Le sarcasme lui allait bien.

Snape laissa son regard s'attarder sur elle. C'était la seconde fois que ça lui arrivait ce soir et il se châtia mentalement pour cela. Il n'avait pas le droit de se laisser aller à de telles actions ou d'autres pensées moins glorieuses. Il secoua sa tête sans raison apparente et fit mine de remettre ses cheveux en place. C'est sans problème qu'il préféra se reconcentrer sur ses mots. C'était beaucoup plus concret.
Il y avait du vrai dans ce qu'elle venait de dire. Au-delà de toute banalité qui pourrait s'échanger à ce moment là de la soirée, ils avaient besoin de parler pour tout mettre à plat. Il était satisfait qu'elle y ait fait allusion, ça lui permettrait d'enchaîner sans peine.

La laisser rentrer chez elle n'était pas une solution. Au vu de ce qu'il s'était passé ce soir, elle n'avait certainement aucune envie de rentrer, ce qui était compréhensible. Si jamais la supposition de Snape était bonne, ses moindres déplacements seraient épiés. Avec le temps, à force de se poser des questions sur ses actions, sur toutes les hypothèses envisageables et les conséquences ou non d'une simple sortie, son esprit deviendrait paranoïaque. Peu à peu, la peur prendrait le pas sur toutes les notions de plaisir. Sa vie entière en serait déséquilibrée jusqu'à ce qu'elle ne trouve son plaisir que dans la solitude et la lecture de centaines de livres.

- En effet, je manque à tous mes devoirs.

Les échos de sa propre situation se faisaient pressants et inconfortables. Elle en savait beaucoup. Severus en était conscient, de la demande d'Albus également. Malgré ses dernières réticences il devait y satisfaire.

- Venez.

Sans lui laisser le moindre choix il prit son bras gauche et y noua le sien sans lui laisser la moindre chance de répondre. Bientôt le décors s'évanouit autour d'eux dans un tourbillon d'images. Le flou se régna jusqu'à ce que tout redevienne plus précis. Des halos de lumières se dessinèrent, puis de puissantes formes géométriques. Une rue apparaissait.

SOHO. A cette heure-ci la foule se pressait à la sortie des théâtres. La foule se coulait autour d'eux sans les remarquer, leur donnant une anonymité bienvenue. Robes de soirée, costumes, excentriques, il y avait toujours de tout dans ce quartier. Et ce qu'il avait de bien, c'est qu'on pouvait y aller à n'importe quelle heure et trouver un restaurant ouvert qui acceptait tout le monde, sans le regard condescendant des places huppées.

Snape l'entraîna dans un restaurant chinois. On leur attribua une table dans un coin tranquille, loin d'oreilles indiscrètes. Une fois qu'ils furent installés, Snape prit la parole en faisant rouler une de ses baguettes entre ses doigts.

- Demandez-moi ce que vous voulez savoir. Tout ce que vous voulez savoir, je vous répondrai.

HJ: Désolé c'est long mais je n'avais pas trop le choix. D'habitude je me limite un peu plus.


Le flot de questions fut aussi important qu'escompté. Beaucoup de choses étaient remontées à la surface et la plus importante était qu'elle connaissait l'existence de l'ordre. Sa notoriété s'étendait à nouveau et permettrait à ce vieux fou d'Albus de recruter de nouveaux membres. Les nouveaux venus étaient nombreux parmi les rangs du Seigneur des Ténèbres. Presque la totalité venaient des vieilles familles de sang-pur et le vivier n'était pas inépuisable. Politiquement parlant, il fallait que l'Ordre fasse venir à lui tous ceux qui étaient en danger à cause des idées soutenues par le le Seigneur Noir. Les raids qui se montaient contre les nés moldus n'allaient pas tarder à se multiplier, les bonnes âmes se multiplieraient peut-être elles aussi... Albus l'espérait il avait peut-être raison. Mais les implications pour lui seraient terribles. A nouveau il devrait commettre les pires abominations qui soient ce qui le répugnait et lui donnait le dégoût de lui-même.

Le serveur interrompit le cours de ses pensées. Voyant l'embarras de Miss Hassan (non définitivement il n'arrivait pas à l'appeler ou à la penser Sofia), il commanda un assortiment d'entrées, du canard laqué et du porc au caramel. L'homme prit tout en notes, lui donna du "Bien Monsieur", et repartit passer la commande en cuisine.

Snape n'arrivait pas à décider comment attaquer ses réponses. La conversation qu'il avait eue la veille au soir avec Albus le perturbait. Pour une fois il avait discuté ses ordres et argumenté avec lui. Et même si à la fin, Albus lui avait proposé un généreux Brandy, il n'était pas ressorti convaincu.

Spoiler:

- Oui j'y appartiens. J'espionne pour Dumbledore depuis longtemps. lâcha-t-il finalement. Pour votre gouverne, espionner ne signifie pas automatiquement se battre avec sa baguette. L'information est le nerf de la guerre au même titre que la manipulation.

Le serveur leur apporta un apéritif gracieusement offert par la maison. Snape le laissa faire et profita de l'occasion donnée pour réfléchir à ses prochaines paroles. Ces derniers temps, les seules personnes qui étaient mortes étaient celles qu'il n'avait pas réussi à sauver. Il avait voulu aider Miss Hassan et maintenant il se retrouvait pris au piège.

- Si vous intégrez l'ordre avec votre charmant tatouage sur l'avant-bras, vous allez vous faire calomnier par les membres les plus extrémistes de l'ordre. Vous serez autant mise devant le fait accompli et injuriée. Les autres, ceux qui ne diront rien mais n'en penseront pas moins, auront toujours un doute à votre égard, et ce malgré Dumbledore. Ils vont autant vous détester que ceux que vous serez en train de trahir. Ils diront de vous que vous choisissez la facilité parce que quelle que soit l'issue de la guerre, vous pourrez toujours retourner votre veste et sauver votre chaudron. Les fous... finit-il tout bas comme pour lui-même.

Il ne reprit qu'après avoir pris une gorgée et détaillé mentalement tous les ingrédients composant le cocktail.

- Vous ne pouvez pas intégrer l'Ordre si ce n'est pas pour espionner. Vous n'y auriez aucune crédibilité et vous constitueriez une cible trop dangereuse. Si vous ne souhaitez pas vivre cet enfer, vous pouvez essayer de fuir. Je peux vous aider jusqu'à un certain point mais ce ne sera pas facile.

Il vida le reste du verre d'un trait, imaginant qu'il s'était plus livré sur lui-même à demi-mots qu'il ne l'avait jamais fait jusqu'à présent. Son visage se crispa en une grimace passagère. Heureusement son passé resterait pour toujours enfermé dans son cœur.

Sofia écouta sans rien dire, se concentrant sur les paroles de son interlocuteur mais gardant tout de même une oreille attentive à ce qui se passait dans la salle du restaurant. Après cette soirée, sa vie ne serait plus jamais la même, en premier lieu parce qu'elle serait toujours sur la défensive, à présent. Et comment pourrait-il en être autrement si elle se faisait suivre par un groupe de Mangemort ? D'autant plus que Snape lui parlait enfin clairement, ne prenant pas de gants pour lui expliquer ce qui l'attendait à partir de maintenant.

Ils ne furent interrompus qu'une seule fois, lorsque le serveur leur apporta un appétitif que Sofia ne toucha pas, trop absorbée qu'elle était par les paroles de son voisin. Devenir espionne pour le compte de l'Ordre du Phénix ou fuir... Il vida son verre d'un trait et reporta son attention sur elle, désormais totalement perdue dans d'intenses réflexions.

Espionner ou fuir ? Dans les deux cas, elle se retrouverait seule et sans doute persécuter, à en croire les paroles de Snape. Dans tous les cas, elle vivrait des moments difficiles et apparemment son seul allié serait cet homme assis face à elle, si peu engageant... Mais au moins, il ne lui mentait pas, il ne lui cachait rien du tout et c'était sans doute mieux ainsi. Pourtant Sofia avait peur. La voix de Snape restait relativement neutre mais il savait de quoi il parlait, ce n'était pas quelque chose de vague pour lui. Il l'avait vécu, sans aucun doute, il le vivait encore même. Sofia croisa les yeux sombres de Snape et baissa précipitamment les yeux sur son verre dont elle se saisit. Elle fit tourner le liquide dans le verre un moment, observant avec attention son cocktail. La solitude ne lui faisait pas peur, après tout. Elle vivait seule, dormait seule chaque nuit. Personne ne lui donnait de rendez-vous, personne ne lui demandait comment elle allait en voulant vraiment connaître la réponse. Elle ne perdrait rien, rien du tout.

Espionner ou fuir ? La vraie question n'était pas vraiment là mais plutôt était-elle capable de faire preuve d'autant de courage que lui ? Pourrait-elle passer le reste de sa vie à risquer sa vie, surtout pour des personnes qui ne lui en seraient jamais reconnaissante ? Pour Evan, elle n'avait pas hésité une seule seconde à rejoindre le mauvais camp, pour qu'il ne la laisse pas seule, pour qu'il ne l'oublie pas, parce qu'à deux c'est plus facile, parce qu'il était l'amour de sa vie. Mais à présent, elle ne prendrait sa décision que pour elle-même. Et elle ne savait pas de quoi elle serait capable. Elle ne savait pas ce qu'elle pourrait faire et à quel point elle serait crédible, si elle avait le courage. Pour l'un comme pour l'autre. Elle but enfin une gorgée de son cocktail, dont elle douta qu'il contenait de l'alcool tant la saveur fruitée prenait le dessus. Le genre de cocktail qu'on boit sans faire attention et qui donne de mauvaises surprises. Puis, elle releva enfin les yeux vers Snape, le jaugea une seconde et demanda à voix basse :

« Si je voulais fuir, qu'est-ce qui se passerait ? Et...et si je voulais rester ? »

Elle se prit à espérer que si elle restait, si elle rejoignait l'Ordre, elle ne serait pas seule. Il serait là, lui. Ce n'était certes pas le genre de personne qui se montrait agréable mais ils vivraient la même chose, la même expérience. Lui non plus ne serait plus seul... Un seul regard à l'intéressé fit vaciller un peu son espoir. Non, ce n'était pas son genre de faire ami-ami avec les autres, quelle que soit la situation. Elle lui adressa un sourire triste et avala une nouvelle gorgée de sa boisson sans le quitter des yeux.

HJ: Ne te limite surtout pas pour moi, j'adooooore les longs RPs *__*

- Utilisez votre cervelle si vous en avez ! pesta-t-il.

Qu'est-ce qu'elle s'imaginait? Il n'était pas une agence de voyage quand même! Son regard se concentra sur le visage de Miss Hassan pendant que tout son corps se raidissait. Il était en train de perdre son précieux self-control et s'en rendit compte.

Elle était claire la suite pour elle: soit elle disparaissait du Royaume et partait à l'étranger, soit elle priait Merlin et retournait en enfer pour les beaux yeux d'Albus... Il prit une grande inspiration et rassembla ses idées en se rappelant son objectif de départ.

Le serveur choisit ce moment pour réapparaître assiettes en main et sourire radieux sur le visage. Snape relâcha les traits de son visage et regagna en impassibilité. Ce moment et l'explication par le serveur des plats qu'il servait lui permit de gagner de précieux instants. Il écouta poliment et d'un oreille distraite l'homme présentant nems, samoussas et autres raviolis à la vapeur. L'odeur de cette cuisine exotique réveilla soudainement son estomac, et il se rendit réellement compte qu'il n'avait rien avalé depuis midi. Le serveur leur souhaita un bon appétit puis il fila discrètement vers une autre table.

- J'adore les samoussas.

C'était bien là la chose la plus personnelle qu'il lui ait dite jusqu'à présent. Le professeur prit un petit triangle frit et mordit dedans après l'avoir trempé dans la sauce adéquate. Si Miss Hassan ne connaissait pas la nourriture asiatique, elle verrait au moins comment il fallait la manger.

Néanmoins il ne lui avait toujours pas répondu.

Il attendit de s'être légèrement sustenté pour aborder le sujet. Cette fois il ne se priva pas. Il lui expliqua comment Karkaroff avait fui, et s'était caché dans les premiers temps. Pour mener une existence assez paisible il lui faudrait fuir. Le Seigneur Noir n'avait pas encore trop de partisans dans les pays du continent. Mais malgré cela elle devrait faire attention et supporter la brûlure de la marque quand Il l'appellerait. La brûlure durerait, serait lancinante, persistante, obstinée et douloureuse. Mais qu'est-ce que cela pouvait bien être face à quelques cruciatus ou à un sortilège de mort?

Tout en lui parlant de cette fuite il repensa à celle qu'il s'était figurée pour lui. Cent fois il y avait pensé. Un petit manoir en Périgord, en France appartenait à la famille de sa mère. Les Prince en avait fait un lieu de villégiature dans l'enfance de sa mère. Aujourd'hui il était fermé. Il n'y avait plus de prince pour s'en occuper. Ne restait que lui. Lui et ses allégeances. S'il avait pu, si tout s'était passé comme il en avait rêvé! Chaque été il irait avec Lily et leurs enfants. Ils y seraient heureux et tellement vivants! Mais ça ne se pouvait pas. Cela ne se ferait jamais, et le Manoir Prince resterait scellé magiquement jusqu'à ce qu'un descendant ne vienne l'ouvrir... Ces pensées lui faisaient autant chaud au cœur qu'elles l'attristaient.

- ... sinon vous espionnerez. Si vous restez vous serez seule. Vous ne pourrez compter que sur vous-même. Il ne faudra pas lâcher. Constamment vous devrez être sur vos gardes et vous méfier. Et surtout, surtout, vous ne devrez pas compromettre le travail que je mène auprès du Seigneur des ténèbres depuis tant d'années. Si jamais cela devait arriver, je n'aurais pas d'autre choix que de vous tuer moi-même.

Puis ayant lâché ces mots, il avala un ravioli fourré à la crevette.

- Votre travail consisterait à observer les mangemorts subalternes, à deviner les groupes et les partis qui sont pris. Tant que ce ne sont que Crabbe, Goyle et Avery qui seront à vos trousses, ça devrait aller.

- Mangez. se contenta-t-il de dire de manière laconique.

Longuement il l'avait observée pendant son discours. Elle avait goûté sans faire de grimaces, donc elle avait toléré ce qu'elle avait avalé. Après avoir fait patienter son estomac, tout son corps sembla dédié à l'écoute. Un bon point pour elle.

Lui confier qu'il "adorait" quelque chose avait pour but de la faire réagir, mais ça n'avait pas été le cas. Sa concentration l'étonna. La situation n'était pas simple pour elle et la décision à prendre ne devait pas l'être à la légère. Clairement il l'avait sous-estimée et finit par se convaincre qu'il passait trop de temps auprès d'adolescents impulsifs aux hormones déchaînées.

Lorsqu'elle baissa les yeux il décida que le moment était venu de briser définitivement le silence. cependant il ne savait pas trop comment s'y prendre pour ne pas être blessant. Autour d'eux il n'y avait plus grand monde et le temps semblait suspendu à ses paroles qui tardaient à venir.

- Je sais que c'est difficile. Mais... Albus pense que vous en êtes capable.

Le serveur choisit de faire son retour et débarrassa en un clin d’œil. Snape observa son manège tout en le comparant à l'un des elfes de Poudlard, ce qui ne manqua pas d'étirer le coin supérieur droit de ses lèvres en un rictus de contentement, chose rare. Lorsqu'il revint vers eux, c'était pour leur porter deux plats chauds fumant au senteurs exotiques.

- Mangez. répéta-t-il. Même si vous n'en avez pas envie, même s'il y a cinquante bonnes raisons de ne pas le faire, il faut vous forcer. Quand vous aurez commencé, vous aurez besoins de toutes vos facultés intellectuelles, et les repas ne nourrissent pas que les muscles.

Baguettes en main il commença à picorer dans son assiette fumante et avala sa viande de bon cœur. Bientôt la moitié du bol de riz disparut également.

- Je sais que vous allez le faire. L'idée doit à la fois vous exciter et vous transir de peur, ce pour des raisons qui vous appartiennent. Mais la décision vous appartient et je pense qu'elle penchera en faveur de l'action et non de la fuite.

Il continua à manger tout en réfléchissant. Même si effectivement la décision lui appartenait, il aurait aimé connaître les raisons qui pouvaient la pousser à choisir cette voie. Bien sûr il avait sa petite idée. Elle se confortait et allait certainement devenir une certitude, mais il aurait bien aimé qu'elle le lui dise elle-même. Complexe. Il ne pouvait ni le lui demander ni l'y forcer car cela le contraindrait à lui parler lui-même de ses propres raisons, ce qui était hors de question.

En fait, il se rendit compte qu'il avait envie de lui poser des questions mais que ce serait entrer dans une sorte de relation de courtoisie qui lui était étrangère par principe. Pour la première fois il se sentit contrarié de ce constat.

- Mangez Sofia.


HJ: sorry I'm late

- ... et ce qu'il nous fera dans les mois à venir si nous survivons. finit-il dans un souffle.

Il avala une dernière bouchée et s'essuya le coin de la bouche avec sa serviette. Quelque chose en elle le touchait. Ce n'était pas sa capacité à capturer le regard de ses interlocuteurs. Ce n'était pas non plus son physique relativement avantageux ou encore le fait qu'il pouvait la supposer érudite du fait de son métier. Il y avait autre chose mais il était incapable de mettre la baguette dessus.

- Malheureusement, maintenant que Potter est hors-service, il sera encore plus difficile de combattre l'hégémonie que va prendre le Seigneur Noir et le découragement de nos contemporains. La lutte sera inégale et il y a fort à parier que les convictions aussi fortes qu'elles puissent paraître seront fortement remises en question par la peur et le manque de repaires.

Le silence reprit ses droits lorsque le serveur débarrassa la table avant d'apporter les desserts.

- J'espère que ça vous a plu. leur lança-t-il joyeusement attendant au moins un hochement de tête.

- C'était parfait. répondit Snape .

Le petit homme épilogua, tout en empilant les assiettes et souriait. Il leur parla de son pays, de ses origines, de l'importance de la cuisine pour son peuple. L'occasion pour le professeur de réfléchir un peu. Lorsqu'ils furent à nouveau seuls, Severus s'aventura sur des terres inexplorées et prit une main sa compagne d'infortune dans la sienne. Point de douceur, point de caresse, juste comme ça, parce que sur le moment, ça lui avait semblé la plus juste des choses à faire.

- Evan avait rejoint le Lord Noir par conviction et ça ne lui a pas porté chance. Il n'est pas le seul. Mais l'inverse est également vrai. Certaines personnes n'ont pas rejoint ses rangs car ils étaient révulsés par l'idéologie véhiculée par les suivants de V... Vous-Savez-Qui. Ils n'en ont pas été plus épargnés. D'autres enfin l'ont fait dans l'unique but d'être enfin reconnu et de gagner de la puissance. Ils n'en sont pas mieux lotis. Les raisons d'un choix sont propres à chaque individu. L'engagement est complexe et n'apporte aucune garantie sur la vie sinon la paix de l'esprit.

Le petit homme s'approcha avec deux coupes de fruits exotiques et Severus en profita pour lâcher son emprise en baissant le regard. Il y avait tellement de choses à dire sur l'engagement, sur le sien, sur son changement de caractère et d'idéologie! Seule une personne le connaissait entièrement et c'était lourd à porter. Mais c'était comme ça. Même s'il n'était pas homme à se confier, il pouvait reconnaitre que le besoin s'en faisait parfois sentir. C'était le cas en ce moment. La douleur habitait son regard, c'était le moment où il était le plus vulnérable. Il avait essayé de répondre à la question de Miss Hassan à sa manière, sans amertume ou sarcasme.

Pour la première fois depuis le début du repas il n'attaqua pas directement son assiette. Ses yeux semblaient perdus dans la contemplation du plat.

- Je n'ai jamais dit une telle chose. dit-il en se levant.

Il enfila sa lourde cape et l'invita à se lever également.
Leur soirée n'était pas finie, et si elle n'avait pas été assez fine pour comprendre qu'il avait malgré tout répondu à sa question, c'était son problème. Lui grommelait encore après sa propre bêtise. Non que le fait d'évoquer son ancien amant l'eût perturbé, pas du tout. La remarque de sa compagne à ce sujet ne l'avait absolument pas touché.

Ce qui le chatouillait c'était que le fait d'avoir encore une fois dans la soirée repensé à elle. A chaque fois ça le remuait. Cette plaie ne cesserait-elle donc jamais de saigner? Pourquoi diable n'y avait-il aucun sort capable de soigner les plaies du cœur et de l'esprit? Vulnera sementa...Combien de fois l'avait-il utilisé celui-là? et pourquoi ne s'obstinait-il qu'à penser le corps? Il n'y a pas pire dans sa vie que de finir avec des regrets. Lui savait déjà que ce serait le cas et s'en trouvait médiocre.

Une fois habillé il se dirigea vers la caisse et régla l'addition. Le serveur lui fit plusieurs signes de tête d'approbation, serra chaleureusement sa mains en multipliant les courbettes. Au bout de deux minutes Severus put enfin s'arracher à ses bons soins et emmener Sofia avec lui. Il lui tendit son bras assorti d'un sourire gêné. L'air frais les accueillit en leur rappelant que l'automne était là.

Ils marchèrent en silence sur l'artère principale. Elle avait regagné un peu de calme. Les halls des théâtres s'étaient progressivement vidés. Tout semblait si paisible autour d'eux à présent. Ce n'était pas du tout la même histoire dans la tête de Snape qui repassait en boucle dans sa tête les dernières paroles de Sofia. Finalement, ça le gênait qu'elle puisse penser qu'il avait voulu la blesser, et se demandait si elle avait compris cette fois le simili d'excuse qu'il avait formulée en réponse. Avait-elle besoin de tant d'explicité?

- Je suis désolé. Je ne pensais pas vous faire de mal en parlant de votre défunt compagnon.

Un sentiment étrange s'empara de lui lorsqu'elle laissa échapper ses premières paroles. Une sorte de boule qui semblait s'être logée au creux de son estomac et qui avait failli le plier en deux. Au final il lui procura un certain soulagement mais il fut incapable de poser un nom dessus. C'était l'une des premières fois de sa vie qu'il éprouvait le soulagement, enfin pour être plus juste un vrai soulagement qui le touchait vraiment. C'était à la fois bon mais à la fois inconfortable. Il n'avait aucun lien particulier avec elle et pourtant elle lui avait fait des excuses apparemment sincères!

Il avait le temps de lui répondre. Curieusement il n'avait pas envie de lui répondre. Il voulait profiter de cet instant. Un instant rare où une femme s'accrochait à son bras sans y être forcée. Elle l'agrippait comme une bouée de sauvetage sauf que présentement, lui aussi la tenait comme telle et qu'il avait toujours refusé de se raccrocher à quiconque.

Parce que s'accrocher c'est y croire.
Parce qu'y croire c'est envisager une vie.
Parce qu'envisager une vie c'est imaginer un futur.
Parce qu'imaginer un futur c'est...

- Non. Pour l'instant l'Ordre ne sait pas trop où il va. Les idioties de Potter ont abattu les espoirs de certains et la confusion chez d'autres. Les allégeances vacillent. Nous aurons bientôt une réunion. Les questions du devenir de l'Ordre, de Potter et de la poursuite du combat seront au cœur des débats. Au final, si vous avez compris ce que j'essaie de dire, votre présence peut en rassurer certains. Voir que de nouveaux Mangemorts osent sortir du rang sera précieux.

Ils continuèrent de marcher en silence jusqu'à une impasse sombre. Sans lui demander quoi que ce soit il saisit sa baguette dans sa poche, ferma les yeux et se concentra sur un lieu précis. Lorsque tout se rematérialisa autour d'eux, ils étaient au pied d'une statue dorée, sous une sorte de mausolée néogothique. L'édifice s'élançait vers le ciel et était entouré d'escaliers aboutissant à une terrasse aux coins de laquelle' se dressaient quatre statues représentant un continent.

- Albert memorial. Ma mère m'emmena pour la première fois à Londres en transplannant ici. C'était assez risqué car contrairement à aujourd'hui il faisait jour. A cette heure-ci les grilles de Kensington Park sont fermées, nous pouvons continuer tranquillement.

Eileen Prince, bien que non moldue, fût une très grande amatrice d'Opéra. Exceptionnellement, un jour que son père fut appelé en renfort dans une cité industrielle voisine pour plusieurs jours, Eileen prit son fils et l'emmena assister à un grand Opéra donné au Royal Albert Hall qui était voisin. Severus découvrit une partie de la magie et du génie des moldus. Ces deux jours passés à Londres font partie des souvenirs heureux du Professeur qui ne les a jamais révélés et les a enfouis dans sa mémoire.

- Je n'ai pas trop envie de rentrer... glissa-t-il tout bas.

- Ne vous en faites pas trop pour ça. Vous avez bien vu. Ce ne sont pas des foudres de guerre qui sont derrière vous Sofia. Vous serez sans doute plus maligne qu'eux pour vous en sortir ou leur jouer la comédie. lui confia-t-il sans pour autant la regarder.

Ils laissèrent défiler les secondes dans un non-dit fort bienvenu. A sa remarque sur le Londres Moldu il comprit parfaitement la question qui se cachait derrière. S'il trouvait à présent la présence de Miss Hassan tolérable, il ne consentirait certainement pas à se dévoiler. Il préféra jouer les innocents et répondre dans un sens sans doute inattendu.

- C'est vrai. Je vous fais visiter si vous voulez, mais de façon moldue, donc à pied.

Il la garda à son bras et entama leur marche. Kensington Park se serra pour ouvrir sur Hyde Park. A cette heure-ci le poumon vert de Londres était des plus calmes. La nature endormie ne se préoccupa guère de ces deux visiteurs nocturnes qui progressaient à leur rythme sur les chemins de terre. Severus retraça l'histoire d'Hyde park par le menu. Ils en sortirent pour rejoindre Hyde Park Corner puis Green Park pour finir devant les grilles de Buckingham.

- Saluerons-nous la Reine? Cela nous changerait des Lords... fit-il avec une malice étonnante. Allez, on continue!

Le plaisantin entraîna sa touriste à sa suite et ils déambulèrent vers Westminster et Big Ben qui se dressait fièrement au loin. Leur rythme était effréné. Severus ne la laissa pas respirer et se laissa aller, décontracté, à raconter mille et une histoires relatives aux merveilles moldues offertes à leurs yeux. Il se montra passionné et intarissable, de culture, de démonstrations architecturales, peu avare en détails et noms plus ou moins connus. L'espace de ces heures il se sentit vivre. Bêtement. Simplement. De manière adolescente. Sa voix ne s'éleva pas comme d'habitude, mais l'intonation qu'il mettait rendait son discours intéressant, mettant en avant des qualités pédagogiques qu'il n'exprimait jamais en classe et qui auraient pu faire de lui un grand professeur.

Ils atteignirent Trafalgar Square presque essoufflés. Emporté par la légèreté de l'instant, il sauta le premier étage du socle de la statue de Nelson et atteignit le second degré. Il regarda Miss Hassan de l'air fier d'ancien de l'ancien Serpentard qu'il était et enfourcha l'un des quatre lions qui entouraient la célèbre colonne.

Si Albus le voyait... Malgré le froid il avait repris des couleurs et son œil gagné en pétillement. Pour une fois il avait lâché prise et s'était laissé aller. Et Merlin qu'il trouva ça bon! Il éprouvait du plaisir à être là, avec cette personne qu'il connaissait à peine mais qui l'avait suivi. Elle attendait de lui et il n'attendait rien d'elle. Pour une fois quelqu'un avait besoin de lui sans que Potter se trouve dans la balance et pour une fois il s'amusait... Il s'amusait. Il s'amusait comme un adolescent, libéré de tout le poids qui pesait d'ordinaire sur ses épaules...

Lorsqu'il s'en rendit compte, son regard reprit sa contenance habituelle et il resta bêtement assis sur le lion. Il y avait du défi dans l'image que cette position pouvait provoquer. Les préjugés inter-maisons ont la vie dure. Au bout de quelques secondes, son allure générale perdit de sa superbe et de son assurance. La réalité l'avait rattrapé.

Il est vrai que les hommes qui les avaient agressé dans le bar n'avaient pas représenté un vrai danger et qu'ils s'en étaient tout les deux bien sortis, même Sofia qui n'avait pas eu à se battre depuis des années. Mais elle avait quand même un peu peur parce qu'une chose était certaine, ces idiots au Trois-Balais n'avaient pas agis de leur propre initiative, quelqu'un leur avait ordonné de se lancer sur les traces de la jeune femme et ce quelqu'un devait sans doute être plus malin que ses trois acolytes ou au moins cette personne avait-elle une certaine emprise sur les autres, leur faisait peur ou quelque chose comme ça, suffisamment pour qu'ils lui obéissent malgré les risques. Enfin, quoi qu'il en soit, Sofia ne pouvait rien faire de plus pour l'instant et a vrai dire, elle ne voulait pas faire quoique ce soit d'autre que continuer cette petite balade nocturne dans le Londres moldu.

Cette ville offrait de nombreuses surprises à la sorcière qui voyait à présent les moldus d'un autre œil. Lorsque Sofia se décida finalement a poser sa question, Snape choisit de lui répondre, ce qui surprit un peu la jeune femme jusqu'à ce que les mots s'échappent de ses lèvres. Évidemment, il ne changerait jamais. Au lieu d'une vraie réponse, il se contenta d'acquiescer et de détourner son attention en lui proposant une visite guidée à pied. La brune soupira un instant en levant les yeux au ciel, pas parce que marcher lui posait problème, au contraire elle adorait ça, mais parce que l'homme à ses côtés semblait bien décidé a ignorer toutes les questions personnelles qu'elle pourrait lui poser. Mais comme elle ne pouvait pas y faire grand chose, elle accepta simplement son invitation, reprenant la marche à son bras, comme la chose la plus naturelle au monde.

Il l'entraina dans un parc immense, totalement vide en cette heure tardive, qui plut énormément à Sofia. Elle qui avait passé pas mal de temps l'an passé a chercher des coins tranquilles dans Londres pour réfléchir, elle trouvait dans ce parc un endroit parfait, du moins de nuit. Elle observait les alentours avec attention, écoutant d'une oreille distraite ce que lui racontait son guide mais comme il ne tarissait plus sur le sujet, elle finit par tourner les yeux vers lui, le visage neutre. Il n'aurait de cesse de l'impressionner, apparemment. Elle ne l'avait jamais entendu parler aussi longtemps de quelque chose d'aussi normal et aussi banal qu'un parc moldu. Elle repensa au moment où il avait évoqué sa mère un peu plus tôt, devant cette statue et se demanda si cette femme n'avait pas été une née-moldue, puisqu'elle semblait connaître tous ces endroits merveilleux et les avoir fait connaître à son fils. Pourtant, si cela avait été le cas, Snape n'aurait pas été un mangemort, n'est-ce pas ? Quelque chose d'autre se cachait là-dessous et Sofia était bien décidée à apprendre de quoi il en retournait même si ce n'était pas pour ce soir. Plus le temps passait et plus elle était déterminée a en apprendre plus sur cet homme, a apprendre tout, en fait, à son sujet. Même si, en soit, l'histoire de Hyde park ne faisait pas partie des choses qui passionnaient la jeune femme, l'entendre raconter par Snape en cet instant si étrange réussit du moins à capter son attention jusqu'à la fin, alors qu'il l'emmenait vers d'autres endroits dont une grande place pleine de constructions visiblement en mémoire de personnes ayant combattues pour le pays et dans un nouveau parc un peu moins grand, qu'ils traversèrent dans un silence total pour s'arrêter finalement devant des grilles noires. Ce monument au moins, Sofia le connaissait, au moins un peu. Buckingham Palace, la résidence de celle que les moldus reconnaissaient comme leur Reine.


«  Saluerons-nous la Reine? Cela nous changerait des Lords... fit-il avec une malice étonnante. Allez, on continue! »

La jeune femme ne put retenir un rire aux paroles de Snape mais elle n'en croyait pas ses oreilles alors qu'elle continuait de le suivre, toujours hilare et ayant un peu de mal a retrouver son souffle. Il venait de faire de l'humour et cela contrastait tellement avec le personnage qu'elle avait du mal a y croire. Pourtant elle riait toujours un peu tandis qu'il l'entrainait pour continuer leur route. Elle ne marchait presque plus par elle-même, se laissant mener par son compagnon, essoufflée mais étrangement bien. De temps en temps, son regard abandonnait pour une seconde le paysage pour se poser sur Snape et un grand sourire illuminait son visage tandis que l'homme parlait encore et toujours de toutes les choses qu'ils rencontraient, lui racontant toutes sortes d'histoires et d'anecdotes en rapport avec les monuments qu'ils voyaient. A la fin de la soirée, Sofia en aurait appris plus en une nuit sur le monde moldu qu'en 32 ans de co-existance avec eux. Il parlait avec tellement de ferveur, de passion, qu'elle se surprenait elle-même a être totalement passionnée par ce qu'il lui racontait. Elle n'aurait jamais imaginé qu'une telle personne se cachait sous cette apparence effacée et négligée. Il se révélait plein de connaissance, intéressant, passionné, agréable... Et Sofia n'était pas au bout de ses surprises.

En effet, lorsqu'ils arrivèrent sur une nouvelle place, bien plus grande que la précédente, Snape...sauta, littéralement, sur la base d'une statue et se tourna vers Sofia pour lui lancer un regard plein de défi, ce qui arracha un autre rire à la brune, et monta sur l'un des quatre lions qui entouraient la colonne. Faignant d'avoir été piquée par ce regard qui ranimait les querelles entre maisons, Sofia, sans vraiment réfléchir a ce qu'elle faisait, se hissa à la suite de Snape sur la colonne et se plaça derrière lui sur le lion. Ils riaient ensemble comme deux gamins, assis sur une monture peu commune. Dans un geste inconscient, Sofia passa même une main sur la taille de Snape. Elle n'en était pas vraiment certaine mais de toute évidence, ce geste avait ramené son compagnon à la réalité car quelques secondes plus tard il était redevenu exactement comme avant, plus tendu et en même temps plus vouté, il ne riait plus, Sofia se doutait même qu'il ne souriait plus du tout. Il était sortit de sa torpeur et redevenait l'homme froid qu'il avait été plus tôt dans la soirée. Sofia laissa retomber son bras contre le bronze de la statue et attendit quelques secondes supplémentaires. Il ne disait rien et ne bougeait pas mais la récréation avait l'air bel et bien terminée. Elle se racla la gorge afin de briser le silence qui commençait a s'installer et recula quelque peu pour laisser un peu d'espace entre eux avant de se laisser finalement glisser et de retrouver la terre ferme.

« Où m'emmènerez-vous à présent ? Demanda-t-elle une fois les deux pieds bien au sol, relevant le visage vers lui qui n'avait toujours pas bougé. »



(HJ : Je poste comme ça tant que j'ai internet, j'éditerais quand je trouverais une connexion stable, et désolée d'avoir mis autant de temps :/)

- Piccadilly.

Il avait prononcé ces mots sans réfléchir, toujours choqué et livide. Sans prononcer un mot de plus il descendit de sa monture et la rejoignit sur la place. Cette main serpentant sur sa taille lui en avait rappelé une autre et fait écho à d'autres souvenirs moins glorieux. Tout d'un coup, toute allégresse avait été expulsée de son être, tout comme la superbe de sa posture et le panache né quelques minutes auparavant. Severus était redevenu Snape et s'en voulut d'avoir montré cet aspect de sa personnalité recalé depuis de nombreuses années aux oubliettes de son âme.

Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait et il se retrouvait devant sa pire contradiction: jamais il n'avait pu noyer dans le Styx cette part de lui. Jamais il ne pourrait la perdre dans les limbes. Cette part de lui qu'il abhorait et qu'Albus s'évertuait à vouloir mettre en avant alors qu'il n'était rien d'autre qu'un meurtrier froid et calculateur. Une bête indigne de survivre aujourd'hui. La pire question qui le taraudait se glissa une fois de plus sous son gros nez crochu, le narguant comme le Serpentard qu'il était aurait très bien pu le faire: "Puisque tu ne peux pas te débarrasser de moi Snape, que vas-tu faire de moi? Crois-tu que nous puissions cohabiter?"

Un soupir profond s'échappa de lui. Une chappe de plomb lui était retombée dessus. Ses muscles s'étaient retendus instantanément. Son dos se voûté et accentua la maigreur de son être. Il s'enveloppa dans sa cape noire en caricaturant lui-même la chauve-souris à laquelle on le comparait. Le long de son bras glissa sa fidèle baguette. Il s'en saisit par réflexe. Un geste rassurant par habitude. Les secondes paraissaient éternité. Il fallait reprendre la marche, esquiver les questions, toujours. Eviter de répondre, encore. Le poids des années passées dans cette configuration paranoïaque l'acheva et l'emmena au bord du malaise. Il eut toutes les peines du monde à ne pas s'écrouler tant ses jambes menaçaient de lâcher. Il se sentait flageoler, seul son orgueil eut l'autorité nécessaire sur son corps pour résister et ne rien montrer de son état à cette fille...

Car elle n'était rien de plus qu'un danger potentiel. Une source d'ennuis en puissance. Il s'efforça à ne pas la regarder. Elle n'était rien de plus qu'une menace. A aucun prix il ne fallait lui céder de terrain. Bientôt elle ne serait qu'une poupée de chiffon pour le Maître. Une nuisance. Un prix offert à la perversité des pires d'entre eux. Il ne pourrait rien pour elle. Mais pourquoi vouloir quelque chose pour elle?

Pourquoi ne pas... Ses doigts dessérèrent leur étreinte sur l'ébène quand l'idée lui parut immorale...

Il fallait lutter pour rester stoïque tant sa nervosité était à fleur de peau.

Il se remit à marcher en fixant toujours un point à l'horizon. Plus question de s'attarder sur des détails architecturaux. La pluie se mit à tomber lorsqu'ils arrivèrent sur Haymarket. Ils s'abritèrent sous le porche du Théâtre Royal. Snape s'appuya sur une des larges colonnes et souffla. L'averse redoubla d'intensité et les confina sur ces quelques mètres carrés. Le silence retomba.

C'était un peu comme s'ils avaient remonté le temps. Le Severus droit et fier, qui parlait avec un tel enthousiasme, une telle passion, avait complétement disparu, laissant la place à l'homme sombre et froid que Sofia avait toujours connu. Le changement avait été si brutal... Et la Mangemort se sentait responsable de ce retournement de situation qui avait précédé de trop peu son geste. Cet homme était comme un petit animal craintif qu'il fallait apprivoiser doucement et elle avait presque réussi, mais au premier geste brusque tout était perdu.
Dès lors qu'il avait quitté sa monture dorée, tout en lui était redevenu sombre et fuyant. Et comme elle ne pouvait lire dans son esprit, elle était persuadée que c'était son geste un peu trop familier qui avait provoqué cela. Alors, en accord avec l'apparence de son compagnon de route, Sofia perdit son grand sourire et se tendit de manière parfaitement perceptible.

Il répondit tout de même à sa question, soufflant le nom d'un lieu qu'elle ne connaissait pas, avant de reprendre la route. Elle s'élança à sa suite, marchant un peu en retrait. De toute façon, il ne parlait plus et elle se voyait très mal reprendre son bras et lui poser des questions comme si rien n'avait changé. Alors ils marchèrent en silence et l'on aurait cru voir deux étrangers s'ils n'avaient pas été si proches et qu'ils n'avaient pas été dans la même direction.
Une pluie fine commença a tomber doucement alors qu'ils arrivaient à ce qu'il sembla à Sofia être leur destination puisqu'il s'arrêta et s'abrita sous un bâtiment aux multiples colonnes. Elle le suivit sans dire un mot. La pluie tombait de plus en plus fort, brisant à elle seule le silence pesant qui s'était installé. Sofia n'osait même pas bouger, elle était trop tendue, droite comme un « i » et prenait grand soin de ne pas regarder vers Snape. Elle savait que ce serait encore à elle de relancer la conversation, et encore, elle n'était même pas certaine qu'il lui répondrait, et que si elle ne le faisait pas, ils resteraient silencieux tout le reste de la nuit ou bien il mettrait fin à cette soirée. Et c'était la dernière chose qu'elle désirait pour l'instant. Elle s'était sentie si bien, tout à l'heure, avec cet homme étrange qui avait accepté de se dévoiler à elle...Une idée un peu étrange s'était même, l'espace de quelques secondes, insinuée dans son esprit.

Depuis qu'Evan était mort, précédent de peu Voldemort, Sofia n'avait jamais connu d'autres hommes plus d'une nuit durant. Il faut dire qu'elle se l'interdisait et pas uniquement parce qu'elle aimait toujours son défunt fiancé mais aussi et surtout parce que son corps portait sa honte et sa fin. La Marque des Ténèbres sur son bras gauche la mènerait droit à Azkaban si quelqu'un la voyait. Et même si sa véritable allégeance n'allait pas à Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, ce serait difficile a expliquer. Elle ne pouvait permettre à personne d'entrer dans sa vie, de la connaître vraiment, et même les quelques hommes qu'elle avait connu intimement depuis la mort d'Evan ne l'avait jamais vu complétement nue, toujours obligée de cacher ce bras traitre. Mais ce soir, elle n'y avait pas pensé une seule seconde, et même si l'idée lui traversait l'esprit à un moment ou à un autre, ça n'était pas un problème puisqu'il portait le même tatouage, au même endroit. Et à en croire le comportement si contrasté du Mangemort à ses côtés, il en avait été de même pour lui. Ensemble, ils avaient pu être eux-même l'espace de quelques heures, sans penser aux implications de leurs choix passés Alors oui, Sofia s'était dit une seconde que peut-être... Elle osa un regard vers Snape et soupira discrètement. Non, cette idée était stupide, il valait mieux l'oublier tout de suite, avant qu'elle ne s'impose un peu plus. Son regard se reposa devant elle, où elle ne voyait plus que la pluie tombant à grosse goutte .

Elle avait toujours beaucoup aimé la pluie, depuis toute petite, au point que parfois alors qu'elle n'était encore qu'une enfant insouciante, elle sortait dehors lors des averses et restait sous les gouttes jusqu'à être totalement trempée. D'ailleurs, ça ne lui était pas arrivé depuis des années. Elle ne connaissait plus ce plaisir simple, elle n'avait plus le temps et plus le moral pour ce genre de chose. Tandis que cette sombre pensée traversait son esprit, une autre idée saugrenue lui vint en tête. Ce soir, Snape lui avait montré une partie très personnelle de sa vie, liée à sa mère et donc à son enfance. Et à présent, l'occasion lui était donné de faire de même. Il y avait peu de chance pour qu'elle réussisse a recréer la même situation que celle dans laquelle ils se trouvaient quelques minutes plus tôt, Snape semblait bien plus disposé a se renfrogner tout le reste de la nuit. Ce ne serait pas chose facile, mais qui ne tente rien n'a rien, pas vrai ? Deux solutions s'offraient à elle et elle n'avait aucune idée de laquelle choisir pour tenter de lui faire à nouveau baisser sa garde. Il y avait peu de chance qu'il la suive si elle le lui demandait tout simplement. Lui restait donc la provocation.

Rapidement, elle défit les boutons de sa veste et la laissa tomber sur le sol, dans l'espoir que le bruit amène Snape a regarder vers elle. Le froid l'attaqua immédiatement mais elle n'y prêta pas attention et se contenta d'avancer d'un pas décider vers la rue, abandonnant son abris. Il ne fallut pas plus de quelques minutes pour qu'elle se trouve totalement trempée. Elle leva la tête vers le ciel, offrant son visage aux gouttes glacées qui déferlaient tranquillement sur sa peau pâle, s'insinuant entre ses lèvres étirées d'un large sourire. C'était tellement bon.

« Vous devriez essayer, c'est très vivifiant ! Lança-t-elle au Mangemort qui n'esquissa pas le moindre geste. Alors quoi, on a peur de se mouiller, Severus ?! »

Elle insista sur son prénom, qu'elle accompagna d'un regard provocateur. Elle lui lançait un défi, elle cherchait une réaction de sa part, n'importe quoi aurait fait l'affaire, du timide sourire au bruyant éclat de voix, tant qu'il lui offrait autre chose que ce visage froid et impassible. Elle ne voulait pas admettre sa défaite aussi rapidement et tentait là son dernier coup pour le faire s'ouvrir encore un peu à elle. Cette nuit avait été comme une pause dans sa vie morne et elle comptait bien faire durer ce moment aussi longtemps que possible.

[HJ: Désolée, je sais je réponds trop vite ou trop lentement x) mais prends ton temps, je ne suis pas pressée, j'avais juste envie de répondre maintenant x) ]

Il hésita.

Non pas qu'il voulut la rejoindre.

Il hésita sur la meilleure manière de lui répondre, même si dans sa tête une idée se dessinait nettement. Il était taraudé par les sentiments les plus contradictoires que provoquait la proximité de cette femme. Fuir lui semblait l'option la plus raisonnable pour tous les deux. Ils pourraient préserver l'essentiel. Cependant, quelques minutes auparavant il avait eu envie de lui lancer un sortilège d'oubliettes pour effacer irrémédiablement ce qu'elle avait vu de lui. Il pourrait continuer à se protéger. Rien de tout cela n'était rationnel. Mais au fond avait-il vraiment quelque chose à protéger vis à vis d'elle? Impossible de faire la part des choses. Peu à peu il se sentait pris dans une toile d'araignée tissée par les différents marionnettistes qui manipulaient les fils de sa vie. Alors il décida de laisser parler son instinct, et de laisser libre cours à la pensée qui prenait peu à peu dans son esprit.

A présent, il avait peine à dissimuler un sourire face à cette idée saugrenue. Et elle, elle dansait presque sous la pluie. C'était un jeu dangereux et il en était parfaitement conscient. Pendant qu'il finissait de peser le pour et le contre, la pluie continuait à ruisseler sur Miss Hassan qui semblait légère, lui dévoilant un morceau de son âme d'enfant.

Pour la forme il resta de marbre.

Elle continuait à virevolter sous la pluie et le provoqua en paroles. Il n'avait pas oublié qu'elle l'avait rejoint dans son délire tout à l'heure et que lui ne lui avait rien demandé. Mais il n'était pas ce genre de personnage exalté et romanesque, du moins s'en défendait-il.

Snape se pencha et ramassa la veste abandonnée. Lorsqu'il se redressa, il sortit sa baguette et la braqua sur Miss Hassan. Tout esquisse de sourire s'évanouit de son visage lorsqu'il lança son informulé. Un halo de lumière pourpre accompagna le sort qui s’abattit sur le buste de la jeune femme. En l'espace d'un instant, la lumière envahit le fin tissu de sa chemise mouillée et la décolla du corps de la jeune femme. Elle s'insinua lentement en lui pour le faire disparaître.

Les gouttes de pluies roulaient à présent sur la peau nue et blême de la jeune femme. Le regard de Snape parcourut le haut de ce corps à demi dévoilé qui s'offrait à sa vue sans aucune honte, jusqu'à aboutir sur la marque. Il s'y appesantit et leva à nouveau sa baguette pour la pointer sur le bas de la jeune femme qui se retrouva rapidement en sous-vêtements. Il la laissa patauger dans sa condition un instant avant de lui répondre finalement.

- Je doute qu'un mot d'absence pour hypothermie soit une excuse valable auprès de Vous-Savez-Qui.

Un dernier sortilège informulé fit léviter la jeune femme jusqu'à lui. Il laissa passer quelques secondes et passa les bras autour d'elle pour la couvrir de son manteau et lui redonner un peu de chaleur. La laissant se réchauffer, il s'occupa de faire réapparaître ses vêtements et de les sécher. Il ne voulait pas être le briseur d'instant mais sentait bien qu'il avait endossé ce rôle. Il ne regrettait absolument pas ses actions, et profita de ses instant à part pour tourner son regard vers elle. Lorsqu'il revint vers elle, son regard ne cilla pas.

Un rictus naquit au coin droit de ses lèvres lorsqu'il lui rendit ses vêtements. Mais il s'évanouit avant qu'elle ne puisse les enfiler. Non sans une certaine douceur, il écarta le bras gauche de la poitrine de sa victime et le tendit vers lui. Il n'essaya nullement de frôler son sein et évita toute ambiguïté dans son geste. Il fut simplement assez ferme pour l'obliger à obtempérer sans l’effrayer. Elle devait suffisamment fulminer pour risquer des représailles qu'elle lui avait jusque là refusées à sa grande déception. Au minimum il s'était attendu à une gifle. Cette absence de rébellion lui confirma qu'il commençait à exercer une certaine emprise sur elle.

Ceci fait, il exécuta la même action avec son propre avant-bras. Leurs marques semblaient se contempler à présent.

- N'en ayez pas honte devant moi. Si vous cherchez à vous repentir, vous ne devez pas avoir honte car de nous deux, je suis celui qui doit avoir le plus d'opprobre. Les autres ne devront voir que fierté dans vos yeux ou ils comprendront.

Il se recula et rajusta soigneusement ses vêtements pour dérober sa marque aux mauvais regards. Apparemment il avait vu juste. Il savait ce qu'elle ressentait, et il le ressentait de manière démultipliée puisque sa qualité de mangemort avait été rendue publique lors des différents procès d'après-guerre. Les gens savaient sans avoir besoin de voir. Les élèves devinaient peut-être, mais il devaient certainement avoir beaucoup de mal à imaginer cette bête humaine impliquée dans une relation charnelle. De ce côté-là, la chauve-souris des cachots lui rendait service. Ses collègues l'évitaient le plus possible ou s'en tenaient au strict minimum de la politesse en sa présence.

Contrairement à Miss Hassan, Snape s'en était toujours tenu aux bordels de l'Allée des Embrumes pour satisfaire ses besoins primaires. Là-bas, nul besoin de cacher sa marque, d'ôter sa chemise, ou même de courtiser dans un vain espoir. L'issue était déjà acquise. C'étaient des lieux infâmes, mal fréquentés et à la propreté douteuse. Mais la seule chose qu'on regardait vraiment chez lui, c'était son argent. Et comme il n'avait jamais cherché à établir une vraie relation depuis la mort de Lily, il n'avait jamais eu à se cacher des yeux colériques ou apeurés d'une jeune sorcière bien comme il faut.

Il chassa ces pensées en secouant la tête. Il était à deux doigts d'aborder la nouveauté et c'était dangereux. Chaque plongée dans ces yeux l'éloignait du rivage de la rationalité. Son souffle s'accélérait. Il détourna le regard, une nouvelle fois. Il n'avait plus 17 ans . Sa chance était passée à cette époque là.

- En route, voulez-vous?

Comment lui dire que ce n'était pas sa parole qui lui importait, que ce n'était pas pour lui qu'il disait ça? Pour une fois il n'était pas égocentrique. Comment lui dire qu'elle n'était pas lui et qu'elle avait une chance d'y croire?

- Piccadilly est de l'autre côté.

Ce n'était pas brillant comme début, mais au moins il avait répondu rapidement. Il la força à s'arrêter en tirant sur son bras. La pluie ruisselait à présent sur son visage. Elle était perturbée. Il l'avait apparemment touchée, mais pas comme il l'espérait. Encore une fois il était tombé à côté de la plaque et lui aussi était touché.

Il l'entraîna à nouveau à l'abri du porche du théâtre et les arrêta à nouveau là, de manière volontaire. Il y a tellement de choses qu'il voulait dire qu'il ne savait pas par où commencer. Aucune parole ne pourrait le racheter sans doute.

- Je ne vous crains pas. Je crains pour vous. affirma-t-il. Tant de fois déjà il avait usé de pirouettes pour se sortir de situations compliquées qu'il ne pouvait finalement pas craindre un écart de mots de la part d'une personne si insignifiante pour le Seigneur Noir.

C'est le moment qu'il choisit pour faire une folie douce. Il recula de quelques pas sous la pluie. L'eau pénétra rapidement le tissu de sa cape qui ne tarderait pas à peser aussi lourd que ses soucis.

Il l'ôta et la lança sur Sofia, laissant volontairement sa baguette à l'intérieur, puis il défit chaque bouton de sa veste qu'il lui lança également. Son écharpe suivit, et bientôt il se retrouva en chemise, relevant le menton pour faire face à la pluie qui tombait toujours et dévalait sur ses joues. La sensation lui rappela celle de larmes coulant inexorablement. Il en avait tant versé à une certaine époque que cette vérité brute aurait pu faire pâlir n'importe quel Serpentard au cœur sec. Il se dévoilait au sens propre.

Il la regarda sans ciller.

- Vengez-vous.

C'était étrange et nouveau pour lui de se sentir coupable au présent. Miss Hassan se trouvait encore devant la porte d'entrée du théâtre. Elle ne ressemblait en rien à une de ses précédentes victimes. Elle était bien vivante. Alors pourquoi ressentir cette gêne envers elle?

Il resta au sol en la fixant d'un regard moqueur et fit mine d'y être bien installé, reposant sur ses coudes, et la considérant ainsi pendant quelques secondes. Le ciel semblait pleurer de rire sur lui mais il ne semblait pas vexé. Au contraire, il transpirait la décontraction et l'assurance. Il n'y avait pas d'insouciance en lui, pas plus d'anxiété que d'habitude, juste de la décontraction. Il profitait de l'instant à nouveau et l'instant lui soufflait des idées saugrenues, des idées d'adulte pour une fois, et non d'adolescent tourmenté.

La demoiselle tendait la main pour l'aider à se relever, et lui prit un malin plaisir à la faire attendre pour reprendre l'ascendant dans le jeu, car c'en était un à présent.

- Tiède en ce qui vous concerne.

Il finit par la saisir feignant la mauvaise grâce mais se releva en étirant ses lèvres dans un sourire sardonique. Mais autour d'eux le temps changeait et ruina leur partie.

Le ciel de Londres se chargea d'électricité à présent. Big Ben fit retentir minuit dans la nuit. Le son semblait résonner sur tous les murs de la capitale, et fut bientôt suivi de nombreuses rayure hachurant la nuit. Les éclairs semblaient tomber de toutes parts et se resserrer autour d'eux. Certains inondaient Trafalgar à première vue, et d'autres paraissaient se concentrer sur Piccadilly, leur destination première.

Snape se rhabilla rapidement sans prendre le temps de se sécher, pressentant l'anormalité de ce changement brutal de temps. Ses sourcils se froncèrent lorsque des explosions se mirent à retentir.

A cette heure là il y avait encore beaucoup de monde dans les artères touristiques de Londres, surtout fin août...

Malheureusement il n'eut pas le temps de faire part de ses doutes à Sofia. Un puissant jet de lumière verdâtre s'éleva dans les airs et dessina une triste confirmation: la marque des Ténèbres flottait au firmament de la capitale anglaise.

Un raid moldu et il n'en savait rien, le tout après l'attaque qu'ils avaient subie ce soir... C'était étrange, trop étrange. Il fallait agir. Et ils n'avaient que deux possibilités: rejoindre l'infâme ou se mettre à couvert. Les idées fusaient dans l'esprit de Severus. Ils ne pouvaient pas se montrer tous les deux et surtout arriver concomitamment. Ce serait leur perte!

Il reprit la main de Sofia dans la sienne et l'attira en vitesse vers le théâtre fermé qu'il connaissait si bien. Quelques sortilèges plus loin il se retrouvèrent à l'abri, dans l'obscurité. Les vitres du hall laissaient entrer seules les lueurs des réverbères qui étaient déjà bien atténuées par le porche et cachaient à l'un le visage de l'autre.

Avec un peu de chance, l'attaque ne toucherait que les points névralgiques de la ville, et le théâtre dans lequel il s'étaient réfugiés n'en était pas un. Il avait envie d'y croire pour une fois. Il s'appuya contre un mur du hall et souffla, inquiet.

Son cœur battait à tout rompre. Cela ne présageait rien de bon. Il lâcha la main de sa compagne d'infortune et plongea son regard dans le sien avant de chasser ses pensées et de sécher ses vêtements grâce à sa baguette. Il n'osait pas prendre la parole ni rester trop longtemps dans ses yeux.

C'était pourtant lui le Mangemort expérimenté, celui qui était censé la rassurer, la former, lui apprendre à espérer même si lui n'y croyait pas. Au final il gambergeait et n'y avait plus aucune assurance en lui, juste une haine qui commençait à le consumer. Impossible de savoir pourquoi. Il était juste en colère. Contre tout, contre lui, contre le monde entier, contre la vie qui semblait s'acharner sur lui pour une fois qu'il passait une soirée convenable.

Il refusa. Pour une fois il décida de ne pas se soumettre et de faire son propre choix.

Lorsqu'il leva les yeux vers Sofia il ne se demanda même pas pourquoi il ne l'appelait plus que Sofia et non plus par un Miss Hassan convenable, même quand il ne faisait que penser à elle.

Un regard sybarite la déshabilla... Il pouvait sentir son cœur s'emballer avec le flot de pensées qui ruinait sa raison et toutes ses bonnes raisons. Il avait choisi.

Il s'approcha d'elle sans ne plus réfléchir et laissa parler ses pulsions. Il glissa un bras autour de sa taille et l'entraîna dans les coulisses du théâtre en se penchant vers elle. Lorsqu'il sentit son souffle sur son visage il faillit reculer, mais comme elle ne résista pas, il continua et effleura ses lèvres des siennes. Ce fut un choc pour lui de se sentir bienvenu au paradis. Les derniers remparts de sa peur s'évanouirent sous les délices du contact, et il l'emmena dans une loge.