souvent seul et enfermé ces temps-ci. Un profond soupir s'échappa du professeur, et il se remit à l'ouvrage pour oublier ses malheurs amoureux. Depuis qu'il avait voulu se confier à elle sur ses sentiments et qu'elle l'avait repoussé, un climat étrange s'était installé entre eux. Il ressentait autant d'amour pour elle, mais il s'était résigné à souffrir en silence. De fait, leurs entrevues s'étaient espacées. Il y avait eu pas mal d'évènements qui avaient jalonné le dernier mois. Il ne s'en était pas plaint. A vrai dire, il traversait cette période difficilement. Elle lui manquait et quand il la voyait, il se sentait oppressé par les mots qu'il retenait. Cette douleur ne parvenait pas à passer. Il la ressentait même lorsqu'il lui écrivait. Il se sentait désemparé. Il n'en avait parlé à personne et de toute façon il ne savait pas même pas à qui le faire. Jamais il ne se serait tourné vers Albus pour cela. Alors que faire?

Sa plume continuait à gratter le papier. Occuper les mains pour distraire l'esprit. Il commençait à peiner lorsqu'il entendit du bruit dans la cheminée. Caractéristique.

Il n'y avait que deux personnes pouvant débarquer comme ça dans sa cheminée: le vieux barbu ou la jolie brune. Le silence était recherché, ce n'était donc pas Albus. Il fit mine de terminer son travail et dans l'instant deux bras l'enlacèrent. Le contact l'électrisa. C'était toujours la même chose quand elle le touchait. Que dire de son baiser dans le cou et de son bonsoir... Quand les choses commençaient de cette manière... Elle avait généralement quelque chose à lui demander.

Instinctivement il se recula et elle vint s'installer sur ses genoux. Sofia n'était pas particulièrement petite. Lorsqu'elle s'asseyait de la sorte, il avait une vue imprenable sur... Mais il n'eut pas le temps de lui faire une remarque, elle lui scella les lèvres par un baiser. Un mois quasiment sans la voir, c'était trop. En plus elle prenait des initiatives, ce qui n'était pas forcément son habitude... Il se laissa embarquer et céda à ses sens avant de réussir à murmurer un timide:

- Tu m'as manqué.

Il se releva en et l'assit sur la table tout en continuant à l'embrasser... Lorsqu'il brisa le contact, son regard fut inévitablement attiré par le décolleté de Sofia. Impossible pour lui de relever les yeux. Il réussit au bout de quelques secondes, plongea dans le regard bleu de Sofia avant de redescendre plus bas. La surprise était totale devant ce changement brutal. Et ce n'était pas que le pull qui faisait ça. Sentant une légère tension monter entre eux, il retourna s'occuper de ses lèvres, et prit la décision de toucher la nouveauté du doigt... Une main glissa sous le fameux pull rouge et se heurta au ventre de Sofia qui ne semblait pas à sa place. "Tiens, elle a pris du poids..." Mais elle était surtout magnifique. Elle aurait pu prendre dix kilos en mois qu'il l'aurait toujours trouvé belle.

En remontant, son impression se confirma. Lorsque ses doigts frôlèrent sa lingerie, il ressentit de la stupéfaction... Le tissu était fin et totalement inhabituel...

Jamais jusqu'à présent il n'avait eu la chance de la voir porter soutien-gorge sans rembourrage, mais le plus surprenant, c'était qu'en plus il était bien rempli, et même plus que bien rempli. A la fois surpris et aguiché, il réussit à s'écarter d'elle pour lui poser une question, sans pour autant lâcher sa prise.

- Tu as acheté une potion?

HJ: Je suis désolé c'est nul... j'essaierai de faire mieux la prochaine fois.

(HJ: en espérant que ce sera mieux que précédemment)

A mesure que Sofia avançait ses mots, ses yeux s'écartèrent affichant par là un fort contraste avec son habituel visage énigmatique. Impossible d'en croire ses oreilles. Comment pouvait-elle rejeter sur lui une quelconque responsabilité? Quand même, lui ne se reprocherait jamais la moindre faute dans ce qui lui arrivait. Après tout, trente-quatre ans, c'était un âge tout à fait normal pour quelques changements...

L'index de sa seconde main soutint le menton de Sofia et il releva sa tête pour l'embrasser à nouveau. Il mit beaucoup de tendresse dans ce baiser, de quoi la rassurer. Symboliquement du moins. Ses lèvres jouaient avec celles de Sofia, gentiment au début, puis de manière plus entreprenante.

De fait, sa main remonta directement sur le sein de Sofia et l'autre commença à faire remonter son pull rouge pour lui lui ôter au plus vite. Le tissu fila lentement sur la beau laiteuse de la jolie brune et dévoila son buste. Il n'eut pas le temps de tomber au sol que la bouche de Severus entama un long périple pour rencontrer les nouveaux attraits de sa belle. Il se donna à sa tache en mettant beaucoup de cœur à l'ouvrage. La vision de cette poitrine généreuse l'enthousiasma. Quelque part il ne pouvait s'empêcher qu'une aura différente semblait se dégager de Sofia. Malgré tout, il ne savait pas quel mot mettre dessus, et il était bien trop occupé à l'instant pour s'embrouiller l'esprit avec une affaire de mots.

Une chose le tracassait pourtant. Il lui avait dit une vacherie et elle ne s'était pas emportée. A vrai dire, elle n'avait même pas répliqué et ça le perturbé. Qu'est-ce qu'il pouvait bien en avoir à faire qu'elle ait pris du poids? Il s'en fichait autant que de son premier stupéfix! Il décida de la relancer sur le sujet pour en avoir le cœur net. Il y avait quand même des choses qu'il ne pouvait pas laisser passer.

Il descendit sa course vers son ventre, dernière étape avant d'entamer les choses sérieuses, mais ce ventre l'interpela quand même. Pour avoir pris de la graisse, il le trouva quand même bien ferme et tendu. Il l'embrassa et en testa la résistance en se disant qu'elle était très jolie comme ça et que ce n'était peut-être pas une bonne idée de la mettre dans de mauvaises grâces vu qu'il avait presque atteint une partie très intéressante de son anatomie. Mais on ne se refait pas.

- Tu sais, ce n'est pas moi qui insiste pour manger des des restaurants moldus pour échapper aux regards indiscrets de la communauté.

Il se releva pour lui faire face et reprit la parole avant qu'elle puisse répondre.

- J'ai bien compris ce que tu voulais dire, oui. Et si tu avais voulu une potion pour faire brûler les graisses, tu n'avais qu'à être attentive en cours en 6ème année... Enfin, je dois avoir ça quelque part dans mes réserves.

Comment était-ce possible? aurait-il voulu dire. Mais aucun son n'arrivait à sortir de sa bouche. Les mots de Sofia avaient provoqué une décharge électrique en lui, paralysant à la fois ses muscles et ses sens. Il ne reprit le contrôle de son corps qu'au bout d'un temps infini.

Il recula d'un pas, interdit, laissant les secondes profiter de son état de choc et ainsi l'enfoncer dans sa stupidité. Car il était bel et bien stupide et lucide sur son état.

Comment avait-il pu être aussi bête? Son regard ne pouvait à présent plus se détacher du ventre de Sofia. Il était juste arrondi et tendu ce ventre. Elle n'avait pas pris un gramme ailleurs. Elle se cachait toujours sous des robes de sorciers très larges lors des réunions. Et elle devait être transie de peur à l'idée... Et cette idée le dégoûtait.

Comment faisait-elle pour le supporter? Le regarder de cette manière alors qu'il venait de gâcher sa vie avec cette, cette chose qui polluait son ventre? "Vraiment Sofia... Je suis désolé." Il avait envie de le hurler, de se jeter à ses pieds, de lui dire qu'il pourrait l'aider à avorter pour qu'elle ne soit pas souillée... Mais rien ne pouvait sortir. Rien ne voulait revenir à la normale au moment où ils auraient dû faire l'amour pour quasiment la première fois depuis un mois et se réveiller au matin enlacés.

Il recula encore d'un pas.

Comment pouvait-il lui avoir fait ça? Lui refiler un bout de son ADN c'était la contaminer avec les gènes Snape. Un gosse qui serait froid, solitaire, détesté des autres. Et lui, que serait-il? Un Tobbias bis bien entendu. Il ne supportait pas les enfants, déjà, pas ceux des autres. Comment pourrait-il supporter le sien? Qu'est-ce qui l'empêcherait de faire comme Tobbias? Que se passerait-il s'il devenait violent lui aussi? Si Sofia lui en voulait? Si elle le quittait? Et puis encore, que se passerait-il si cet enfant était une déception académique pour lui? Réparti à Poufsouffle? Un O'Neil ou un Longdubat bis? Ce n'était pas possible, il ne pouvait pas gérer ça.

Comment pourrait-ils faire? Élever un enfant dans une guerre... Ce n'était pas raisonnable, surtout au vu de leurs positions à tous les deux.

Un pas en arrière de plus et il s'écroula dans un fauteuil.

Que pouvait-il répondre à cela? Il enfouit sa tête dans ses mains et se laissa totalement submerger par le flot de ses pensées, enfouissant ses doigts dans les cheveux qui cachaient ses yeux. Totalement incapable de réagir de manière rationnelle, il ne pouvait pas répondre. Incapable de penser de manière rationnelle, il ne pouvait pas la regarder. Étrangement, son état symbolisait parfaitement l'adjectif dont il voulait se qualifier: incapable. A tel point qu'il était incapable de lui demander pardon...

Mais cette fois il ne pouvait plus reculer.

- Non... Enfin... Non!

Snape se leva brutalement.

C'était plus qu'il ne pouvait supporter.

Des pensées cohérentes arrivaient à se dessiner lentement dans son esprit. Mais il ne valait mieux qu'elles ne sortent telles quelles sous peine de faire du mal.

Il en avait déjà assez fait.

Ses pas se transformèrent en foulées. La porte n'arrivait pas assez vite, avant de la franchir il saisit une cape. Il ne s'arrêta de courir que lorsqu'il atteignit la Forêt Interdite.

Là il se laissa glisser le long d'un tronc plus que centenaire et il tenta de faire entrer une grande bouffée d'air dans ses poumons. Depuis cette révélation il avait l'impression d'être en apnée. Il était hors d'haleine, avait couru à se brûler la trachée avec l'air glacial des extérieurs. Mais c'était comme s'il était anesthésié. Il ne sentait rien. Mais il ressentait tellement! A force d'insister la douleur vint. A chaque inspiration il la ressentait de plus en plus.

La neige commençait à traverser l'épais feuillage de la forêt. Il allait attraper la mort. Mais qu'importe? La terre serait finalement débarrassée de ce fléau qui en plus était apparemment à même de se reproduire.

Il s'enroula dans sa cape et resta là, immobile, à réfléchir. Comment avait-elle pu lui voler ce moment? Depuis qu'il l'attendait, il avait fallu cette révélation stupide pour qu'elle le lui confesse. C'était pour quoi? Un mensonge pour faire passer la potion? Ces questions tournaient en boucle dans sa tête. Il allait devenir fou. Il prit sa tête entre ses mains et fut incapable de bouger de là pendant trois heures. Lorsqu'il consentit à se lever, son corps ne lui obéit pas immédiatement. Ses muscles étaient pétrifiés. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il se rendit compte de son état physique. Le froid l'avait pris jusqu'aux os. Ses vêtements étaient trempés.

Il ne pouvait pas revenir en arrière. La peur de trouver Sofia? Non, c'était plus fort que lui. Il ne pouvait pas. La peur de croiser Albus? C'était hors de question. Il lui fallait du calme, du silence.

Lorsqu'il parvint à se redresser, il marcha difficilement vers les grilles du château. Il voulait transplanner pour compléter sa fuite. Il n'avait plus beaucoup de forces mais réussit quand même à atteindre son but sans se faire désartibuler. Encore engourdi, il s'en rendit compte lorsque 'il put s'appuyer contre un mur de briques rouges. La porte d'entrée n'était plus loin. Quelle ironie de se retrouver dans ce lieu sordide pour réfléchir sur le tournant que venait de prendre sa vie...Cette maison délabrée où il avait subi un sens particulier du mot "père". Ce "père" qui avait tué sa mère. Ce père qui avait tué le petit garçon qu'il avait été. Ce père qui avait tué ses espoirs. Comment aurait-il pu croire qu'il était capable d'être meilleur? C'était impossible.

Il resta trois jours à réfléchir et à boire. Albus n'était pas venu le chercher. Qui aurait pu croire que le professeur Snape pût être malade trois jours durant? Mais il était toujours seul. Le calme l'avait regagné. L'alcool avait-il anesthésié sa colère? Le jeudi soir il se leva. Sa décision était prise.

Il transplanna directement devant chez Sofia. Il entra sans cérémonie et la retrouva dans son salon, assise sur le canapé où il avait essayé de lui avouer son amour et où il s'était fait rabrouer. Il dut prendre une longue inspiration pour pouvoir s'exprimer de manière calme et posée. Cette fois l'air était chaud, presque bienveillant. LA cheminée y était certainement pour beaucoup, beaucoup plus que Sofia qui apparemment avait l'air furieux.

- Comment as-tu pu me dire ça comme ça? Quand j'ai essayé de te le dire cent fois... Pourquoi à ce moment là?

Sa joue brûlait et piquait en même temps. Le coup porté l'avait atteint physiquement et moralement. Il ne savait pas exactement où ça faisait le plus mal. Jamais dans sa vie il n'avait été libre. Sa fuite n'était qu'une réaction de protection. Il y avait tellement de choses qui l'effrayaient dans cette relation. Et l'arrivée d'un enfant - qu'il n'acceptait toujours pas par rapport aux risques qui lui étaient liés - finissait de l'attacher complètement et l'enfermait à nouveau... Il ne savait plus du tout comment réagir. Il était heureux que Sofia partage ses sentiments, mais que se passerait-il ensuite?

L'alcool avait été censé lui donner du courage pour aller la voir, le désinhiber, lui ôter toute agressivité. Il fallait bien admettre que c'était raté. Un instant il pensa s'excuser de sa conduite. Un instant. Bref. Juste le temps que sa culpabilité s'efface lorsqu'elle le prit dans ses bras.

Il la serra contre lui et sentit le ventre de Sofia appuyer sur le sien plus que d'habitude.

C'est à ce moment qu'il ressentit totalement la réalité de la situation. Comment lui dire? Il cherchait ses mots mais rien de voulait venir. L'air était lourd, chargé d'émotions refoulées, contrôlées avec peine. Comment engager le sujet? Il avait besoin d'encouragements avant de se prêter au jeu des confessions. Lentement il se pencha vers elle, prit son visage entre ses mains et lui murmura ses mots d'amours, ceux qu'il avait trop longtemps retenues. Il s'achevèrent en un baiser passionné. Puis il les lui dit à nouveau, comme si les répéter à l'infini pouvait rattraper tout le temps qui s'était écoulé depuis le "non" qu'elle avait opposé.

- Si tu savais à quel point je t'aime...

Un long soupir s'échappa.

Lentement il l'entraîna vers le canapé. C'était le bon moment.

- Sofia. Je ne peux pas être père. Les choses commençaient mal. ce n'était peut-être pas ça qui aurait dû sortir en premier. Je ne sais pas trop comment dire ça. Laisse-moi aller jusqu'au bout. Je t'en prie.

Il lui raconta tout. Sa mère, Eileen Prince, son père, Tobias, leur connexion, la tendresse de l'un, la brutalité de l'autre. Il lui raconta tout par le menu détail. Les exactions qu'il avait subies, la violence envers sa mère, la libération qu'avait été Poudlard, l'échec de sa relation avec Lily qui avait été sa meilleure amie. Les horreurs qu'il lui avait dites, le mal qu'il lui avait fait, d'après lui du moins.

Tout y passa, faisant écho à leur premier rendez-vous, à ce qu'il avait refusé de lui confier sur son engagement auprès du Maître. A leur rencontre chez lui, peu après la conception de leur enfant, où elle avait vu les deux photos dans ses appartements. La boucle était à présent bouclée pour Severus. Elle était à même de comprendre sa peur. Elle était à même de le quitter, de faire le meilleur choix pour elle, pour le bébé si elle voulait quand même le garder...

- Voilà. Voilà pourquoi tu peux comprendre que je n'ai rien d'un père... Je t'ai fait ça, j'ai commis une erreur de plus dans ma vie... Tu vas sans doute me détester.

Patiemment il l'écouta. Elle développa ses arguments avec force de conviction et surtout habileté. C'était à peu près les mêmes phrases qu'Albus lui disait à chaque fois qu'il atteignait le fond moralement. Avec Albus ça ne passait pas. Il fallait dire aussi qu'il lui manquait un argument de poids dans le ventre pour rendre tout cela crédible. Ce bébé dans son ventre, c'était... C'était... il ne savait pas encore ce que c'était. C'était difficile pour quelqu'un lui de ne pas savoir.

Il ne savait pas comment réagir.

Le fait que Sofia ne soit pas en colère contre lui à cause de ce bébé, qu'elle l'accepte et qu'elle refuse d'en parler comme d'un accident changeait sa perception des choses sans pour autant lui laisser d'indices pour savoir que penser. Elle en parlait librement. Elle utilisait le mot "famille" d'une manière si facile... Cette notion lui était tellement étrangère qu'il n'arrivait pas à se la composer dans son esprit. Visiblement Sofia se projetait déjà comme mère.

- Je...

Il lui avait parlé de Lily pour qu'enfin elle sache toute la vérité sur lui. Pas pour autre chose. En effet il était plus que temps en effet de laisser les ombres derrière. Elle avait parfaitement raison. Sauf que pour sa part il l'avait déjà fait et il ne savait pas comment le lui dire maintenant, surtout qu'elle ne l'avait pas remarqué la dernière fois qu'elle était venue chez lui. Volontairement il avait laissé cette part de son histoire derrière lui parce qu'il lui en coûtait de se trouver dans une position de jalousie et de souffrance sans bornes alors qu'il pouvait provoquer les mêmes émotions chez Sofia. C'était peu de temps après qu'elle lui eût interdit de proférer le moindre mot d'amour à son égard. Il avait pris la décision, l'avait mûrie, et s'était lancé. ça avait été dur de mettre Lily dans un carton. Très dur. Mais à présent il pouvait regarder devant et se dire que si son histoire ne marchait pas, ce ne serait pas à cause des fantômes de son passé.

Il ne le lui dirait pas. Le lendemain il remettrait la photo de Lily sur l'étagère pour lui donner l'impression qu'ils avaient franchi un pas ensemble.

- Nous le ferons, c'est entendu.

Qui sait comment elle aurait pu prendre la nouvelle si elle l'avait su? On raconte tellement de choses sur les femmes enceintes. Et s'il y avait un domaine dans lequel il n'avait quasiment aucune connaissances, c'était bien celui-là. Les femmes c'était déjà compliqué, mais alors enceintes... Il se risqua à ramener la conversation au bébé, même s'il n'était toujours pas pleinement convaincu de ses capacités à aimer ce petit être.

- Mais... depuis combien de temps le sais-tu?

Quatre mois... C'était tellement énorme. Tout se temps passé à placer sa vie en danger auprès des pires créatures, à douter de la nécessité de sa survie pour apprendre que l'ordre de ses priorités aurait pu changer du tout au tout avec cette nouvelle... Quatre mois à angoisser de la réalité de sa relation avec Sofia, à souffrir des pires idées à son propos, à ne la voir qu'en pointillé. Alors que cette vérité était là dans son ventre. Comment il aurait réagi plus tôt il n'aurait pas pu dire tant là chose qu'il désirait le plus était finalement qu'elle lui prouve la réciprocité de ses sentiments. Et pourtant l'acceptation de cet enfant aurait été la meilleure des réponses sans doute. Mais la confusion des émotions qui régnaient dans sa tête depuis trois jours l'emportait sur toute sorte de réflexion.

Sa main était toujours au contact du ventre de Sofia. Il ne pouvait toujours pas qualifier ce contact avec précision. Étrange aurait pu convenir, mais il contre-balançait cette sensation de douceur qui en émanait. Severus était totalement perdu depuis quelques jours. Et il ne pouvait toujours pas dire qu'il acceptait la nouvelle avec bienveillance. Dire qu'il l'acceptait était déjà un grand pas pour lui.

Son seul point fixe restait Sofia.

- Je le conçois aisément...

Et elle lui manquait. Pour se faire presque pardonner des lourdeurs de ces derniers temps, il se pencha vers elle et scella leurs lèvres dans un chaste baiser. Parce qu'elle lui manquait, parce qu'il n'osait pas imaginer ce qu'elle avait pu vivre toute seule pendant cette période, parce qu'il n'imaginait pas sa vie sans elle, il mit toute la passion dont il était capable dans ce baiser. "Je suis désolé" ne voulait toujours pas venir, alors il remplaça les mots par des gestes. En quelques instants ils furent allongés, soumis l'un à l'autre dans une bataille des sens et des émotions trop longtemps contenues.

Il l'embrassa à perdre raison, même s'il ne l'embrassait qu'elle, pour se faire pardonner. En aucun cas il était question du bébé, mais d'eux. La tension sexuelle devait de plus en plus grande, jusqu'à ce que ses mains ne découvrent les seins de Sofia. Il marqua un temps d'arrêt et les contempla. Leur peau était tendue et ferme. Elle avait au moins pris deux tailles. Deux véritables promesses s'offraient à lui et il mourait d'envie d'en profiter là, de suite. En même temps, savoir qu'un petit être serait bientôt pendu à ces mamelons pour vivre et grandir l'arrêta. Il allait devoir partager cette partie de l'anatomie de la femme qu'il aimait avec un petit être. Un bout de lui. La pensée était gênante et en même temps terriblement flatteuse. Alors plutôt que laisser le désir l'emporter, il laissa éclater une sensualité rarement atteinte pour se plonger dans une séance de caresses flatteuses sur cette peau diaphane, parfois rejointes par quelques baisers. Quelque part il se trouvait apaisé.

- Quatre mois. Tu dois donc savoir si c'est un "il" ou une "elle"?.

Pourquoi vouloir parler maintenant?

C'était un supplice que de devoir réfréner ses ardeurs. Ces retrouvailles physiques avaient été l'objet d'une réflexion intense pour lui. Pendant sa courte retraite il n'avait eu de cesse de réfléchir encore et toujours. Il avait voulu disparaître de la vie de Sofia. La laisser libre de décider pour le bébé, libre de récupérer sa vie. Mais à chaque fois qu'il l'imaginait s'éloigner remontaient à sa mémoire des sensations. Il ne s'agissait pas de souvenirs mais réellement des sensations. Les mêmes qu'il venait d'éprouver et qui éveillaient tous ses sens comme de la braise. La douceur de sa peu contre la sienne. Ses baisers qui savaient éveiller le feu en lui. La ligne délicate de son cou. Ses seins qui emplissaient ses mains. Ses mains qui ne tardaient jamais à descendre...

Il soupira et rajusta sa position pour finalement s'asseoir convenablement. Mais la tension n'était pas retombée. Il fallut que les mots s'ajustent et sonnent entre eux pour qu'il arrive à se figurer dans l'esprit l'image du Maître... Le regard rouge le fixait, toujours à essayer de lire et de déchiffrer son esprit. C'était un miracle jusque là qu'il arrive à tromper sa vigilance. Il ne pourrait pas renouveler cet exploit indéfiniment. Sofia avait raison. Il fallait prendre des décisions rapidement.

Comment avait-il pu devenir aussi laxiste? Pourquoi ce désir de chair était-il devenu si prégnant? La question le taraudait. Il ne trouva qu'une seule réponse, qu'il avait fait le deuil de sa jeunesse et des années perdues dans le souvenir d'une morte. C'est souvent que la mort réveille le désir. La prise de conscience de cette mort et de la brièveté de la vie laissait monter une rage sourde, une envie furieuse de vivre et de rattraper le temps perdu.

- Severus?

- Oui... Tu as raison.

Il leva les yeux vers elle et la fixa intensément. Elle avait vraiment raison. Il y en allait de la survie de leur enfant et aussi de la leur.

- La première et la plus importante de toutes... Il me semble que nous devrions tout révéler de notre relation au Maître. Je suis bien en cour. Tant que je conserve ce statut de proche, tu seras en sécurité et le bébé aussi. Bellatrix et les Malfoy n'oseront rien tenter tant que le Seigneur des Ténèbres nous offrira sa confiance. J'en suis persuadé. Nous ne pourrons rien cacher de son esprit plus longtemps. Moi en tous cas. Mes sentiments deviennent trop forts et puissants pour les conserver hors de portée de son esprit. Je vais être découvert, et si je ne lui dis rien, il va croire que ce secret est lié à tout autre chose, ce qui est vrai... Et ce bébé ne verra pas le jour pour que je puisse l'appeler mon fils.

Il n'avait pas posé la question mais il attendait son avis. Tout pensée de luxure s'était évaporée. Severus avait retrouvé sa concentration légendaire, celle qui lui avait valu de survivre jusqu'à aujourd'hui. C'était ce sentiment, ce volonté de vivre et de survivre qu'il avait envie de transmettre à son fils. Vivre pour ses idées. Son fils. Il arrivait sans problème à se figurer ces paroles dans sa tête. Il finit même par en sourire en attendant que Sofia ne réponde.

- Je ne crois pas que nous puissions avoir le luxe du choix. Le Maître a besoin de moi et de mon travail d'espion. Tant que je le satisferai, il ne nous arrivera rien. La seule chose qu'il te faut maîtriser, c'est justement cette peur. Si nous lui disons tout et qu'il ressent cette émotion...

Il n'eut pas besoin de dire la suite. Elle était froide et absolue. L'estomac de Nagini ou le sol du manoir Malfoy, le regard fixe et absent. La pensée de la mort le poussa à se rapprocher de Sofia. Il avait toujours eu la mort à l'esprit pendant ses longues années de purgatoire, la considérant tantôt comme une libération, tantôt comme une juste punition. Elle avait toujours un rôle à jouer. Un rôle de jugement attendu et il s'en moquait presque. Personne ne l'attendait et inversement. Seuls les morts l'attendaient, narquois ou furieux en grande majorité.

Mais à présent qu'il recevait de l'amour et de l'attention, maintenant qu'il avait appris à donner les sentiments qui bouillaient en lui et qu'il les maîtrisaient, ce n'était plus la même histoire. Ce n'était plus le même homme et ses visées en ce monde non plus. Mais ce qui le dérangeait le plus, c'était ses préoccupations,

Il la prit dans ses bras et maintint la position pendant un moment, la serrant fort.

Que cela faisait-il de ne pas pouvoir lever les paupières pour lire les yeux de l'autre? Y aurait-il du chagrin? De l'amertume? Voir s'il ou elle allait s'en sortir? Vivraient-ils dans un monde aux idées décentes ou est-ce que tout cela n'aurait servi à rien? Ces interrogations le faisaient vaciller. Et si c'était lui qui restait au final? Pourrait-il supporter de perdre une seconde femme dans sa vie? Et s'il restait seul avec son fils... serait-il le père abusif que Tobias avait été pour lui? Il régnait un véritable chaos dans sa tête, les mots se mêlaient aux émotions et provoquaient des gestes de tendresse sur Sofia. Elle penserait sans doute que c'était pour la réconforter mais en vérité ils n'étaient que pour lui quand soudain une idée claire germa dans son esprit.

- Je devrais demander au maître que tu t'installes à Poudlard. Tu vas te mettre en retrait de nos activités auprès du Maître. Au château tu seras protégée, le bébé pourra naître paisiblement. Les protections de Poudlard sont fortes et très difficiles à pénétrer.

Elle pourrait continuer à travailler, pourquoi pas à la bibliothèque? Cette solution ouvrait tout un tas de possibilités. Et si cela ne suffisait pas il y avait toujours le cottage des Weasley au bord de la Mer... Et le Manoir des Prince en france, même si ce territoire était bien moins sûr. Ils trouveraient des solutions tant ils étaient tous deux animés du même instinct de survie.

- Qu'en penses-tu? Tu es bien silencieuse?

Machinalement ses mains descendirent à nouveau sur le ventre de Sofia, pensant à tous les aménagements qui seraient à faire à Poudlard pour la venue de ce petit bonhomme. Petit bonhomme, ça sonnait bien comme surnom. En même temps, si cela revenait aux oreilles des élèves, le grand Severus Snape perdrait en crédibilité... et cette pensée lui arracha un mince sourire.

La tension était perceptible. Sofia se retenait avec peine. Le sujet était sensible et ils auraient dû l'aborder beaucoup plus tôt que ça. Mais la nouvelle avait été dure à avaler pour les deux protagonistes. C'était évident pour Severus qui ne s'était jamais projeté en tant que père. Mais ça l'avait été sûrement pour Sofia aussi. Il le sentait. Même s'il n'arrivait pas à en trouver les conséquences ou l'ampleur des dégâts que cette nouvelle avait pu provoquer sur elle. Elle avait quand même mis un moment à lui en parler... et qui sait ce qui lui était passé par la tête. Ce premier indice lui fit l'effet d'un couteau planté dans le ventre.

Il aurait voulu savoir avant, s'en douter, l'accompagner dans toutes les décisions qu'elle avait pu prendre. Ce n'était pas ça normalement de former un couple? Supporter l'autre, l'accompagner dans ses doutes, ses problèmes, lui apporter tout son soutien. Il avait échoué à ça. Il n'avait rien remarqué de son état ou de son trouble. D'accord ils ne se voyaient pas tous les jours. D'accord ils avaient même passé une longue période l'un sans l'autre. Mais quand même, à cause de sa négligence ou plutôt de son obsession à servir les deux côtés de la cause, il en avait oublié d'ouvrir les yeux sur cette femme merveilleuse que la vie lui avait donnée. Et aujourd'hui il en était réduit à constater que son fils était considéré comme un accident et qu'il serait toujours considéré comme tel. Inutile de s'en ouvrir à Sofia. Ce n'était pas le moment.

- Personne ne te demande de vendre ta boutique ou de la laisser tomber... Même s'il en mourait d'envie pour une simple question de sécurité. Cette boutique c'est ta passion, toute ta vie...

Le Chemin de Traverse ne tarderait pas à être un lieu à risque et le statut de mangemort de Sofia ne suffirait pas à la protéger de la furie destructrice de certains collègues. Des rumeurs couraient sur les commerçants, et notamment sur Ollivander. Un plan était en train de s’échafauder dans l'esprit du Lord Noir à propos du vieil homme. Impossible de savoir pourquoi il s'intéressait tellement à lui. Certes c'était une arme d'avoir un fabricant de baguette dans ses rangs. Mais il avait un tel stock dans sa boutique... piller l'échoppe pourrait être suffisant! Et Albus qui semblait tout comprendre et qui ne disait rien! Severus aurait même pu parier qu'il avait été au courant pour l'existence de son enfant avant lui-même... Qu'est-ce qu'il pouvait être agaçant celui-là!

Il arrêta là sa pensée, choqué. Albus... Il eut un pincement au cœur. Albus... Les yeux perdus dans le vague

- Albus... Il faut que je te dise quelque chose sur lui... Il va falloir qu'on lui dise pour ce bébé. Je pense qu'avec son fond de midinette contrariée il en sera heureux. Tu sais...

Il s'approcha à nouveau de Sofia. Il avait besoin d'elle physiquement, de la sentir contre lui comme si leurs corps pouvaient se fondre pour affronter ensemble toutes les tempêtes et les douleurs. Il ne pourrait pas cacher longtemps à Sofia la disparition future de son mentor.

Voilà, elle l'avait dit et maintenant elle se sentait comme une idiote égoïste. Mais au moins, elle était parfaitement honnête et il était largement temps pour cela. Elle savait qu'elle avait trop tardé et que toutes ces descisions n'auraient pas du être prise dans l'urgence en une seule soirée mais ils n'avaient plus le choix. La jeune femme fut soulagée d'entendre Severus accepter sa demande alors qu'elle-même savait que ce n'était pas la bonne chose à faire. Et qu'elle pouvait entendre dans sa voix son propre doute sur la question. Le Chemin de Traverse finirait par devenir un lieu dangereux, elle le savait aussi bien que lui et peut-être même mieux puisqu'elle y passait tout son temps. De toutes parts, elle se retrouvait au coeur de l'intrigue : Mangemort, Ordre du Phénix, commerçante.. Sorcière au sang pur. Elle était liée à toute cette histoire.

Elle se sentait emprisonnée. Impossible d'échapper à ce qui se jouait en ce moment dans la société, aussi discret cela soit-il encore. Les problèmes l'encerclaient de toute part et nul part elle ne pourrait y échapper. Même rester enfermée à Poudlard ne lui semblait pas aussi sécurisant que cela. Oh bien sûr, comme tout le monde elle savait que c'était l'endroit le plus sécurisé du pays mais pour combien de temps ? Elle avait Dumbledore assez souvent ces derniers jours, pour qu'il l'aide à dépasser sa crainte et à parler à Severus. Il lui semblait de plus en plus faible chaque jour, plus facile à atteindre, à toucher. Et sans lui, comment l'école pourrait rester le lieu le mieux gardé de Grande-Bretagne ?

Semblant lire dans ses pensées, Severus reprit la parole, lâchant à voix haute le prénom du vieux sorcier qui occupait l'esprit de la jeune femme. Sofia releva les yeux, paniquée. Est-ce qu'il venait de pénétrer son esprit sans qu'elle ne le remarque ? Si c'était le cas, cela signifiait que le Seigneur des Ténèbres y parviendrait sans mal et qu'il découvrirait tout sans qu'elle ne s'en aperçoive. Ces pensées-là, il ne sembla pas les lire car il continua sur sa lancée, parvenant à peine à finir ses phrases, si ce n'est celle où il disait qu'il fallait lui dire pour le bébé. De nouveau, Sofia se sentit mal à l'aise, gênée. Comment prendrait-il la nouvelle ? Albus savait tout depuis le début ou presque, et pas seulement parce qu'il s'avérait très perspicace mais aussi parce qu'elle lui avait tout dit à lui avant de le dire au père. La jeune femme inspira profondément et baissa les yeux, fuyant le regard qui s'assombrirait sans doute sous la décéption dans quelques secondes. Mais puisqu'ils abordaient le sujet, elle se devait bien de jouer cartes sur table.

« Je lui ai déjà tout dit... Il fait parti des premiers à l'avoir su... Tu sais comment il est, et avec ses yeux je... J'avais peur. Excuse-moi. »

Etait-il aussi temps de lui parler de l'homme du Ministère à qui elle avait annoncé la nouvelle quelques temps seulement après avoir appris qu'elle était enceinte ? Sans doute pas, du moins pas s'il ne posait pas directement la question. Elle oublia cela pour l'instant et reporta son attention sur lui. La comparaison qu'il fit de Dumbledore la fit sourire. Il avait tellement raison, le vieil homme s'était montré très heureux d'apprendre qu'un enfant viendrait bientôt au monde, en particulier celui de Severus. Il ne semblait pas se rendre compte de l'enfer dans lequel naitrait le petit.

« Il était ravi, en effet... »

Cependant, Severus suspendit sa phrase à nouveau pour s'approcher d'elle et la serrer contre lui. Elle en fut légèrement surprise. Pourquoi ne continuait-il pas tout simplement ? Qu'aurait-elle du savoir qui avait tant de mal à être dit. Elle serra Severus contre elle un moment puis l'attrapa par les épaules et le détacha doucement pour voir son visage.

« Je sais quoi ? »