Lentement, la nuit tombait, recouvrant tout de son long mentaux de velours noir. Elle semblait prendre tout son temps, comme une ombre qui se posait tranquillement sur un chemin d'étoiles, assombrissant les bleus, les verts, et toutes les couleurs du paysage, en passant par toutes les teintes possibles et infinies. Et Dray attendait. Il sentait son impatience grandir à mesure que la nuit arrivait, en même temps qu'un sentiment qu'il ne parvenait à remettre et qu'il n'avait pas l'habitude de ressentir. Une touche d'incertitude. Après tout, Merlin et Morgane seuls savaient ce qui se passerait à la Tête de Sanglier ce soir là. Et qui il y trouverait... Parce que, si les deux lettres qu'il avait reçu juste quelques jours plus tôt étaient signée du nom d'Alayna, disant qu'elle souhaitait le revoir et lui donnait rendez-vous ce soir là, elle avait tout de même disparut pendant plus de deux ans sans laisser de traces ni de nouvelles à personne, et rien ne prouvait que c'était bien elle qui avait envoyé ces missives. Pour autant qu'il sache, ce pourrait tout aussi bien être un imposteur se faisant passer pour la jeune femme pour quelque obscure raison. Mais sa disparition était aussi l'une des raisons pour lesquelles il allait se rendre au rendez-vous : pour avoir enfin des explications, quelles qu'elles soient. Et puis parce qu'elle lui manquait, aussi, même s'il ne l'avouerait pas. Aussi brève et soudaine qu'avait été leur amitié, s'en avait été une véritable, telle qu'on en trouvait peu et qui se faisaient rares. Qui l'étaient d'ailleurs encore plus pour l'anglo-coréen.

Fouillant dans sa malle, après le départ d'un de ses camarades de dortoir venu cherché il ne avait quoi exactement, le Gryffon tira d'un coup sec sur le fond, avant de le déplacer plus franchement, dévoilant quelques livres peu recommandables dissimulés là. Il prit l'un de ceux reposant contre le véritable fond de sa malle, laissant un instant ses doigts glisser contre l'ancienne couverture dont le cuir commençait à se craqueler par endroit, redessinant les signes du titre, en coréen. Un bon moyen pour lire ce qu'il voulait en toute tranquillité, ici, en Angleterre, et plus particulièrement à Poudlard, où ceux parlant la langue ne couraient pas les couloirs. Mais là n'était pas le point. Il ouvrit le livre, directement entre la dernière page et la couverture à l'arrière où étaient glissés deux feuillets de parchemin où reposaient quelques simples phrases écrite à l'encre noire. Le jeune homme relu pour la énième fois les deux missives d'Alayna, comme pour s'assurer qu'il n'avait rien oublié, un détail ou quoique ce soit, avant de les fourrer dans la poche de son jean. Entendant des bruits de pas retentir dans l'escalier silencieux menant au dortoir, il se hâta de replacer les livres et le double fond, puis de remettre ses affaires en vrac par dessus.

Quand la porte s'ouvrit, Dray finissait dagrafer sa cape noire à capuche -différente de celles requise par Poudlard pour l'uniforme- et attrapait le paquet de clopes qu'il avait posé -jeté- sur son lit un peu plus tôt. L'autre Septième année lui lança un regard étrange, très vaguement curieux aussi. Les sorties nocturnes n'étaient un secret pour aucun de ses camarades Gryffondor -entre autre- , mais elles se faisaient généralement beaucoup plus tard dans la soirée -dans la nuit. Et c'était sans compter que, sans qu'il le remarque, son attitude pendant la journée aurait pu laisser entrevoir aux plus attentifs que quelque chose se tramait, allait se passer ce soir-là. Trop calme, le regard encore plus sombre que d'ordinaire, masquant au mieux l'espèce d'impétueuse impatience qui le prenait. Presque trop bien, même. Mais personne n'était assez attentifs à ces petits détails, personne ne le connaissait assez bien pour le remarquer véritablement, sans être un ''oh tiens, il a l'air calme aujourd'hui, il doit dormir debout'' ou autre fausse assomption.

Dehors tout était noir. La nuit était enfin tombée, l'heure enfin arrivée. Dray quitta le dortoir sans accorder un mot à l'autre Gryffon, ni un regard à ceux présents dans la salle commune alors qu'il la traversait, attentif mais concentré sur autre chose. Bientôt, ses pieds foulaient l'herbe boueuse de la neige fondue à force de passages, faisant le moins de bruit possible. Il s'était faufilé hors du château sans encombre, ni Miss Teigne ni Rusard, ni aucun autre professeur ou préfet. Il étaient trop tôt pour que les rondes aient déjà commencé, même si la prudence régnait depuis la mort d'un élève. Les nombreux passages secrets-pas-toujours-si-secret étaient vraiment utile, quand on les connaissait bien. Après s'être suffisamment avancé pour ne pas être vu depuis le château, le jeune homme sorti un morceau de bois à peine plus grand qu'une allumette de sa poche, et donna un coup de baguette dessus. Le bout de bois grandit, grandit, jusqu'à reprendre sa taille normal de balais volant. Les puissants enchantements empêchant le transplanage dans l'enceinte de Poudlard, c'était le moyen le plus rapide, et donc le plus sûr, de sortir du domaine. Il l'enfourcha sans attendre, lançant un sortilège à sa capuche pour quelle tienne en place et couvre ses traits et ses cheveux blancs dans son ombre, et parti décolla, restant presque au ras du sol à la lisière de la forêt pour profiter des ténèbres qu'elle dispensait, sa longue cape flottant derrière lui.

Encore un peu plus tard, le jeune homme atterrissait sans un bruit un peu avant Pré-au-Lard, toujours dans camouflé dans les ombres environnantes. Il rétrécit à nouveau son balais d'un simple sort avant de le ranger à l'abri dans sa poche, et de continuer son chemin comme si de rien était dans les rues du village sorcier. En tout cas, il avait déjà réussit à sortir de Poudlard sans trop de mal, ce qui était déjà une bonne chose. Après quelques minutes de marches, la devanture peu reluisante, sale et crasseuse, de la Tête de Sanglier apparut dans son champ de vision. Dray pencha rapidement sa tête de droite à gauche, machinalement, faisant craquer sa nuque, avant de pousser la porte d'un geste assuré. Même s'il ne l'était pas tant que ça, se posant plutôt un nombre trop grand de questions pour qu'elles soient claires, redoutant un peu, tout au fond de lui, sans qu'il ne s'en rende compte, ce qui allait se passer ce soir là. Au contraire de son geste et de son attitude, il n'était pas sûr de grand chose, à ce moment. Il s'approcha du bar derrière lequel le barman et propriétaire des lieux se tenait, la capuche de sa cape camouflant toujours son identité. Là, il lança un regard circulaire à la pièce, prenant tout son temps. Il reconnu quelques habitués, des visages qu'il avait croisé l'une ou l'autre fois dans le visage, mais certains autres clients gardaient eux aussi leur identité secrète, voilée par une capuche et une cape souvent semblables à la sienne. Pas de trace de professeurs en tout cas. Ni d'Alayna d'ailleurs. Se tournant cette fois vers le barman, il attira son attention, et se pencha pour parler à voix suffisamment basse pour que personne d'autre n'entende ce qu'il dise.

- Un whisky purfeu. Vous n'auriez pas vu une jeune femme blonde par hasard ? La peau claire, les yeux bleus, à peu près mon age?

L'homme le regarda un moment, attrapant un verre sans porter son attention ailleurs, ne la détournant que pour verser le liquide ambré à l'intérieur, avant de le fixer à nouveau en poussant le verre vers lui. Sans rien dire. Dray fronça les sourcils une infime seconde, en un tic agacé, son regard se faisant plus dur. Le barman l'avait vu, visiblement, mais devait hésiter à le lui dire. Certainement une question de ne pas dénoncer ses clients, au cas où il la chercherait pour une raison sans doute mauvaise. Mais étonnamment, il finit par hausser presque invisiblement les épaules, et d'un léger mouvement de menton en direction du fond du pub, à une table dans un coin plus sombre où siégeait une silhouette encapuchonnée. Le Rouge et Or paya son verre, claquant la monnaie sur le comptoir crasseux, set le saisit avant de se diriger d'un pas déterminé mais calme, comme s'il passait normalement vers le fond du pub, vers la table où Alayna -si c'était bien elle- était assise. Posant son verre sur la table, il resta debout, à côté de sa chaise, baissant les yeux pour voir le haut de la capuche de la jeune femme, un masque indescriptible sur le visage. Il ne doutait pas qu'elle saurait que c'était lui, malgré sa cape et sa capuche. Elle n'avait qu'à lever les yeux pour croiser les siens, lui dévoiler son visage pour voir le sien. Attendre quelques secondes de plus, après deux années, ça n'était rien.

La porte du pub grinça, laissant entrer une silhouette encapuchonnée dans le pub. Elle eut un doute un instant sur l’identité de la personne, mais il se dissipa quand elle l’entendit adresser la parole au barman. Il chuchotait, mais elle reconnaitrait sa voix entre mille. Bien sûr, celle-ci s’était un peu modifiée en deux ans, mais elle savait que c’était la sienne. Une chance que son ouïe était beaucoup plus développée que les humains, sinon, sa voix ne serait même pas parvenue à ses oreilles.

Il avait commandé un Whisky Pur-Feu et s’était empressé de demander si le barman ne l’avait pas vue. Celui-ci, après quelques hésitations, lui montra la direction où elle se trouvait. Un petit sourire en coin se dessina sur les lèvres de la vampire quand Dray se retourna et se dirigea vers sa table, son verre à la main. Elle n’avait pas encore retiré son capuchon mais sa bouche était visible malgré tout. Il s’était arrêté en face d’elle, faisant durer le suspense. Elle n’avait qu’à lever les yeux pour croiser son regard. L’impatience la rongeait, elle mourrait d’envie de revoir ses yeux, son visage, voir à quel point il devait avoir grandi. Et pourtant, elle attendit encore quelques secondes. Plus longtemps on attend, meilleur c’est.

Enfin, elle se lança. Son regard se plongea dans le sien alors qu’elle retirait sa capuche, dévoilant ses cheveux blonds, ses yeux bleus et sa peau blanche. Tout sourire avait disparu de son visage, elle se devait d’être sérieuse. Ce n’était pas le moment de faire une connerie, le perdre définitivement n’était pas envisageable. Lui aussi abordait un visage vide d’expression, toujours fidèle à lui-même. Alayna lui fit rapidement signe de s’asseoir avant de prendre la parole.

"Bien. Maintenant que nous sommes enfin réunis à nouveau, tu auras les réponses à toutes tes questions."

Elle marqua une légère pause pour guetter sa réaction, puis reprit.

"Demande-moi ce que tu désires savoir, le reste, je te l’épargnerai."

Elle préférait procéder comme ça, c’était plus prudent. De cette façon, elle ne risquait pas de divulguer quelque chose à propos d’elle qu’il ne tenait pas à savoir, ou qu’il n’était pas prêt à connaître. Elle aurait voulu se servir un verre à nouveau, mais ne préférait pas qu’il apprenne sa condition de cette façon. Plutôt lui dire qu’il ne le découvre de lui-même… Ou peut-être qu’il s’en était même déjà douté. Elle le découvrirait bien assez tôt, quand il aura commencé à parler.

Bien que la jeune femme ait remarqué Dray -il le savait, n'en doutait absolument pas- elle se contenta d'attendre encore, sans bouger, sans même faire mine de retirer la capuche qui cachait ses traits et plongeait presque tout le reste de son visage dans l'ombre qu'il dispensait. Seul ses lèvres, courbées en un mince sourire, étaient visibles malgré tout. Les secondes s'égrainaient, comme les grains de sables d'un sablier le feraient, mais leur lenteur semblait soudainement être insoutenable. D'ailleurs, était-ce des secondes ou des minutes ? Même s'il savait pertinemment que seules quelques secondes passaient, le temps semblait s'être pratiquement figé dans sa lenteur à cet instant. Et le silence se prolongeait, pesant dans l'atmosphère tendue qui s'installait, se densifiait, courrait autour d'eux comme un poison le ferait dans les veines où le sang pulsait régulièrement.

Et finalement, sans se presser, comme pour intensifier encore son impatience, la jeune femme retira lentement son capuchon, dévoilant de long cheveux blonds éclatants dans la pénombre crasseuse de la Tête de Sanglier, alors que ses yeux bleus se levaient pour rencontrer ses prunelles brunes. Sombres, presque rendues uniformément noires par les ombres que dispensait sa capuche, voilant la lumière dispensées par les torches et lampes éparses. Sombres comme tout ce qui était autour d'eux, dans le pub, dans la nuit, et qui contrastait si parfaitement avec la clarté du bleu des yeux d'Alayna. Avec Alayna, tout simplement, d'ailleurs. Sa peau claire, blanche, et ses cheveux rajoutait encore au contraste, comme un tableau de clair-obscur dont elle serait le centre. Elle était presque parfaitement identique à l'image qu'il avait d'elle, si ce n'est que ses traits fins étaient plus réels, plus nets que dans son souvenir au bords flous. Flou qui avait sembler prendre lentement plus de terrain, comme s'il grignotait petit à petit le souvenir, qu'un nuage passait devant, que de la poussière se soit déposée dessus, attendant sagement qu'on l'enlève d'un simple revers de main. La ressemblance était d'ailleurs parfaite, mais ça, Dray l'ignorait comme il en ignorait encore la cause.

L'air sérieuse, le sourire effacé de ses lèvres, Alayna lui fit néanmoins rapidement signe de s'asseoir à la table, en face d'elle. Lui gardait au contraire une expression neutre, presque fermée, même si brillaient d'étranges lueurs indescriptibles dans ses yeux. Il ne savait d'ailleurs pas vraiment quoi penser, encore maintenant qu'il voyait la jeune femme anciennement disparue sans laisser de trace de ses propres yeux. L'impatience se mêlait à la curiosité, l'irritation au contentement à l'idée de la revoir et de lui parler. Et puis, il y avait cet insidieux sentiment de trahison. Il lui avait donné son amitié, sa confiance même, en partie tout du moins, malgré le peu de temps qu'ils avaient vraiment passé ensemble en tant qu'amis, et elle avait disparut, sans nouvelles, sans même signe de vie, laissant tout derrière elle, abandonné, jusqu'à cette fameuse lettre qu'il avait reçu quelques jours plus tôt. Et c'était simplement à cause de leur amitié qu'il était venu ce soir là. Même si elle n'avait duré que trois mois, rien, et pourtant elle avait bien été là, rapide, presque fusionnelle, comme s'ils étaient fait pour s'entendre et se comprendre. Peu importait à l'époque qu'ils aient deux ans d'écart, qu'elle soit de Gryffondor et qu'elle soit de Serpentard. Toujours d'ailleurs, pour lui, mais la situation n'était pas aussi simple, maintenant.

Reculant légèrement sa capuche, de façon à ce qu'Alayna puisse mieux voir ses traits, mais que le reste du pub ne puisse le reconnaître -ses cheveux blancs et son physique asiatique étaient plutôt facilement reconnaissable, après tout, et il n'était pas sensé être là- Dray s'assit sur la chaise désignée juste quelques secondes plus tôt pas la jeune femme. Sans attendre plus longtemps, elle prit la parole, annonçant qu'il aurait -enfin- toutes les réponses a ses questions. Bien, pas de secret qu'elle refuserait de lui divulguer dans ce cas ? Il l'aurait mal prit de toute manière, comme pour renforcer la méfiance et le sentiment de trahison, vipérines, qui traînaient autour. Le Gryffon ne répondit rien, se contentant de pencher très légèrement, presque imperceptiblement, la tête sur le côté, comme pour l'enjoindre muettement de continuer alors qu'il l'observait. Il ne comptait rien laisser au hasard, ni une parole, ni une intonation ou un geste, même une ébauche de geste ou d'expression, qui pourrait le renseigner. Le renseigner sur quoi ? Lui-même ne le savait pas clairement. Peut-être pour effacer ses doutes, ou être sûr qu'elle ne mentirait pas, ou il ne savait quoi d'autre.

Comme il s'y attendait, l'ex-Serpentard reprit la parole, continuant ce qu'elle avait à dire. Néanmoins, aux précisions qu'elle ajouta, Dray fronça légèrement les sourcils. Ainsi donc, elle ne répondrait qu'à ses questions, n'ajouterait rien et ne dirait rien d'elle même ? Elle le lui ''épargnerait'', comme elle le disait si bien ? Le jeune homme n'était pas d'accord avec cela. Il voulait tout savoir, ne passer à côté de rien. Et il saurait tout. Ça n'était pas en commençant avec une attitude qui donnait l'impression de chercher à garder secrète certaines choses qu'elle allait regagner sa confiance.

- Mais je veux tout savoir, Alyana. Pas la moitié, pas qu'une partie. Ne commence pas à essayer de garder les choses sous silence sous pretexte que je n'ai pas demandé, ou pour me ''l'épargner'', ou n'importe qu'elle raison idiote du genre.

Il avait plongé son regard dans celui de la jeune femme, sérieux comme il l'était rarement. Bien décidé à tout savoir, même s'il n'était pas encore sûr de s'il était plus énervé et trahit ou pas. La discussion le lui apprendrait certainement, au final. Tôt ou tard. Prenant son verre, il le porta d'abord à ses lèvres, buvant une gorgée du liquide ambré, appréciant la légère brûlure de l'alcool dans sa gorge. Le reposant sur la table, son regard tomba ensuite sur celui d'Alayna, vide. Sûrement l'avait-elle fini en l'attendant. Néanmoins, ce qui attira son attention fut le verre, comme teinté en rougeâtre sur les bords, coulant au fond pour former une très légère épaisseur -pas plus d'un millimètre- tout au fond. D'un geste vif, il l'attrapa pour l'examiner, l'amenant presque au niveau de ses yeux pour pouvoir observer les gouttes du liquide au fond du verre de plus près. Un instant, il crut presque percevoir une odeur ferreuse, métallique, très faible. Son inconscient qui avait certainement déjà compris ce que c'était, même s'il n'en avait pas vraiment conscience. Du vin n'aurait pas eu la même consistance, ni la même couleur, et de loin ! Il abaissa le verre pour le poser à moitié sur la table, le gardant toujours en main, alors qu'il lançait un regard interrogateur -sans perdre de son sérieux.

- Alayna... qu'est-ce que c'est?, demanda-t-il d'une voix calme -presque trop calme- mais aux inflexions étranges.

À sa réplique, à sa remarque marquant sa volonté de tout savoir des deux années d'absences d'Alayna, de mettre les points sur les i, la jeune femme ne fit que sourire doucement. Ne le prenait-elle pas au sérieux ? Ne croyait-elle pas que c'était vraiment ce qu'il voulait, que les détails n'étaient pas importants ? Dray se posa ces questions quelques secondes, avant qu'elles ne se mêlent à la masse invisible de toutes les interrogations qui le taraudaient. Il le remarquerait bien assez tôt, mais, d'un autre côté -peut-être était-ce l'ancienne confiance qu'il avait en elle-, le jeune homme savait qu'elle lui expliquerait tout, et même les détails, puisqu'il l'avait demandé. Alayna regarda autour d'eux, comme pour s'assurer que personne n'était assez près pour les entendre. Comme Dray le savait pour être venu juste quelques instant auparavant, ça n'était pas le cas. Et la Tête de Sanglier n'était pas le pub le plus réputé pour ses fréquentations... mieux valait donc s'assurer que les secrets et autres histoires personnelles ne tombent pas dans les oreilles de n'importe qui, ceux qui se trouvaient là avaient souvent les sens parfaitement aiguisés et alertes, l'air de rien.

Aussi, la jeune femme ne fit qu'acquiescer d'un simple 'Bien' posé, et il capta du coin de l'oeil sa silhouette amorcer le geste de se lever. Certainement pour lui dire de la suivre autre part, où personne d'autre qu'eux n'entendrait leur conversation et où les murs n'auraient pas d'oreilles. Son attention n'était cependant pas sur elle, mais concentrée sur son verre vide. Ou plutôt sur le reste de liquide à l'intérieur et qui lui semblait étrange. Attrapant le verre, il l'observa un moment, ne faisant que rajouter à la liste de questions qui emplissaient déjà son esprit, le tout sous l'oeil attentif d'Alayna. Pour toute réponse quant à ce qu'était le liquide rouge et épais -presque pulpeux- au fond du verre, le silence resta de mise, s'étirant, pesant. Elle lui reprit le verre pour le poser plus loin sur sa table, le contact de sa peau étonnamment froide contre la sienne manquant de peu de le faire frissonner. Et puis le temps sembla ralentir un moment, alors que la main pâle de la jeune femme venait chercher la sienne au teint plus coloré, comme si un glaçon venait couvrir sa main sans pour autant perdre la texture familière de la peau, et qu'elle l'entraînait derrière elle. Rapidement, après s'être engouffrés dans un couloir désert, l'ancienne Serpentarde poussa une porte -au hasard lui sembla-t-il- et l'attira à l'intérieur de la pièce plongée dans la pénombre.

La salle s'avéra être, sans grande surprise, une des chambres que la Tête de Sanglier laissait à la disposition de ses clients. Plutôt pauvrement meublée -une vieille armoire, une table, et un lit- et miteuse, comme le reste de l'auberge, mais néanmoins suffisante. Lâchant sa main presque immédiatement après être entrée, Alayna se dirigea vers le lit et s'y assis, alors qu'il s'assurait de bien fermer la porte, histoire que personne ne vienne les déranger : ils avaient à parler. Un Silencio lancé autour de la pièce pour être sûrs qu'aucune oreille ne se serait perdue en route vint lui aussi s'ajouter. Puis, Dray reporta son attention sur la jeune femme. Elle sembla chercher ses mots encore un instant, une expression sérieuse, presque dure, sur les traits fins de son visage. Le Gryffon s'avança vers le centre de la pièce, et se stoppa lorsqu'elle commença à parler, comme si le moindre mouvement l'empêcherais de découvrir pourquoi elle avait disparut plus de deux années durant, comme si cela interromprait les paroles qui s'écoulaient de ses lèvres rosée.

Comme beaucoup d'autres histoires, le récit d'Alayna commença par une rencontre. Un homme, ou plutôt un vampire, mortelle créature de la nuit, souvent considérées comme assoiffées de sang. Ce qu'elles étaient, d'ailleurs, puisque le sang représentait leur seul repas, la seule chose qu'ils assimilaient vraiment. Animal ou humain, s'il se rappelait bien, cela revenait plus ou moins au même. Ses paupières se refermèrent quelques courts instant sur ses prunelles sombres : les quelques phrases de l'ancienne Serpentarde ne faisaient que renforcer ses soupçons, ne rendaient que plus tangible l'épais liquide rouge sombre au fond du verre qu'il avait crut reconnaître. Il croisa le regard d'Alayna, un peu après les avoir rouvertes, alors qu'elle marquait une courte pause pour s'assurer qu'il était toujours attentif. Évidemment qu'il l'était, le contraire aurait été plus qu'étonnant. Et la suite de son explication ne fit que confirmer les soupçons de Dray. Balaya tous les doutes qu'il aurait pu encore avoir. Alayna était belle et bien devenue une vampire.

Elle en vint ensuite à la raison pour laquelle elle avait coupé le contact avec lui, et pourquoi elle lui avait réécrit quelques jours plus tôt pour le rencontrer ce soir-là. Pour le revoir. Mais Dray n'écoutait plus que d'une oreille. Une vampire ? Pourquoi avait-elle accepté d'être mordue ? Par un inconnu en plus, ne sachant aucune des raisons pour lesquelles il lui proposait de devenir comme lui... Pourquoi tout abandonner ? Sa magie, son quotidien, ses amis, tout cela ? Pourquoi l'abandonner lui, aussi ? Il n'avait en soit rien contre les créatures de la magie et les vampires, les trouvant plutôt intéressant malgré le peu de choses qu'ils savaient sur elles, mais savoir qu'Alayna en était devenu un... C'était totalement différent. Pour l'heure, le Gryffon était totalement perdu, ne savait que penser, ni que dire. Devrait-il être curieux, terrifié ? Devrait-il plutôt fuir, quitte à la blesser, faire comme si de rien était ? Non, non, il tenait trop à elle, ne voulait pas faire comme s'il ne l'avait jamais revu, qu'elle était morte et enterrée. Elle aurait été une autre personne, il n'aurait certainement pas eu la même facilité à se décider à rester. Qui savait ce qu'il pouvait se passer, entre un humain et un vampire ? Pour l'heure, la seule chose qu'il pouvait faire était se raccrocher aux restes de confiance qu'il avait en elle.

La main gelée d'Alayna, douce contre sa joue, manqua de le faire sursauter. Plongé dans ses pensées, il ne l'avait ni vu ni entendu s'approcher. D'ailleurs, elle était certainement allée trop vite pour qu'il ai eu le temps de faire quoique ce soit même s'il avait été concentrée sur elle. Ses yeux sombres plongèrent dans les prunelles bleues de la jeune femme, comme à la recherche de réponses qu'il ne pourrait trouver que là. Sa voix refléta l'air tendre sur les traits de son visage, alors qu'elle lui murmurait qu'il lui avait manqué. Belle, sublime, furent les premières pensées qui vinrent à l'esprit de Dray, s'y frayant furtivement un chemin. Une chose était sûre, elle n'avait rien perdue de sa beauté en devenant vampire, c'était même le contraire... une espèce de charme, de sensualité exacerbée. Ses doigts vinrent se poser sur la main froide d'Alayna sur sa joue, glissant doucement sur sa peau lisse avant qu'il ne la prenne doucement dans la sienne. Et puis, dans un élan soudain auquel lui-même ne s'attendait pas, il enlaça la jeune femme, serrant dans ses bras sa silhouette d'apparence fragile.

- Toi aussi, tu m'as manqué. Tu ne sais pas à quel point, lui murmura-t-il à l'oreille d'une voix rauque.

Et c'était vrai. Il s'occuperait plus tard de décider s'il redoutait ce qu'elle était devenue ou si elle l'intriguait, peut-être était-ce les deux à la fois, en un étrange mélange, mais ce n'était pas le moment d'y penser. La seule chose importante était qu'il la retrouvait. Enfin. Il embrassa sa tempe, la gardant contre lui, les doigts d'une de ses mains s'entrmêlant sans qu'il y fasse attention dans ses long cheveux d'or.