Je faisais les cents pas derrière cette porte derrière laquelle aucun son ne me parvenait. Rien, le néant. Et pourtant Il était bien là, dans cette pièce dans laquelle je ne tarderais plus à rentrer lorsqu’Il me ferait appeler. Ma tension était à son paroxysme, et je m’arrêtais un instant, posant mon coude contre la rampe du grand escalier qui descendait dans le hall où je L’attendais. Je passais ma main sur mon visage aussi blanc que le sol recouvert de neige au-dehors, et lâchais un long soupir. Je n’avais pas à m’inquiéter, je le savais. Mais je voulais simplement qu’Il reconnaisse ma valeur, ainsi que celle de ma famille qui l’a fidèlement servie depuis toutes ces années. Mon père avait peut-être commis une erreur, mais c’était à présent à mon tour de la rectifier, et non pas seulement pour Lui et sa cause, mais parce que je n’avais de doute manière pas d’autre choix si je voulais sauver ma vie et la leur.

Je promenais mon regard autour de moi, découvrant une nouvelle fois ce Manoir que le Seigneur des Ténèbres avait à présent choisi pour organiser les réunions qui ne se tenaient plus dans le nôtre. Certainement était-ce à cause de ce qui était, à Ses yeux, un échec cuisant de la part de mon père. La simple vue de ce lieu me dégoûtait pour cette raison, mais je ne pouvais pas me permettre de remettre la moindre seconde en question la décision du Maître. Je devais me plier à Ses exigences et à Ses ordres, quels qu’ils soient, et peut-être bientôt, lorsque j’aurais accompli ma mission, les choses reviendront à la normale et le Lord Noir honorera une nouvelle fois ma famille, et ce grâce à moi. Mais même si ma mère ne voulait rien en laisser paraître, j’étais certain qu’elle était intérieurement heureuse que le Maître ne se rende plus dans notre demeure. Pourtant, et même si j’avoue que s’en était effrayant, c’était là un grand honneur qu’il nous faisait. Mais pour une sombre raison elle ne voulait pas le comprendre, et ces derniers temps les choses étaient plus tendus entre nous. Le retour de mon père avait apaisé son cœur, mais je voyais ô combien elle avait peur pour moi. Elle connaissait ma mission, et j’étais absolument certain que derrière ce besoin qu’avait Snape de vouloir m’aider elle n’y était pas pour rien. Elle avait dû le supplier de faire une telle chose, je n’en doutais pas un seul instant, et c’était précisément l’une des raisons qui faisaient que je refusais parfaitement son « aide ». Non seulement je devais moi-même accomplir la mission que le Maître m’avait confiée à moi et à moi seul, mais qui plus est je savais qu’une fois celle-ci réalisée je serai à Ses yeux l’un de Ses meilleurs et plus fidèles serviteurs. C’était ma victoire, et je n’allais laisser personne la recevoir à ma place.

Je réajustais la veste de mon costume noir, et fermais les yeux, prenant une inspiration profonde pour pouvoir calmer les battements effrénés de mon cœur. Au moins, si j’étais tendu, je parvenais à Lui faire face en gardant tous mes moyens. Du moins j’essayais, car une fois que ses yeux perçants qui luisaient d’une terrible lueur se posaient sur moi, il était bien difficile de pouvoir garder toute son assurance. Mais toutefois je parvenais à garder un minimum de contrôle, et ce même lorsque sa voix sifflante et menaçante retentissait d’une étrange et oppressante douceur dans la pièce. De toute façon je n’avais pas le choix, il fallait que je me montre à la hauteur car sinon comment pourrait-Il m’accorder tout Son crédit ? Qui plus est, Il ne m’avait pas confié la plus simple des missions, mais bel et bien demandé non seulement de trouver un moyen de permettre l’assaut des Mangemorts sur Poudlard, mais aussi et surtout de débarrasser le monde des sorciers de ce vieil et gâteux Albus Dumbledore. Il me faisait confiance, je n’en doutais pas, car sinon pourquoi m’aurait-Il demandé d’effectuer une tâche pareille ? Certes pour pouvoir entrer dans l’école il faudrait quelqu’un qui soit déjà sur place, mais Rigel l’était également. Et pourtant ça n’était pas à elle qu’il l’avait demandé. Et tuer Dumbledore ? Là aussi un autre sorcier aurait pu le faire, tel que Snape, celui que l’on disait être son plus fidèle bras droit, une fois Poudlard pris d’assaut par exemple. Mais non, là aussi s’était moi qui devais le faire.

Je retrouvais alors peu à peu l’assurance qui me manquait quelques instants plus tôt, voire même depuis la veille lorsque l’on m’avait averti que le Lord désirait me rencontrer seul à seul. Je n’avais pas pu fermer l’œil de toute la nuit, imaginant cette confrontation de la manière la plus idéale à la plus terrifiante possible. Je ne savais absolument pas comment les choses se dérouleraient, mais je n’arrivais pas devant Lui les mains vides pour ainsi dire. Ou presque, car si je n’avais toujours pas tué ce vieux fou qui avait fait de ce château un asile pour ces personnes qui ne méritaient pas la noble distinction de « sorciers », je savais toutefois comment ouvrir les portes de ce lieu à Ses forces. Et ça n’était pas qu’une simple idée, mais quelque chose sur lequel j’avais travaillé à maintes reprises, et où j’avais consacré un temps et une énergie considérable pour faire en sorte que cela devienne réalisable. Mais tant que le Seigneur ne m’aurait pas permis d’entrer dans le salon du Manoir dans lequel Il se tenait, je ne pourrais pas postuler ce qui pourrait bien se passer. Je n’allais plus tarder à le découvrir réellement, depuis des jours où j’imaginais que cela se passerait. Et j’y étais enfin...

Je retins un léger sursaut lorsque l’imposante porte de bois sculpté devant moi s’ouvrit, laissant apparaître sur son seuil l’un des Magnemorts auquel je ne prêtais pas réellement attention, focalisé sur ce qui allait se passer.

« Il vous attend » Me dit-il d’une voix grave et froide.

Je pris alors une profonde inspiration et me dirigeais dans le salon extrêmement sombre, où seule la lumière de quelques bougies combattaient les ténèbres de ce lieu. Je m’arrêtais alors après avoir fait un pas pour pénétrer dans le lieu, avant que la porte ne se referme derrière moi. J’y étais enfin...
Je ne m’avançais pas plus, attendant qu’Il m’en donne l’ordre. J’inclinais seulement la tête en signe de respect et de soumission, et déglutis légèrement pour pouvoir prononcer d’une voix que j’empêchais d’être tremblante :

« Mon Maître... » Le saluais-je, tandis que mon cœur se mit une nouvelle fois à cogner comme un sourd dans ma poitrine.

Le Seigneur des Ténèbres marchait, tranquillement, dans les rues de Londres, sans que personne ne s’étonne de le voir là. Il filait un homme du Ministère, des conseillers spéciaux du Ministre qui se rendait chez une jeune femme dont les espions de Lord Voldemort soupçonnaient qu’elle était sa maîtresse. Vu l’importance de l’individu, qui avait l’oreille du Ministre plus que quiconque, c’était lui, le Maître, qui se chargeait d’une tâche qu’en temps normal il aurait délégué. Mais pourquoi aucun moldu ne s’étonnait de voir un homme au physique si particulier et en robe noire marcher dans la rue ? Parce que c’était un souvenir, un simple souvenir arraché par la ruse à son propriétaire, dans lequel tout le monde pouvait s’inviter sans crainte.

C’était si merveilleux d’être dans le souvenir, même celui d’autrui. Cet environnement brumeux et un peu éthéré, ce doux environnement cotonneux qui rappelait inconsciemment à Lord Voldemort le temps où il dormait dans les draps de soie de Poudlard, la seule maison qu’il ait eu depuis toutes ces décennies. Pendant plusieurs années il avait tenté d’influer dans la dimension des souvenirs, de voir si il n’était pas possible t’interférer avec les personnages de ce film interactif, ou de figer ces souvenirs afin de créer une dimension dans laquelle fuir en cas de problèmes ou un sanctuaire inexpugnable. Mais rien à faire, la pensine datait de Merlin dans son concept et était tout aussi inaltérable

Cela devenait intéressant. Monsieur Stafford venait de passer la porte de ce que Voldemort, de ses souvenirs de simple humain, identifiait comme une maison close du monde des sorciers – contrairement au gouvernement moldu, le gouvernement sorcier les autorisait . Il semblerait que le conseiller n’ait pas qu’une seule liaison mais plusieurs, et autant de moyens de faire chanter le mari infidèle pour que le bon Ministre ait les conseils du Seigneur des Ténèbres en ligne directe. Ce dernier eut un léger sursaut de surprise, au fur et à mesure qu’il suivait sa cible, d’entendre des gémissements de plaisir sortir des murs. Bien longtemps que lui-même n’avait pas produit de tels sons, et il ne le regrettait pas. Les faiblesses de la chair, il ne les subissait plus, une autre preuve manifeste de son statut de post-humain.

Le conseiller n’était lui que trop heureux de succomber à ses élémentaires et si ridicules besoins humains en s’accouplant avec une jeune femme, visiblement bien très différente de son épouse. Voldemort, attendit patiemment qu’il ait fini, pour le voir payer une coquette somme. Puis le conseiller eut une éclairante conversation. Ainsi il venait tous les samedis une semaine sur deux hein ? Cela seul ne serait peut-être pas suffisant mais combiné à l’affaire de corruption qui guettait et à l’argent détourné de la poche de l’ami Rufus, voilà qui serait assez pour le faire devenir un cadavre divorcé avant la fin du mois si telle était la volonté de Voldemort.

Sans attendre la fin du souvenir, le Seigneur des Ténèbres sortit de la pensine, avant de faire disparaitre celle-ci d’un claquement de doigt agacé. Regroupant ses propres souvenirs il se demanda ce qu’il y avait à faire ensuite. Malfoy. Il fallait recevoir le rejeton des Malfoy. Cela tombait d’ailleurs bien… son père, Lucius, avait certes eu des relations privilégiées avec le clan Fudge mais on n’était pas un Malfoy si on ne s’arrangeait pas pour avoir des affidés chez tous les courants, y compris dans les « Scrimgeouriens ». Alors il était fort possible que Drago Malfoy se souvienne d’avoir vu Isaac Stafford, ce cher conseiller, dans quelque mondanité au manoir.

- James, ce souvenir était aussi instructif que tu l’as dit. Tu as l’estime et les remerciements de Lord Voldemort.

L’autre se confondit bien sûr en courbettes, se retenant à grand peine de sauter de joie, d’autant plus qu’il s’était demandé pourquoi son Maître restait si silencieux. Et sans nul doute il avait craint une… tout autre issue. Sans même lire dans ses pensées, le Seigneur des Ténèbres devinait que le mangemort s’imaginait faire partie de ce qu’ils appelaient entre eux « le cercle », ces mangemorts qui avaient la confiance de leur seigneur. Comme si il avait confiance en qui que ce fut. Quelques minutes plus tard, Malfoy fils entrait dans la chambre obscure, saluant son Maître d’une voix plus calme que celle de certains mangemorts plus âgés. Même si cela soulignait un effort évident.

- Drago.

Tout doucement, le fauteuil de Voldemort pivota par magie, pour se retrouver face à Drago, ses yeux rougeâtres se fixant sur son jeune interlocuteur.

- Je suis heureux de te voir si fier d’être en ma présence et si attaché à notre cause. Dans un instant je te demanderais de me parler de ta mission auprès de notre vieil ami, mais d’abord je souhaiterais savoir si ton père, ce si fidèle Lucius, a reçu en sa demeure un politicien du nom d’Isaac Stafford, à ta connaissance ?

Nagini rampait doucement et ostensiblement pour se positionner autour de l’accoudoir richement orné du fauteuil de cuir bordeaux, la main de Voldemort se posant doucement, dans un réflexe vague, sur la tête du reptile qui fixait Drago d’un regard vorace, comme tous les êtres vivants de grande taille qui entraient à portée de crochet. En quelques sifflements, Voldemort dit à Nagini que leur jeune interlocuteur avait peut-être peur mais qu’il était loyal et sans échec à son actif pour l’instant. Il n’était pas le déjeuner. Sous le regard effrayé et interloqué de l’objet de la discussion serpentine qui évidemment ne comprenait pas le fourchelang.

Les lourdes portes de bois finement sculpté s’ouvrirent face à moi, me révélant le salon à la luminosité quasiment inexistante qui baignait la pièce d’une lueur étrange et inquiétante. Les flammes de quelques bougies dansaient sur les murs, dessinant des ombres tortueuses qui ne faisaient qu’en ajouter à l’atmosphère déjà oppressante de la pièce. Mais ça n’était pas tant le salon en lui-même qui m’arrachait un frisson d’angoisse, mais celui qui se tenait précisément à l’intérieur, assit dans un siège qui me faisait dos. Celui-là même qui hantait mes pensées jour et nuit, qui m’inspirait le respect, la fascination et une peur de plus en plus grandissante au fur et à mesure que je m’avançais vers lui. Ce moment tant attendu était enfin arrivé, celui où j’allais enfin pouvoir rencontrer le Seigneur des Ténèbres seul à seul, et lui exposer tous mes projets pour la mission qu’Il m’avait confié.

Le dos droit, la démarche déterminée, je tentais de réprimer toutes ces sensations d’une profonde angoisse qui prenaient possession de mon corps pour ne me concentrer que sur ce qui comptait réellement : faire une bonne impression à mon Maître pour qu’Il ne doute pas une seule seconde de moi et de ce dévouement sans faille que je lui offrais. Ma vie reposait entre Ses mains cadavériques, même si devenir un Mangemort avait toujours été mon souhait le plus cher. Cependant ces derniers temps la pression était telle que je sentais ma santé glisser vers une pente de plus en plus dangereuse. Mais je ne devais pas remettre en question mes croyances, c’était hors de question. J’étais certain de ce en quoi j’avais foi, j’étais sûr du camp que j’avais choisi, même si je me sentais réellement perdu. Toutefois, l’espoir était revenu au fur et à mesure que j’avais trouvé une solution à mes problèmes, quand bien même j’étais loin d’en avoir encore fait le tour. Me punira-t-il pour cela ? Me torturera-t-il parce que je n’ai pas encore remédié à toutes les modalités de ma tâche ? Je n’en savais rien, et c’était précisément ce qui m’effrayait. Toutefois, me retrouver aujourd’hui face à Lui me faisait me sentir à la fois incroyablement faible, mais aussi incroyablement fier. Combien de personnes pouvaient se targuer de pouvoir être à ma place, qui plus est à mon âge ? Certes Rigel était dans le même cas que, mais nous étions deux exceptions. Qui plus est, elle était loin d’avoir reçu une mission aussi importante que la mienne, car le Maître ne m’avait pas confié les moindres. Et aujourd’hui j’allais pouvoir Lui prouver combien je lui étais loyal et digne de Sa confiance. Du moins je l’espérais...

M’arrêtant à une distance respectueuse du Lord Noir, je m’inclinai avec politesse et respect, prenant mon courage à deux mains pour le saluer d’une voix qui se voulait calme. Du moins était-ce ce que j’espérais. Le large fauteuil dans lequel Il s’était installé pivota avec lenteur, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom posant alors son regard d’un rouge sanglant sur moi. Je me redressai lentement, déglutissant pour tenter de garder tout le contrôle que j’exerçais sur moi. La posture droite, je déployais tous mes efforts pour respect au mieux toutes les règles protocolaires afin d’être le plus irréprochable possible à Ses yeux. Toutefois si cela m’était fort simple en temps normal pour avoir grandi dans la plus noble famille de sorciers de ce monde, je perdais de ma belle assurance naturelle face au Seigneur des Ténèbres. Cependant je tentais de me maîtriser du mieux que possible, contrôlant le moindre de mes gestes et de mes attitudes. Seuls mes muscles se crispèrent légèrement lorsque Sa voix retentit à nouveau dans la pièce après qu’Il ait prononcé mon nom, sur un ton aussi calme et sifflant qu’un serpent. Le Seigneur me dit alors qu’il était heureux de me voir aussi dévoué à Sa noble tâche, ce à quoi je m’inclinais une nouvelle fois en signe de gratitude et pour lui prouver ô combien je l’étais, me détendant un minimum l’espace d’une simple seconde avant qu’Il ne poursuive. M’expliquant que la question de ma mission ne serait abordée que dans quelques instants, il préférait tout d’abord m’interroger sur ce sujet auquel je ne m’étais absolument pas attendu. Isaac Stafford... Je réfléchis quelques instants, me remémorant cet homme d’un certain âge haut placé parmi les figures politiques de notre monde, à l’apparence aussi hautaine qu’assurée. Si l’honneur et le pouvoir étaient ses principales motivations, je n’étais pas sans savoir qu’il avait également nombre de choses à cacher, comme nombre de politiciens, certes.

« En effet, Monsieur Stafford nous a quelques fois rendu visite au Manoir. Je ne sais malheureusement que peu de choses sur son compte, il est de ces hommes qui gardent dissimulées de nombreuses choses à leur sujet. Toutefois si je peux vous être d’une quelconque utilité, mon Seigneur, ce sera pour moi un très grand honneur de me renseigner sur lui si vous le désirez. »

Dans un nouveau sifflement, Nagini attira malgré moi mon attention, son regard inquiétant rivé sur moi. Appuyé sur l’accoudoir, le reptile ne m’avait pas quitté des yeux le moindre instant, me fixant telle une proie potentielle que j’étais à ses yeux. Je m’efforçai de détourner mon attention de la créature, la reportant une nouvelle fois sur le Lord Noir, croisant brièvement son regard avant de le quitter aussitôt, autant pas respect que par crainte que je tentais tant bien que mal de dissimuler.