Cormac avait quitté la bibliothèque épuisé, la main tellement engourdis qu'il oublia même son petit plaisir du soir -enfin plutôt, qu'il changea de main- mais fier du travail accompli. Grâce à Terry, il avait terminé tous ses devoirs et même s'ils avaient quitté la pièce à une heure avancée, à présent, Cormac était libre pour un moment. Enfin, pas tant que ça si on comptait sur l'assiduité de Terry ...

Pour lors, il avait envoyé un hibou au bleu et bronze pour lui proposer une partie. Lui aux buts et Terry à l'attaque, ça promettait de les remuer un peu. Cormac avait besoin de ça après sa dure journée studieuse. Il arrive le premier sur le terrain et profita de la vacuité de celui ci pour se mettre en tenue décontractée et attraper son balais.

Sans attendre que son ami arrive, il frappa le sol de sa botte et monta en flèche, poussant la vitesse de son balais de course pour passer à travers les anneaux avant de redescendre en piqué après un ou deux looping. Voila qui déliait un peu ses muscles engourdis par cette plume démoniaque qu'il avait tenu plus longtemps que jamais auparavant sans faire de pause.

Seul face au terrain, il frôla l'herbe et lâcha les bras comme il le faisait souvent dans ses petites sorties du samedi matin. Le dos droit et la tête relevée, il hurla un peu, en guidant le balais uniquement avec ses cuisses, slalomant entre deux ou trois papillons égarés.

Après quelques minutes à batifoler parmi les insectes peuplant le ciel entre le sol et le haut des gradins, Cormac atterri et alla jusqu'aux vestiaires pour trouver le coffre contenant des balles. Il le déverrouilla d'un sort, sortant sa baguette de sa manche, et attrapa le Souaffle avec lequel il commença à jouer, le lançant avant de le rattraper.

Il grimpa à nouveau et décolla, rejoignant les buts avec sa balle sous le bras. De loin, il apercevait une silhouette s'approcher du terrain. Ca devait être Terry. Aussi, Cormac abandonna la balle sur un gradin et contourna les tentures qui fermaient le terrain pour rejoindre le chemin de graviers sur lequel cheminait son ami.

Il le nargua un peu en volant trop haut, trop bas, trop près avant de faire des tours autour de lui, cherchant à lui donner le tournis. Lorsqu'il fut satisfait de ses petits acrobaties, il repartit de plus bel vers le ciel, tournoyant virevoltant, virant à volonté, présentant à Terry une sorte de ballet aérien censé l'impressionner.

Il l'accompagna ainsi jusqu'à la porte des vestiaires avant de se poser à ses côtés. Il passa une main dans ses cheveux ébouriffés par le vent et lança un beau sourire au jeune homme avant de lui envoyer un petit coup de poing sur l'épaule pour le saluer.

"Alors, Terry, prêt à jouer ?" proposa-t-il en riant.

Cormac vit fondre Terry une première fois, voyant arriver la feinte et la contrant sans trop de problème. La deuxième fois, alors qu'il relançait le Souaffle avec force sur le brun, il fut leurrer par une feinte de corps que Terry semblait extrêmement bien maitriser. Il se promit de se souvenir de ce coup pour un de leurs futurs matchs l'un contre l'autre.

Seulement, lorsqu'il renvoya la balle écarlate au bleu et bronze, le choc le brusqua un peu et il fut secouer par la force. Alors qu'il vacillait sur son balai, sa paire de lunette rectangulaire glissa de l'arrête de son nez droit pour tomber dans le vide.

A moitié aveugle, Terry plongea en piquée dans le vide, cherchant à tâtons ses lunettes, comme un Attrapeur borgne. Cormac hésita un instant à intervenir, mais voyant combien le brun était déterminé à les rattraper lui même quitte à s'écraser sur le sol en se brisant le visage et en liquidant au passage son cerveau et tout ce qu'il contenait.

Du coup, Cormac sortit sa baguette magique et ralentit la chute des lunettes, permettant ainsi au brun de les attraper avant de remonter en chandelle, manifestement fier de lui. Alors qu'il les remettait sur son nez, Cormac rangea sa baguette rapidement et s'empressa de venir à sa rencontre.

"Pas mal, pas mal, Boot !" répondit-il innocemment, "ça fait 1-1, tu es prêt pour la suite ? Un conseil, accroche bien tes lunettes, parce que tu me remettra pas un but de si tôt !"

Cormac lança le Souaffle à son ami, un peu plus lentement et avec moins de force cette fois-ci, et repartit dans les buts avec vigueur. Les trois prochains tirs, il les arrêta sans trop de problèmes, commençant à percevoir le jeu de son adversaire. Au quatrième, il faiblit un instant et choisit le mauvais côté, orienté à tord par le regard trompeur du bleu et bronze.

Il venait de comprendre un autre détail de la personnalité du brun. C'était un cérébral. Même dans le sport, il réfléchissait, surement beaucoup trop mais surement plus que Cormac qui jouait d'instinct. C'est comme ça qu'il finirait par le piéger ...

Alors que Terry s'élançait à nouveau pour tirer, Cormac s'arrêta net dans son mouvement, laissant délibérément le bleu et bronze marqué au lieu de plonger pour récupérer la balle avant qu'elle ne franchisse l'anneau.

Pétrifié, comme soufflé par l'effroi, Cormac sentit son corps se tendre et un frisson glacé glisser le long de son dos. Son coeur devint lourd et pesant dans sa poitrine, tressautant de tiraillements mélancoliques.

Il se sentait bizarrement seul et profondément affligé. Des souvenirs de sa première année, alors que tout le monde se moquait de sa grande taille et de ses bras trop longs qui pendaient contre ses cuisses, remontèrent dans sa gorge et sa trachée se contracta.

Pris de nausées, il revivait la souffrance de se sentir persécuter, d'être celui que l'on montrait du doigt en ricanant. Il revoyait sa mère lui envoyant chaque semaine une lettre et les perturbateurs qui faisaient de sa vie un enfer, attraper son hibou pour arracher la missive et la déchirer avant d'y mettre le feu.

Il entendait leurs moqueries à travers leurs rires rauques et gras, résonnant dans les couloirs vides alors qu'il implorait qu'on le laisse tranquille. Trop empoté avec son corps grandi trop vite et trop mauvaise en sortilège pour se défendre de sa baguette, il se faisait inlassablement brimé par plus fort que lui.

Cormac essaya de chasser ses souvenirs et d'ouvrir ses paupières qui se fermaient imperceptiblement sur ce qui hantait sa mémoire. Au loin, dans la brume glacée qui venait d'envahir le terrain, il voyait une ombre flottée dans le ciel.

En face de lui, Terry semblait également affecté et en plissant les yeux pour distinguer les formes de l'ectoplasme, il reconnut un Détraqueur ... Il n'était pas dans le caractère de Cormac de paniquer, aussi, il ne prit pas la fuite sur son balais alors que le spectre fendait la pénombre, se dirigeant vers eux.

Fondant sur son ami qui chancelait sur son balais, le blond éluda la scène qui défilait dans son esprit, oubliant la mort de son hibou, empoisonné par un Serpentard qui prenait particulièrement plaisir à lui faire du mal.

Les bras lourds, les cuisses crispées autour de son balais, Cormac vola vers Terry et le rejoignit en quelques secondes, soutenant le bleu et bronze en passant un bras autour de sa taille. Il aurait voulu hurler pour lui dire de faire quelque chose, de se battre contre les ténèbres et de ne pas laisser le Détraqueur prendre l'avantage, mais ses paroles restèrent bloquées dans sa gorge.

Lentement, il se laissa à son tour envahir par la souffrance et la détresse dont il faisait preuve dans ses jeunes années au château. Il oublia le personnage depuis longtemps devenu respecté et apprécié, le séducteur invétéré, le comique toujours prêt à jouer un mauvais tour, le charismatique gardien de l'équipe, et il se retrouva dans la peau du jeune Cormac surnommé le Troll par ses ainés, qui peu à peu, tombait dans le néant, abandonnant ses dernières forces à l'horreur de ses souvenirs qu'il revivait à l'infini.

Cormac sentit ses muscles lâchés et ses forces l'abandonnant quand Terry qu'il avait soutenu jusqu'alors, prit le relai en l'entrainant à son tour vers le sol pour atterrir brutalement sur la pelouse à présent recouverte d'un film de givre blanc et froid. Guidé par le corps frêle du jeune homme contre son flanc, Cormac mit pied à terre, l'esprit embrumé dans ses souvenirs.

Terry l'entraina dans les vestiaires, mettant ainsi de la distance entre le Détraqueur et eux, réduisant la sensation de froid qui gelait leurs membres et leurs âmes et l'impression de ne plus jamais avoir envie de sourire qui envahissait leurs coeurs. A mesure que les deux garçons s'éloignaient, Cormac sentait ses forces revenir et son esprit sortir de la brume.

Il se ressaisissait en même temps que Terry le secouait, fermant brusquement la porte des vestiaires derrière eux avant de s'assoir lâchement sur le banc et de se redresser presque aussi sec pour parler avec ferveur, le poing serré.

Il expliqua à Cormac son plan qui consistait à lancer un sortilège de Patronus pendant que le blond ferait diversion. Cormac ne savait pas s'il en serait capable, mais comme souvent, il ne se posa pas la question bien longtemps. Avec une détermination quasi palpable dans le regard, il attrapa son balais avant de plonger son regard dans celui du brun.

"T'inquiète ! Je vais te donner le temps qu'il te faut, fais moi confiance !" assura-t-il.

Avant qu'il ne parte vers la porte, Terry s'approcha de lui et l'enlaça avec fermeté. Cormac répondit à son étreinte avant de frapper énergiquement son dos pour s'écarter, le coeur apaisé, serein.

La chaleur des bras de Terry autour de son torse redonnèrent foi à Cormac et il reprit espoir de combattre la créature des ténèbres. Saisissant son balais, il entrouvrit la porte et se glissa dans le stade où flottait toujours l'obscur spectre.

Enjambant son balais, Cormac frappa le sol de son pied et, combattant le froid qui l'envahissait à nouveau, chassant les souvenirs qui revenaient devant ses yeux, il décolla, narguant le Détraqueur en passant à quelques centimètres de lui. Le coeur lourd et les membres ankylosés, il se battit contre l'envie d'abandonner et de se laisser happer par la créature, tournoyant dans les airs pendant de longues secondes.

Terry ne venait toujours pas. A mesure qu'il passait tout près du spectre, il sentait ses forces diminuées. Il ne tiendrait pas longtemps mais l'image de son ami qui comptait sur lui pour réussir son Patronus le força à s'accrocher. Lorsqu'il ne put plus s'opposer à la volonté du Détraqueur et qu'il cédait sous les assauts de sa mémoire, il perdit de l'altitude. Ses paupières papillonnaient et il perdait peu à peu le contact visuel.

A bout de force, les dents et les poings serrés, il perdait de l'altitude, se rapprochant dangereuse des ténèbres. Pourvu que Terry se dépêche, se disait-il, se persuadant à maintenir son balais entre ses cuisses, encore un peu, pensait-il, encore un tout petit peu plus longtemps.

Cormac ouvra douloureusement les paupières sans oser bouger un autre muscle de son corps avant d'avoir fait une mise au point de la situation. Son esprit était embrumé mais les souvenirs revenait par bribes.

D'abord les mauvais, qu'il avait tellement enfoui depuis des années que leur remontée à la surface n"était que plus douloureuse et incisive. Mais contrairement à tout à l'heure où une force démoniaque l'acculait dans les ombres de sa mémoire, il parvint à chasser les mauvais souvenirs assez facilement.

Derrière tout le pelle-mêle de ses émotions contradictoires, comprenant la peur et l'appréhension, la honte et l'humiliation, l'envie de revanche ou même la satisfaction de la vie vécue depuis lors, Cormac réussit à se rappeler ce qui avait engendrer toute cette pagaille.

Un Détraqueur était venu sur le terrain alors qu'il s'entrainait avec ... Terry ! Le rouge et or se leva alors immédiatement, se redressant brusquement sans ne plus porter aucun intérêt à une éventuelle fracture ouverte ou explosion de la rate pour chercher des yeux son ami. Evidemment, au milieu d'une si vaste pelouse recouverte de givre, il était compliqué de distinguer le corps frêle du bleu et bronze.

Aussi, grimpant sur son balais qui reposait sagement là où il avait du tomber, tout au pied d'un gradin, il frappa le sol sans se soucier de ses trois côtes à droite qui devaient surement être cassées vu comme il avait du mal à respirer, ni de son crâne qui battait aux tempes et dont les parois semblaient vouloir fusionnées pour lui écrabouiller la cervelle, ni de sa cheville qui avait enflée et doublée de volume et que était surement traumatisée par sa chute.

De nouveau dans les airs, il remarqua aussi une blessure à l'épaule qu'il devait s'être démise lorsqu'il voulut tendre les bras en lâchant le manche. Mais il faisait fi de la douleur physique. Il fallait que Cormac retrouve Terry.

Arpentant le terrain méthodiquement, de part en part par la largeur, il avait déjà avancé sur plus de la moitié de la pelouse. Il se rapprochait des vestiaires, l'endroit le plus logique où le bleu et bronze pourrait être. Car à part de multiples contusions et traumatismes, Cormac ne semblait pas souffrir de la perde de son âme. Ca pouvait donc signifier deux choses : soit Terry avait fait fuir le Détraqueur, soit -et il préférait éviter d'y penser- le Détraqueur avait emmené Terry une fois que Cormac eut été mis hors d'état de nuire.

Le blond priait pour que la première solution soit la bonne et s'activait, n'oublions aucun recoin du terrain pour ne pas bâcler ses recherches. Car si Terry s'était avancé plus en avant, s'éloignant des vestiaires, il fallait chercher partout pour le retrouver au plus vite et ne pas paniquer s'il ne se trouvait pas à l'endroit attendu.

Cormac finissait la dernière longueur du terrain et s'approchait de la porte, prenant soin de ne pas se montrer trop prompt les derniers mètres, d'impatience. Son corps complètement engourdi et immensément douloureux fut parcourut d'un long frisson glacé avant qu'il ne tressaute, mu par des soubresauts frénétiques alors qu'il venait d'apercevoir le corps inanimé de Terry.

N'ayant pas les capacités médicales pour s'assurer qu'il allait réellement bien et ne sachant que faire à peine lui envoyer une claque en priant que ça le réveille, Cormac mit pied à terre et fit la seule chose qu'il trouva logique et approprié.

Glissant précautionneusement ses grandes paumes derrière les genoux puis les épaules de Terry, il poussa sur ses jambes accroupies pour se remettre debout, le torse du bleu et bronze reposant, immobile et sans bruit, sur le sien. Pourtant, malgré l'absence de signes rassurant, il dégageait une sorte de chaleur diaphane qui rassurait Cormac et le poussait à l'emmener le plus rapidement possible en lieu sur.

D'un sortilège informulé, il parvint à faire glisser le balais entre ses cuisses et à le faire décoller au ralenti alors qu'il prenait place sur le morceau de bois, Terry toujours entre ses bras puissants. Malgré sa force et l'envie qu'il avait que le brun aille bien -et donc de l'emmener à l'infirmerie-, Cormac commençait à fatiguer, ses propres blessures tirant, malmenant ses tissus plus que de raison.

Il traversa relativement rapidement le parc et passa le pont avec facilité. La porte du Hall ne lui fit pas de difficulté car malgré l'heure plutôt matinal, et les quelques élèves qui se promenaient dans les couloirs, Cormac volait coller au plafond, loin des regards indiscrets.

Il grimpa encore les deux étages le séparant de la pièce médicale tant recherchée et lorsqu'il arriva devant les portes de l'infirmerie, il les ouvrit d'un informulé pour atterrir un peu gauchement dans la pièce au milieu des autres lits miraculeusement vides,

Cormac enjamba son balais tant bien que mal et déposa Terry sur l'un des lits, un main posé sur son bras tiédissant toujours à son contact. Inquiet, les sourcils froncés et une moue hargneuse sur le visage, Cormac hurla pour réveiller l'infirmière, avant de se coucher à nouveau, sentant sa tête prête à exploser entre ses oreilles.