Lentement, Daphné inspira, faisant entrer le plus d'air possible dans ses poumons. Puis, elle ouvrit les yeux et expira tout aussi lentement. Elle garda un instant les yeux fixés sur le tableau noir sur lequel était inscrit à la craie plusieurs dates d'une quelconque guerre contre un quelconque clan, ce n'était pas un cours d'Histoire de la Magie de sixième année elle n'en avait donc pas la moindre idée et surtout rien à faire. Elle serra le poing, froissant le morceau de parchemin à l'intérieur et se saisit de sa baguette de sa main libre, pointant le morceau de bois vers l'une des nombreuses chaises vides de la pièce. Un « Expelliarmus ! » bien senti fit valdinguer le mobilier contre un mur, le brisant en plusieurs morceaux. C'était toujours mieux que d'utiliser la violence contre quelqu'un d'autre, cela ne faisait de mal à personne et pourrait être réparé d'un simple sort. De plus, étant seule dans la salle de classe, elle n'avait personne sous la main pour passer ses nerfs dessus alors...

Cette journée semblait faite pour l'achever. C'était l'un de ces jours où l'on aurait mieux fait de rester coucher mais qu'on le découvre alors qu'il est déjà trop tard. Oh non, elle n'avait pas eu de mauvais pressentiment en ouvrant les yeux au matin, pourquoi en aurait-elle eu un ? C'était la dernière journée avant qu'elle ne passe sa première Saint Valentin avec Drago, il ne faisait même pas spécialement moche pour une matinée de Février mais tout était aller de mal en pis au cours de la journée.

Une jupe trempée au petit déjeuner par le jus de citrouille d'un premier année qui ne regarde pas où il marche, une plante qui l'attaque au cours de Botanique, lui laissant une affreuse griffure sous l'œil gauche, une dispute avec une Poufsouffle qui l'accusait de lui avoir jeté un sort pendant le cours de Sortilège alors que c'était l'œuvre d'un garçon de sa propre maison. Le coup de grâce était arrivé dans l'après-midi par le biais d'un très beau hibou au plumage blanc appartenant à sa mère, sans compter la destruction de son devoir de Potions que cela avait entraîné.

Enora envoyait très souvent des courriers à ses filles, en général le problème venait plutôt quand c'était le hibou de Lennox qu'on voyait voler vers soi. De fait, Daphné s'était légèrement détendue en voyant l'animal voler vers elle, persuadée qu'elle recevrait enfin une bonne nouvelle. Et sans doute sa mère considérait d'ailleurs la chose ainsi et c'est pour quoi elle avait insisté pour annoncer elle-même la nouvelle à sa fille aînée. Elle était loin d'imaginer que ce serait tout le contraire. Daphné déplia la lettre et la posa sur la table, la lissant du plat de la main.

« Ma chère Daphné,

Je voulais être la première a t'annoncer la bonne nouvelle et que tu sois mise au courant au plus vite. Jane et William Urquhart viennent de partir à l'instant, nous nous sommes entretenus un long moment avant de parvenir à régler tous les détails de ta future union avec leur fils.

Il ne nous manque plus qu'à fixer la date exacte du mariage et tout sera au point, heureusement nous avons encore au mois un an et demi pour cela. Tu peux donc dormir tranquille, tout est réglé parfaitement de façon à ce que votre union apporte le maximum d'avantage à nos deux familles.

Je suis tellement heureuse pour toi, Daphné, je n'aurais pas supporté que ma fille épouse un homme que mon mari lui aurait choisi, au moins je sais que tu finiras tes jours avec celui que tu aimes comme ce fut mon cas. Et tu n'aurais pas pu choisir mieux que le jeune Urquhart !

Embrasse ta sœur pour moi, à très bientôt,

Enora. »

C'était en quelque sorte le défaut de leur plan. Tout était tellement réglé et clair pour les deux adolescents depuis le départ qu'ils n'avaient pas imaginé une seule seconde que les parents viendraient les doubler pour sceller cette fausse union. Daphné ne savait pas si James était déjà au courant mais elle était anéantie. Elle avait envie de frapper sur quelque chose, de tout détruire sur son passage mais il fallait plutôt qu'elle aille écrire une lettre à sa mère pour lui dire que James avait rompu et qu'elle devait annuler leurs fiançailles. Et aussi discuter avec James, le brillant inventeur de cette idée de génie.

La Serpentard soupira une énième fois dans le but de se calmer, en vain, et se décida à se rendre à la volière pour envoyer une lettre suppliante à ses parents. Plus tôt elle aurait réglé cette histoire, plus vite elle serait tranquille. Elle quitta la salle de classe vide et s'engouffra dans les couloirs après avoir jeté un dernier sort enragé contre une pauvre chaise. Sa colère ne retombait pas. Elle avait l'impression qu'elle ne pourrait jamais s'en remettre. Rien ne l'avait même jamais autant énervé que ça de toute sa vie. Pour la première fois, elle allait se retrouver dans la position de la fille dont les parents vont gâcher la vie. Si le mariage avec James avait été aussi bien accepté par les deux familles et réglé aussi vite, c'est qu'il devait y avoir de bonnes raisons et une simple rupture entre les deux concernés ne suffirait sans doute pas à briser les arrangements financiers passés entre les parents.

Elle voulait tuer quelqu'un, sérieusement. Non seulement sa journée était foutue, son week-end aussi mais en plus de tout ça le reste de ses jours. Pourquoi s'acharner après elle ? Comme si sortir avec Drago n'apportait déjà pas assez de difficultés comme ça, comme si vivre dans un monde où une guerre se prépare n'était déjà pas assez difficile. Non, il fallait en plus qu'on lui en rajoute une couche avec des mariages arrangés.

La jeune fille continua cependant sa route, fulminant toujours contre ses parents, contre James et contre le monde entier. Elle en venait même à désirer tomber sur un Poufsouffle de première année pour lui faire subir ses foudres. L'influence de Malefoy lui allait mal. Hélas, elle ne croisa personne et arriva à destination sans embûche. Une fois seule dans la volière, la Serpentard s'approcha d'une fenêtre et se laissa glisser au sol afin d'être un peu plus confortable pour écrire sa lettre. Elle posa le parchemin de sa mère bien à plat sur le sol et sortit un livre, un parchemin, une plume et de l'encre pour écrire sa réponse. Après avoir écrit quelques mots seulement, un flot de larmes envahit les yeux de Daphné, qu'elle ne parvint pas à réprimer. Elle cacha son visage dans ses mains, se mettant à pleurer à chaudes larmes alors que son corps était secoué de sanglots.

Perdue dans ses pleurs inutiles, Daphné n'entendit pas la porte de la volière s'ouvrir à nouveau, pas plus que les bruits de pas sur la paille et le parquet qui craquait pourtant beaucoup. Quelqu'un venait d'entrer et elle ne l'avait même pas remarqué. Son image allait en prendre un sacré coup mais à vrai dire cela lui importait déjà bien peu en temps normal alors en ce moment c'était carrément le cadet de ses soucis. Elle était cependant beaucoup trop fière pour se laisser aller devant n'importe qui et hélas cela était arrivé bien trop souvent ces derniers mois. Mais il était déjà trop tard lorsqu'elle sentit une main se poser sur son épaule, suivie de la voix d'une jeune fille retentir dans le silence seulement troublé par ses sanglots.

Daphné sursauta violemment au son de cette voix et se redressa d'un coup, levant les yeux pour chercher la propriétaire. Ses doigts encore tremblant essuyèrent rapidement les larmes qui inondaient son visage, rependant de longues traînées noires sur ses joues rougies. Finalement, elle trouva la source de son dérangement tranquillement installée à ses côtés, à même le sol tout comme elle et la jeune fille l'observait d'un air étrange, sans doute surprise et pas très sûre de la bonne chose à faire. De l'avis de la Serpentard, elle perdait de toutes façons son temps puisqu'il n'y avait absolument rien au monde que la blonde installée près d'elle puisse faire pour l'aider.

Cependant, la jeune fille hésita un moment avant d'oser une réponse. La fille qui se tenait près d'elle, elle ne la connaissait pas vraiment, il fallait l'admettre. Tout ce dont elle était certaine à son sujet, c'est qu'il s'agissait d'une Poufsouffle du nom de Roxane Ketteridge et qu'elle n'était pas du genre bien vue dans Poudlard, principalement parce qu'elle était très bizarre et qu'elle passait le plus clair de son temps avec les fantômes de l'école. Forcément, ça ne plaisait pas vraiment. Daphné se souvenait aussi d'une fois où elle avait empêché des idiots de Serpentard de l'embêter. Ce geste avait légèrement surpris les deux garçons qu'elle avait envoyé balader mais ils n'avaient rien osé dire à leur aînée et surtout pas à celle-ci. De fait, Roxane, si elle n'était pas non plus une amie de Daphné, n'était pas son ennemie et elle n'avait visiblement aucune raison d'être désagréable avec elle à part si elle voulait vraiment passer ses nerfs sur la première personne qui passait par là. Pourtant, elle ne voulait pas non plus que l'une des rares personnes pouvant croire que la "Grande" Daphné Greengrass n'était pas une peste finie change d'avis pour un moment d'égarement qui ne lui apporterait au final aucun soulagement. La brune décida donc de prendre une profonde inspiration et de se calmer un peu avant de lui répondre d'une voix toujours un peu tremblante, mais sans aucune agressivité.

« Parler ne changera rien, surtout que tu ne peux absolument rien y faire. Oublies ça, il ne s'est rien passé et tout va très bien. »

La jeune fille se releva difficilement et ramassa ses affaires. Elle ne parviendrait probablement pas à écrire cette lettre pour le moment, il lui faudrait d'abord se calmer, prendre le temps de se détendre un peu. Elle fourra ses quelques affaires dans son sac, avec le soin qu'on lui connaissait et se tourna une nouvelle fois vers Roxane, un peu mal à l'aise. Cette fille avait été prête à l'aider alors qu'elles ne se connaissaient même pas et Daphné se sentait mal de la laisser là en plan mais elle ne voyait pas quoi faire d'autre pour autant. Baissant ses yeux rendus bleus par les larmes pour les fixer sur ses chaussures, elle murmura :

« En tout cas, je te remercie...»